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Intérêts égyptiens et pressions russes

Dimanche, 25 septembre 2016

De nombreux Egyptiens apprécient les positions russes qui ont soutenu la révolution égyptienne du 30 juin 2013, à un moment où d’autres pays étaient hésitants ou ouvertement hostiles. Cet alignement s’avère être le legs d’une expérience historique remontant aux années 1960 lorsque l’Union Soviétique, devenue plus tard la Russie, avait tendance à se rallier à des amis ayant embrassé des orientations idéologiques proches des tendances communistes et socia­listes et qui ont prévalu dans l’Egypte de Nasser.

Mais la Russie d’aujourd’hui n’est en rien semblable à celle qui régnait à cette époque. Aujourd’hui, tout ce qui importe à Moscou ce sont ses propres intérêts qui ne cessent de mettre sous pression Etats amis ou ennemis. Mais les moyens que Moscou utilise varient selon les circonstances et atteignent parfois même, comme on l’appelle dans le jargon politique « le stade de marché d’échange global ». Parfois même, quand les circons­tances l’exigent, la Russie recourt à la force militaire pour trancher certains dossiers rela­tifs à sa sécurité nationale comme ce qui est arrivé lors de la crise ukrainienne. L’apogée de cette politique a certes culminé dans le traitement de la crise syrienne avec une intervention militaire directe afin de changer sur le terrain la réalité de l’équilibre de force et empêcher la chute du régime de Bachar Al-Assad. Peu importe pour Moscou les contre-pressions exercées par les Etats-Unis, les Etats européens ou encore l’Otan, qu’elles soient à l’image de sanctions écono­miques, menaces militaires ou actions de l’Otan sur ses frontières. Simultanément, cela n’empêche guère la Russie de s’engager dans le dialogue avec les ennemis bien qu’elle soit parfaitement consciente de sa nature stérile. En général, elle affiche une politique « anti-rupture ». Elle se conforme à cette logique mais aussi à son contraire. Elle pratique le rapprochement avec l’autre à condition que son intérêt suprême soit réali­sé, et s’il y a divergence d’intérêt, elle ne fait jamais marche arrière. Ainsi aujourd’hui, un solide allié peut devenir un ennemi juré. Et il devient de plus en plus facile de prévoir ses prochains pas.

Ce diagnostic peut en effet choquer une large part d’Egyptiens qui continuent de vivre les beaux souvenirs des époques révo­lues et qui ont du mal à comprendre les positions de leurs alliés historiques qu’ils estiment injustifiées ou peu soucieuses de la spécificité des relations bilatérales entre les deux pays. Nombreux ont exprimé leur res­sentiment lorsqu’ils ont vu Moscou revenir sur ses décisions sanctionnant Ankara qui avait fait abattre un avion militaire russe. Plus encore, elle a décidé de compenser Ankara pour les sanctions prises à son égard et autorisé le retour des touristes russes en Turquie, deux jours après l’attentat terroriste ayant frappé l’aéroport international d’Is­tanbul. Allant encore plus loin, elle a admis son intervention militaire sur le territoire syrien pour frapper les forces syriennes régulières considérées auparavant comme un allié kurde de la Russie dans sa lutte contre les milices terroristes de Daech à l’intérieur de la Syrie.

La Russie a récemment annoncé que les vols vers l’Egypte ne reprendront pas avant la fin de l’année courante. Ce qui veut dire que même à l’issue de la rencontre Sissi/Poutine à Pékin en marge du sommet du G20, le tourisme russe n’est pas près de reprendre en Egypte. Egalement, il n’existe aucune transparence dans le dossier de la centrale nucléaire d’Al-Dabaa et nous avons été récemment confrontés à une menace de suspension des importations d’agrumes ainsi que d’autres produits agricoles égyptiens. Cette position est venue en réponse à une décision prise par le ministère égyptien de l’Agriculture interdisant les cargaisons de blé atteint de l’ergot à des taux pourtant res­pectant les normes mondiales. Des rumeurs courent selon lesquelles cette décision n’était pas correcte et qu’elle serait annulée pro­chainement pour satisfaire la Russie, de crainte qu’elle ne continue à brandir la menace de la suspension de l’importation des agrumes égyptiens pour une somme qui atteint 350 millions de dollars par an. Mais le dossier du blé et des agrumes, malgré les effets négatifs qu’il peut avoir sur la santé, est minimal si on le compare à celui des relations militaires. Rappelons de plus que, malgré la profondeur des relations russo-iranniennes, Moscou a, à plusieurs reprises, ralenti le processus de construction du réac­teur nucléaire à Abou-Chahar pour manoeu­vrer avec Washington. Je ne dirai pas cela pour être de mauvais augure, mais la sagesse implique que l’on soit sur nos gardes et prêt à tout avec tous les alliés, sans exception aucune

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