Depuis l’aube des temps, la question de la justice a fait couler beaucoup d’encre. Elle a toujours préoccupé à la fois les esprits et le patrimoine religieux.
Tandis que ce dernier a, au fil des siècles, ancré les recommandations et les principes et a imposé leur concrétisation, l’esprit politique, quant à lui, n’a pas omis d’aborder dans les détails les méthodes de faire de la justice un fait accompli. Dans son livre La République, Platon avait posé les fondements de la justice au IVe siècle av. J.-C., à travers une question primordiale qu’il avait mise en avant. Une question qui peut être posée jusqu’à nos jours selon laquelle : est-il possible que l’Etat domine sans justice ou est-il contraint à la rechercher ? Pour répondre à cette question, Platon a mis l’accent sur le fait que l’Etat ne peut dominer que par le biais de la justice. Si quelqu’un est connu pour sa justice, il n’en demeure pas moins que cela reste une vertu personnelle, à travers laquelle il pourra réaliser un nombre d’acquis à l’échelle individuelle. Mais il ne pourra certainement pas faire de même sur le plan social. c’est à partir de là qu’émane donc l’importance de l’Etat qui est censé aller au-delà de la notion d’individualisme au collectif pour faire régner la justice. Il lui incombe, en fait, de répondre aux besoins croissants de tout un peuple, vu le caractère complexe des relations au sein de la société.
A la lumière de ces données, Platon a énuméré les exigences que l’Etat est en obligation d’offrir au citoyen. A commencer par la nourriture, considérée comme une condition sine qua non à la survie et à l’existence. La deuxième est le logement, et le logement en troisième position. Logiquement, Platon passe ensuite à l’organisation de la société à travers une série de politiques allant de pair avec ses objectifs, sur une base de travail productif garantissant à tout le monde une vie décente. Bien que Platon soit parti d’une vision conservatrice de la justice prônant la stabilité des situations, il n’en demeure pas moins qu’il a tout le mérite d’avoir posé les fondements qui ont géré tout dialogue ultérieur sur la question. Il a pris en compte les nouveautés dans les sciences politiques et sociales, dues à l’évolution sociopolitique qui a touché les sociétés humaines au fil des années. D’autant plus que l’environnement social de la justice est en mutation éternelle, selon le livre de David Johnston (paru en 2011), à cause du passage de la société d’une époque à une autre. De tout temps, ce passage avait entraîné des changements structurels sociaux, économiques, politiques et culturels, qui s’opèrent à travers des révolutions, des conflits internes, des guerres régionales et internationales, résultant de l’injustice interne et de l’occupation étrangère. Parallèlement, cela était accompagné de luttes diverses pour la justice et l’égalité.
Dans ce contexte, l’Etat prenait forme conformément aux rapports de force dominants. Il s’est avéré que nous ne pouvons pas discuter des causes de justice et d’égalité indépendamment de la nature des Etats, des orientations générales, de l’assise sociale et des politiques adoptées censées réaliser la prospérité des citoyens. Tout au long de l’Histoire humaine, il s’est avéré que la question de la justice et de l’égalité est plus que morale ou religieuse. Elle est liée de manière organique et structurelle au mouvement de la société et à la nature de l’Etat, de ses structures, du mode de production prévalent et des politiques adoptées pour la réalisation de l’égalité. Il faut rappeler dans ce contexte que la Révolution française a appelé à jeter les bases du principe du droit à l’égalité et à l’adoption de mécanismes réalisant la justice. Aujourd’hui, la justice est devenue un droit authentique et non un don. Les discussions continuent, voire se multiplient de plus en plus après la crise économique qui a secoué le monde en 2008 et qui a dévoilé le fossé énorme qui sépare les individus dans une même société et les Etats sur le plan mondial. Et donc, il était indispensable que la justice soit traduite en un vécu lié à la nature sociale des sociétés.
Bref, la justice sociale, dans toutes ses dimensions, était l’une des revendications-clés de la révolution de janvier 2011. Jusqu’à maintenant, aucun débat sérieux n’a été lancé sur les moyens susceptibles de lever l’injustice et de réaliser l’équité, à la lumière d’une vision exemplaire et complémentaire de développement reflétant les aspirations des nouvelles générations. La nouvelle Constitution qui a été adoptée ne reflète aucunement de vision profonde et complémentaire de la justice, s’étendant aux différentes institutions étatiques dans leur diversité. Le plus dangereux serait de reprendre les mêmes politiques d’antan et d’utiliser le même langage contre lequel se sont révoltés les jeunes toutes tendances confondues, provenant des villes et leurs périphéries. La persistance de l’absence de la justice déchaînera inévitablement une grogne qui sera difficile d’apaiser avec les calmants habituels.
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