A la satisfaction de l’Autorité palestinienne et au grand dam d’Israël, une conférence internationale pour relancer le processus de paix au Proche-Orient s’est tenue le 3 juin à Paris, à l’initiative de la France.
La France, soutenue par les Palestiniens et les pays arabes, est partie de l’idée que le statu quo actuel est intenable ; les derniers efforts de relance des négociations de paix, sous le patronage des Etats-Unis, étant interrompus depuis avril 2014. Depuis, aucune action sérieuse n’a été entreprise pour réactiver un processus de paix au point mort. Certes, le contexte régional, dominé par une multitude de conflits armés en Syrie, en Libye, en Iraq et au Yémen, est des moins favorables. Mais pour les tenants de la relance des efforts de paix, la poursuite du blocage est aussi porteuse de frustration, terreau d’extrémisme et de violence. Constatant au même titre que Washington a cessé d’exercer ses bons offices, échaudé par deux tentatives infructueuses lors des deux mandats présidentiels de Barack Obama, Paris a fait le pari de chercher à remplir le vide laissé par ce retrait relatif des Etats-Unis de la scène proche-orientale, en invitant les principaux acteurs de la communauté internationale concernés par le conflit israélo-palestinien à une réunion qui rappellera les principes d’un règlement global et durable. L’idée est d’enclencher suffisamment de force de pression internationale pour inciter la partie récalcitrante, Israël, à se mettre sur la table de négociation.
L’enjeu à ce stade était de recueillir l’adhésion des Etats-Unis à cette initiative. Paris a dû d’ailleurs, pour assurer la participation du secrétaire d’Etat américain John Kerry, reporter de quelques jours la réunion, prévue initialement le 30 mai. La réaction américaine initiale était plutôt tiède, Washington ne voulant pas perdre son quasi-monopole de l’effort de paix. Dans ce sens, les Etats-Unis, principal allié et protecteur d’Israël, ont toujours voulu tenir à l’écart la communauté internationale, plus proche dans ses positions des droits nationaux des Palestiniens, de toute « immixtion » ou parrainage du processus de paix. Une précédente initiative française, en avril 2015, de faire adopter par le Conseil de sécurité de l’Onu une résolution soutenant la création d’un Etat palestinien dans les frontières de juin 1967 et fixant une période de 18 mois pour la conclusion d’un accord de paix israélo-palestinien, a fait long feu en raison de l’opposition de Washington qui a menacé d’user de son droit de veto.
Cette fois, sans soutenir explicitement l’initiative française, les Etats-Unis ne s’y sont opposés, probablement en raison de leur irritation face à l’intransigeance du premier ministre israélien, Benyamin Netanyahu, responsable à leurs yeux de l’échec de leurs deux tentatives de relancer le processus de paix. Cette volonté de « sanctionner » le chef du gouvernement israélien n’ira cependant pas très loin, pour des raisons de politique intérieure américaine. A six mois de la fin de son mandat, le président Obama est sur le départ, ce qui limite sensiblement sa marge de manoeuvre. Il est, avec le camp démocrate, tenu à ne pas compromettre les chances de la candidate du parti à la présidentielle, Hillary Clinton, face à son rival républicain Donald Trump. Il éviterait ainsi de prendre une position qui serait, en pleine période électorale, interprétée — et exploitée — par le camp républicain comme étant anti-israélienne. La candidate Clinton, pour courtiser le puissant lobby américain pro-israélien, s’était déjà opposée à toute tentative d’imposer une solution politique à Israël, en allusion à une éventuelle intervention de la communauté internationale dans le règlement de la question palestinienne. Il est donc douteux que la prochaine Administration américaine, qu’elle soit démocrate ou républicaine, poursuive sur la voie de l’internationalisation du conflit israélo-palestinien, comme prévu par l’initiative française. Celle-ci prévoit la tenue avant la fin de l’année d’une seconde conférence, avec cette fois la participation des deux parties prenantes, l’Autorité palestinienne et Israël. Elle envisage aussi une sorte de supervision internationale des éventuelles négociations de paix.
Tout porte à croire qu’une fois installée dans ses fonctions en janvier 2017, la nouvelle Administration chercherait à reprendre la main sur toute action de relance du processus de paix, aidée en cela par Israël, qui a d’ores et déjà annoncé son refus de l’initiative française. Netanyahu a réitéré à l’occasion la position de son pays qui rejette toute ingérence internationale et tient à des pourparlers directs avec les Palestiniens. Israël a toujours tenu à cette formule — préférée aussi des Américains parce qu’elle maintient leur rôle comme uniques médiateurs — car elle traduit dans les négociations avec les Palestiniens l’équilibre des forces, largement en sa faveur.
La nomination, le 30 mai denier, de l’ultranationaliste, Avigdor Lieberman, chef du parti d’extrême droite Israël Beiteinou, au poste de ministre de la Défense, devrait durcir davantage la position du gouvernement israélien, la plus à droite de l’histoire du pays, rendant illusoire toute possible prochaine relance du processus de paix, conformément à l’initiative française. Lieberman est un partisan inconditionnel de la colonisation juive dans les territoires palestiniens, un obstacle majeur qui a souvent fait capoter les négociations de paix. Il a régulièrement reproché au gouvernement de Netanyahu de ne pas construire dans les colonies de la Cisjordanie. Contrariés par une dérive extrémiste prévisible du gouvernement israélien, les Etats-Unis se sont ouvertement interrogés « sur la direction que pourrait prendre » Israël avec la nomination de Lieberman, qui a toujours tenu une rhétorique agressive à l’égard des Palestiniens
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