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A propos des relations égypto-saoudiennes

Lundi, 17 octobre 2016

L’Egypte et l’Arabie saoudite représentent les deux pôles du monde arabe. Elles sont séparées par la mer Rouge, mais aussi de temps en temps, par des divergences de vue. Les relations entre les deux pays basculent d’un état à un autre de façon alternative. Les deux Etats sont souvent en lice pour le leadership politique du monde arabe. Mais cette compétition ne les a jamais conduits à être hostiles l’un envers l’autre. Si l’un connaît une crise l’autre se hâte de le soutenir sans hésitation.

A titre d’exemple, dans les années 1960, l’armée de chaque pays est intervenue dans la guerre civile au Yémen. L’Egypte soutenait le coup d’Etat du maréchal Abdallah Al-Sallal contre l’imam Muhammad Al-Badr, roi du Yémen à l’époque, appuyé par l’Arabie saoudite. Cette guerre a opposé les deux pays pendant 5 ans (1962 à 1967). Mais ce conflit a pris fin au Sommet arabe de Khartoum après la défaite de 1967 face à Israël, lorsque Nasser a annoncé sa disposition à retirer ses troupes du Yémen. Le roi Fayçal Bin Abdel-Aziz a lancé, ensuite, un appel aux Arabes soulignant la nécessité de soutenir l’Egypte.

Ce soutien allait se maintenir, sans interruption, jusqu’à la victoire de la guerre du 6 Octobre dans laquelle le roi Fayçal a conduit une bataille héroïque au service de la guerre en coupant l’approvisionne­ment en pétrole à l’Occident et particulièrement aux Etats-Unis.

De même, pendant la guerre du Golfe (1991), l’Egypte n’a pas hésité à intervenir avec son armée pour sauver l’Arabie saoudite et tous les pays du Golfe de l’invasion de Saddam dans la région. Les intérêts sont donc réciproques.

Pendant les trois dernières années, surtout après le décès du roi Abdallah Bin Abdel-Aziz, les points de convergence entre les deux pays sont devenus moins nom­breux que les points de divergence.

Le premier point de divergence concerne le conflit yéménite qui revient sur le devant de la scène. Les deux pays sont, cette fois-ci, d’accord sur le danger houthi (pro-iranien). L’Egypte a partici­pé aux raids aériens menés par la coali­tion arabe, sous commandement saou­dien, pour soutenir le président yémé­nite Abd-Rabbo Mansour Hadi. Mais elle a refusé une participation de ses troupes au sol à cause de l’ancienne et douloureuse expérience qui remonte à l’époque de Nasser.

Le deuxième point de divergence se rapporte à la confrérie des Frères musulmans que l’Egypte répertorie comme une organisation terroriste et la considère comme la cause principale des conflits internes, alors que les autorités saoudiennes esti­ment que les groupes parrainés par les Frères musulmans sont le meilleur outil pour faire face aux chiites et à Ansarallah au Yémen et dans toute la région.

Le troisième point de divergence et le plus délicat se rapporte à la crise syrienne. L’Egypte a l’intime conviction que la Syrie est sa frontière nord qui doit être intouchable. Dans l’histoire de l’Egypte, toutes les invasions venaient du nord. Par conséquent, la position de l’Egypte soutenant le projet russe aux Nations-Unies ne doit pas être comprise comme étant une confrontation avec l’Arabie saoudite.

De même, le vote égyptien en faveur du projet russe ne doit absolument pas être interprété comme un soutien à Bachar Al-Assad ou à son régime des­potique, mais il s’agit plutôt d’éviter à l’Etat syrien un sort similaire à celui de l’Iraq ou de la Libye.

Il est évident que l’Egypte sent qu’elle est entourée de dangers de toutes parts. A l’ouest, il y a la Libye, à l’est, il y a Israël et le Hamas, et au sud vient la menace du barrage d’Al-Nahda en Ethiopie !

En fait, cette dernière tension entre les deux pays ne doit jamais mener à une rupture ou à l'amplification des diver­gences, car les deux pays, toujours frères, n’ont pas le luxe de devenir ennemis, surtout dans le statu quo périlleux actuel sur le plan régional et international.

Bref, l’histoire des relations égypto-saoudiennes a parfois connu des heurts — comme pendant la guerre du Yémen dans les années 1960 —, des ruptures comme celle qui a eu lieu entre 1979 et 1989, après la signature des accords de Camp David, mais aussi de remarquables moments d’en­tente et de nombreux soutiens mutuels. Le dernier malentendu du vote en faveur de la Russie ne doit pas être la fin du monde, mais il doit être une occa­sion pour que chacun des deux pays redresse sa politique envers l’autre.

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