Les succès militaires réalisés contre le groupe Etat Islamique (EI) en Iraq et en Syrie sous la houlette de la coalition internationale, dirigée par les Etats-Unis, soulèvent une nouvelle problématique, à savoir comment gérer les tensions sectaires qui pourraient résulter de la guerre contre le groupe extrémiste ? Ce risque existe tant en Iraq qu’en Syrie. En Iraq tout d’abord, la participation de milices chiites à l’attaque contre l’EI à Fallouja risque de raviver les tensions sectaires, ces mêmes tensions qui avaient mis de l’eau dans le moulin du groupe lors de sa fulgurante ascension en 2014. Les sunnites, marginalisés par l’ancien gouvernement de Nouri Al-Maliki avec le soutien de l’Iran chiite, n’avaient pas hésité à soutenir les djihadistes de Daech qu’ils considéraient alors comme un « rempart contre le pouvoir chiite ». Aujourd’hui, le gouvernement iraqien a besoin des milices chiites pour son offensive militaire contre Daech, mais ces milices sont rejetées par les populations sunnites des villes que le pouvoir iraqien tente de libérer. Les autorités iraqiennes affirment que ces milices « resteront en dehors des villes libérées pour empêcher les éventuels renforts au profit de l’EI, et ne seront pas autorisées à y entrer ». Cependant, les médias se sont récemment fait l’écho d’abus commis par les milices chiites à l’encontre de certains résidents de Fallouja qui tentaient de fuir la ville. Un fait qui pourrait exacerber les tensions sectaires même si, selon le gouvernement iraqien, il s’agit de « simples contrôles pour s’assurer que les militants de Daech ne quittent pas la ville ». Le gouvernement iraqien de Haider Al-Abadi est appelé aujourd’hui à prendre toutes les mesures nécessaires pour empêcher les tensions sectaires de resurgir. Car pour venir totalement à bout de Daech, il aura certes besoin de l’appui des populations.
En Syrie, le même problème se pose. La majorité sunnite se sent trahie par les Occidentaux qui ne sont jamais intervenus contre le régime alaouite de Bachar Al-Assad, soutenu lui aussi par l’Iran chiite. Cette situation a créé un climat favorable à l’expansion de l’Etat islamique en 2014. En résumé, l’expansion de Daech a été favorisée par des considérations sectaires. Or, cette dimension sectaire est omniprésente. La nouvelle problématique qui se pose aujourd’hui tant en Iraq qu’en Syrie est de savoir comment assurer le contrôle des villes libérées et empêcher les tensions sectaires de refaire surface. En l’absence de réformes politiques sérieuses qui mettent un terme à la marginalisation des populations sunnites au profit des chiites en Iraq et des Alaouites en Syrie, on ne peut pas espérer mettre durablement fin au danger de Daech .
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