Depuis l’annonce des résultats désespérants du référendum ayant consacré la sortie de la Grande-Bretagne de l’Union Européenne (UE), les conséquences de ce résultat ne cessent de se multiplier. Il est d’ailleurs fort probable que l’impact d’une telle décision historique s’étende sur deux ans. L’article n°50 du Traité de Bruxelles stipule que les opérations de négociations avec le pays concerné soient achevées dans le courant de deux années, le temps de signer le traité de sortie de l’union, à commencer par la déclaration de retrait officielle de celui-ci. Il est probable que ce délai de deux ans se prolonge, avec l’approbation de tous les membres. La décision britannique historique est susceptible de mener à d’autres retraits en cascade. Raison pour laquelle l’on s’attend à ce que les procédures soient compliquées pour éviter des réactions similaires de la part d’autres membres de l’union. Ajoutons à cela le fait que les deux forces, qui alterneront à la direction de l’union et qui seront majoritairement responsables du façonnement de ses politiques après le Brexit, à savoir la France et l’Allemagne, seront engagées dans des élections. Sans nul doute, l’un des facteurs qui prédominera les campagnes électorales sera l’impact de cette sortie de la Grande-Bretagne. D’ailleurs, chacun des deux pays se trouvera confronté à un déluge d’accusations sur leurs politiques antérieures qui ont manqué de préserver au sein de l’union l’un de ses membres-clés. Cela amènera les deux pays à faire preuve de plus de rigorisme vis-à-vis de la Grande-Bretagne, lors des négociations de sortie. Il est possible qu’il soit dans l’intérêt de la Grande-Bretagne de prolonger la procédure de sa sortie de l’UE. L’annonce du résultat de ce référendum a provoqué une chute considérable de 12 % de la livre sterling face à l’euro.
Plus que ses anciens partenaires au sein de l’Union européenne, la Grande-Bretagne a le plus besoin de temps. Car il faut trouver les moyens adéquats de traiter avec l’Ecosse et l’Irlande du Nord qui ont voté pour rester au sein de l’Union européenne. Ce qui renforcera forcément (au sein de ces deux pays) le camp demandant la séparation de la Grande-Bretagne.
Cette année, un référendum a eu lieu en Ecosse sur ce sujet, et les résultats étaient pour la non séparation, mais l’écart était faible. Il est clair que les différends actuels entre les deux augmentera le nombre de ceux qui exigent la séparation. Cela signifie que tous ceux qui imaginaient que la sortie de la Grande-Bretagne de l’Union européenne représenterait un problème pour l’Europe et résoudrait les problèmes de la Grande-Bretagne sont noyés dans des illusions. Car la séparation entraînera de nouvelles difficultés pour la Grande-Bretagne, dont certaines sont liées à celle de conserver l’union au sein de la Grande-Bretagne elle-même.
Il est étrange que ce résultat n’ait pas été prévisible pour le premier ministre, David Cameron. En jouant cette carte politique, Cameron a commis une erreur flagrante car il n’a pas sondé au préalable la perception des Britanniques sur cette question. Il a mené des tentatives pour sa carrière politique et tenté de s’attirer une plus grande marge de sympathisants aux élections en les amadouant et en leur promettant d’organiser un référendum sur le Brexit. Cameron, qui a présenté sa démission vendredi dernier suite aux résultats du référendum, est face à une vraie défaite : il avait tenté avec les premiers ministres qui l’ont précédé, et en tête Tony Blair, de déployer des efforts pour convaincre l’opinion publique de l’importance de rester au sein de l’union.
En réalité, ceux qui connaissent la Grande-Bretagne et son histoire ne sont pas surpris par le résultat du référendum. L’isolement britannique de longue date a fait que les citoyens eux-mêmes ne sont pas intéressés à nouer des relations avec leurs voisins européens. Pour les Britanniques, peu leur importe les relations de bon voisinage avec le vieux continent, et ils préféreraient la rupture avec ceux qui les ont entraînés dans des guerres sanglantes. Ce sentiment s’applique surtout à la France, située de l’autre côté de la Manche.
Les Britanniques peuvent aller jusqu’à renoncer à leurs croyances pour préserver leur identité qui, selon eux, est différente de l’européenne. L’histoire du XVIe siècle nous le dit. avec le roi Henry VIII qui a renoncé à son catholicisme pour se convertir au protestantisme. Henry VIII était motivé par des objectifs purement personnels. Il voulait divorcer de son épouse Catherine pour se marier avec une autre femme, ce qui est abhorré dans le catholicisme. Face au refus du pape, il a proclamé l’adhésion de son Etat au protestantisme et a été placé à la tête de l’Eglise anglicane. D’ailleurs, la reine Elisabeth est encore à la tête de l’Eglise anglicane. Mais cette rupture de Henry VIII était plutôt d’ordre politique et a éloigné la Grande-Bretagne de l’emprise du pape de Rome dont l’influence s’étendait au-delà du continent européen, et qui ressemble en quelque sorte à l’influence de l’Union européenne de nos jours. Dans cet air « d’indépendance » d’outre-mer, comme ont tendance de l’appeler les Anglais, le peuple britannique, de nature religieuse, n’a pas hésité à se convertir à une autre confession.
Mais la séparation de la Grande-Bretagne du vieux continent a été une décision plus radicale que celle de Henry VIII 500 ans plus tôt. Le monde du XXIe siècle est différent de celui du XVIe siècle, car les distances ont rétréci, les intérêts se sont enchevêtrés et l’isolement géographique n’est plus applicable dans le monde de la politique, de l’économie et des intérêts nationaux.
La députée Jo Cox a été victime de son plaidoyer sur l’adhésion de la Grande-Bretagne à l’Union européenne. Lorsqu’elle est décédée dans son sang avant de rendre son dernier souffle, ce fut comme une prédiction de ce qui adviendrait à son pays. Il s’agit d’une énorme secousse, et les jours qui viennent en verront d’autres successives qui pourront changer la géographie de la Terre. La Grande-Bretagne supportera-t-elle les secousses à venir ou est-ce que la douleur sera trop forte, comme celle subie par la députée Jo Cox ?.
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