Après de longues semaines de négociations pour tenter de sortir le conflit syrien de l’ornière, Américains et Russes sont revenus à la case départ. La trêve conclue entre Bachar Al-Assad et les rebelles n’a jamais vraiment été respectée et les combats ont repris de plus belle dans la région d’Alep et ses alentours, où la situation humanitaire est quasi tragique. Depuis quelques semaines, en effet, Moscou et Washington déploient des efforts dans le cadre du Groupe International de Soutien à la Syrie (GISS) qui comprend trois organisations internationales et 17 pays (dont les Etats-Unis, la Russie, l’Arabie saoudite, l’Iran et l’Union européenne) pour maintenir le fragile cessez-le-feu, prolongeant à plusieurs reprises la trêve dans la région de Damas, et surtout à Alep. Le secrétaire d’Etat, John Kerry, était cette semaine en Arabie saoudite pour évoquer notamment la crise syrienne avant une réunion du GISS qui vise, selon la diplomatie américaine, à « consolider la cessation des hostilités (...), garantir un accès humanitaire dans tout le pays et accélérer la transition politique ».
Mais comment faire cesser les hostilités alors que le principal point de discorde entre le régime et les rebelles n’a toujours pas été réglé ? Assad doit-il partir ? Bien que Russes et Américains se soient accordés sur plusieurs points importants comme la tenue d’élections en Syrie et la mise en place d’une nouvelle Constitution, la question du maintien ou non d’Assad dans la Syrie post-révolutionnaire n’a jamais été réglée. Washington refuse de faire pression sur les rebelles, afin de les amener à accepter un accord qui ne prévoit pas le départ d’Assad, soutenant que « de telles pressions ne peuvent qu’envenimer le conflit », et cela ira dans l’intérêt du groupe terroriste Daech. Les Russes, eux, bien qu’ils affirment ne pas considérer Bachar comme un « allié », soulignent que son départ pourrait « plonger le pays dans un chaos semblable à celui qui sévit en Libye depuis la chute de Muammar Kadhafi ».
En réalité, chacune des deux superpuissances défend ses intérêts. Les Russes ne veulent pas d’effondrement de l’Etat syrien qui mettrait en péril leurs intérêts dans la région de la Méditerranée. La Syrie de Bachar Al-Assad est l’un des derniers bastions de Moscou au Moyen-Orient. Et bien qu’ils ne tiennent pas spécialement à Assad, les Russes refusent l’avènement d’un Etat islamiste en Syrie. Quant aux Américains, ils pensent qu’Assad a perdu toute légitimité et doit donc partir. « Assad a perdu toute légitimité. Il doit partir pour que le pays puisse mettre fin à l’effusion de sang et pour que toutes les parties prenantes puissent aller de l’avant », a déclaré Barack Obama. « Vous ne pouvez pas mettre fin à la guerre civile tant que vous n’avez pas de gouvernement considéré comme légitime par la majorité de la population », avait-il martelé.
Ces mêmes divergences sur le maintien ou le départ d’Assad existent au sein du GISS et empêchent tout règlement du conflit. « Les choses en Syrie ne vont pas toutes dans la bonne direction », avait reconnu le porte-parole du département d’Etat, John Kirby, qui dénonçait le blocage d’un convoi humanitaire destiné à la ville assiégée de Daraya. « Il n’y a pas de progrès spectaculaires. Les menaces sur le cessez-le-feu subsistent et le processus de paix inter-syrien est pour l’instant gelé », a-t-il déclaré. Et d’ajouter : « Il reste beaucoup de travail au GISS ». John Kerry avait laissé poindre sa frustration en évoquant un mystérieux plan B des Etats-Unis pour mettre fin au conflit. Mais rien de concret n’a été dévoilé.
Entre-temps, la guerre en Syrie continue à tourmenter la population. Depuis mars 2011, ce terrible conflit a fait plus de 270 000 morts, a jeté des millions de personnes sur les routes et provoqué une crise humanitaire majeure.
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