L’organisation extrémiste Daech est sous pression militaire sur tous les fronts des pays arabes où elle a pris pied. En Syrie, les milices, principalement kurdes, des Forces Démocratiques Syriennes (FDS) tiennent en étau la ville de Manbij, un fief de l’Etat Islamique (EI) dans le nord du pays, proche de la frontière avec la Turquie. L’importance stratégique de cette ville tient à sa position sur la route d’approvisionnement de la « capitale » de l’EI en Syrie, Raqa. L’éventuelle capture de Manbij sera une étape importante vers Raqa. En fait, l’armée syrienne, soutenue par la Russie et l’Iran, et les FDS, soutenues par des frappes aériennes de la coalition dirigée par les Etats-Unis et par des forces spéciales américaines et occidentales présentes sur le terrain, mènent séparément depuis des semaines une offensive en vue de reprendre la « capitale » de facto de Daech en Syrie. Même s’il est encore trop tôt de parler d’une possible reprise de la ville, les deux parties rivalisent déjà à qui reprendrait le premier le bastion de l’EI, situé sur les rives de l’Euphrate à 170 km à l’est d’Alep. Ces développements font suite à la reprise fin mars par les forces loyalistes syriennes, soutenues par des frappes aériennes russes, de la ville historique de Palmyre (centre), occupée par Daech depuis fin mai 2015.
En Iraq, les forces gouvernementales sont entrées le 29 mai dans Fallouja, une ville à 69 km à l’ouest de Bagdad, dans la province d’Al-Anbar, occupée par l’EI depuis janvier 2014. Elle est la troisième ville reprise à Deach ces derniers mois. La première a été Tikrit (140 km au nord-ouest de Bagdad) en mars 2015, suivie de Ramadi, (110 km à l’ouest de Bagdad), chef-lieu de la province d’Al-Anbar, en décembre 2015. L’EI a perdu ainsi beaucoup de terrain dans la province à majorité sunnite d’Al-Anbar, à l’ouest de Bagdad, frontalière de la Syrie. Mais il contrôle toujours depuis le 10 juin 2014 sa « capitale » en Iraq, Mossoul, la deuxième ville du pays (2 millions d’habitants), située sur le Tigre à 400 km au nord de Bagdad.
En Libye enfin, Daech serait en passe de perdre son dernier bastion, la ville portuaire de Syrte (centre), à 370 km à l’est de Tripoli, au profit des milices de la ville de Misrata, à 187 km à l’est de Tripoli, alliées au gouvernement d’union nationale du premier ministre Fayez Al-Sarraj. L’EI avait occupé la ville natale de l’ancien dirigeant Muammar Kadhafi en juillet 2015 et en a fait « sa capitale » en Libye. En juillet dernier, Daech avait perdu le contrôle de la petite ville portuaire (est) de Derna, occupée en octobre 2014, au profit d’une coalition de groupes islamistes réunis sous le label du « Conseil de Choura des Moudjahidin de Derna ». En février 2016, il perd le contrôle de la ville portuaire de Sabrata, à 66 km à l’ouest de Tripoli, proche de la frontière avec la Tunisie, qu’il a occupée brièvement avant d’être obligé de s’en retirer sous la pression militaire de milices locales.
Cet inventaire du recul apparent de l’EI dans le monde arabe est le fruit d’une prise de conscience accrue du danger que représente ce groupe extrémiste. Le début était l’expansion rapide de Daech à partir de l’été 2014, où il a réussi en offensives éclairs à occuper le tiers des territoires de la Syrie et de l’Iraq. Il a ensuite élargi son réseau régional en Libye, en proie à une guerre civile, mais aussi au Sinaï, où le groupe extrémiste d’Ansar Beit Al-Maqdès a prêté allégeance à l’EI en novembre 2014. C’est à partir de septembre 2014 que les Etats-Unis ont mis en place une coalition militaire régionale et internationale pour combattre Daech. Sans minimiser le rôle majeur joué par les autorités des pays concernés, l’essentiel des victoires militaires remportées ces derniers mois contre l’EI a été rendu possible grâce au concours apporté par des parties régionales et internationales. Il s’agit principalement de la coalition occidentale qui prête main forte aux régimes en Iraq et en Libye et à des groupes et milices d’opposition en Syrie, via des frappes aériennes intensives et des missions de soutien et de formation assurées par des forces spéciales américaines, françaises et britanniques. Il s’agit aussi de la Russie qui apporte son soutien militaire précieux depuis septembre dernier au régime de Damas, mais également de l’Iran qui intervient aussi bien en Syrie qu’en Iraq aux côtés des autorités des deux pays.
La prise de conscience du danger de l’EI a été particulièrement renforcée dans les pays européens à la suite de la crise des réfugiés qui ont déferlé par des centaines de milliers sur l’Europe à partir de 2015. Une série d’attentats terroristes revendiqués par l’EI dans certains pays européens y a renforcé les craintes d’une expansion du groupe terroriste vers le vieux continent. D’où l’action de plus en plus offensive contre Daech de pays comme la France, le Royaume-Uni ou l’Italie. Une preuve supplémentaire de cette montée en puissance de l’action occidentale contre l’EI est l’envoi par les Etats-Unis en Méditerranée, une première depuis l’invasion américaine de l’Iraq en 2003, de deux porte-avions, les USS Dwight Eisenhower et USS Harry Truman, accompagnés de leur groupe de croiseurs lance-missiles et de destroyers. L’objectif est de soutenir Tripoli dans son combat contre le groupe extrémiste, mais aussi de rassurer les alliés européens en montrant le sérieux de l’engagement américain à leurs côtés contre le terrorisme de Daech qui menace l’Europe.
Les gains militaires réalisés récemment contre l’EI seront cependant insuffisants à enrayer durablement le danger de ce groupe extrémiste s’ils ne sont pas accompagnés par des réformes politiques en profondeur qui s’attaquent aux racines de ce mal, à savoir la marginalisation politique en Iraq comme en Syrie de la communauté sunnite, au profit des chiites dans un cas et des Alaouites dans l’autre. Une marginalisation qui a apporté de l’eau au moulin de Daech,
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