Lors de la réunion du Conseil des ministres arabes de l’Intérieur au début du mois, deux déclarations ont été adoptées : l’une par les ministres de l’Intérieur des pays membres du CCG et l’autre par l’ensemble du conseil, à l’exception du Liban, de l’Iraq et de l’Algérie. Dans les deux documents, le Hezbollah libanais a été considéré, ainsi que l’ensemble de ses leaders et des organisations qui lui sont affiliées, comme une organisation terroriste.
Bien qu’il soit difficile et délicat de formuler un jugement sur la finalité de cette décision, on peut mettre la lumière sur ses motifs et son impact éventuel sur le Liban, la région du Golfe et le monde arabe.
Au départ, il est important de souligner que les deux décisions ont été adoptées sur fond d’escalade entre les membres du CCG et le Hezbollah. En plus de Bahreïn, qui a diffusé les aveux des éléments terroristes arrêtés récemment au royaume et affirmant avoir été entraînés et financés par le Hezbollah, l’Arabie saoudite semblait être de plus en plus préoccupée par l’implication croissante du Hezbollah dans les conflits en cours dans la région. Non seulement il combat aux côtés du régime d’Assad contre la résistance, mais aussi, il participe activement aux activités du mouvement chiite Al-Hachd Al-Chaabi en Iraq, soupçonné de commettre des atrocités contre les sunnites. En ce qui concerne le Yémen, le Hezbollah a été accusé d’envoyer des armes et même des experts aux rebelles. On peut comprendre, du moins en partie, les raisons qui ont poussé Riyad à suspendre son aide aux forces armées d’un pays dont l’un des partis lui est hostile. Comment Riyad peut-il accorder quatre milliards de dollars à un Etat qui a refusé de rallier la position arabe commune totalement solidaire avec l’Arabie saoudite face aux actes hostiles de l’Iran ?
Au Liban, la situation est de plus en plus tendue. Outre la vacance de la présidence libanaise depuis le 25 mai 2014, les forces politiques, notamment sunnites, ont lancé des critiques à l’égard du Hezbollah l’accusant d’être à l’origine de la tension avec l’Arabie saoudite. Bien que le chef de ce parti ait déclaré, fin février dernier, qu’il n’y aurait pas de guerre civile au Liban, force est de constater que la situation dans le pays, après le double camouflet subi par le parti à Tunis, est de plus en plus explosive. En effet, le Hezbollah pèse lourd sur la scène politique, par sa présence aux institutions de l’Etat. Et il était difficile à ce dernier d’approuver le communiqué final d’une réunion extraordinaire de la Ligue arabe, le 12 janvier, condamnant l’Iran suite aux attaques contre les missions diplomatiques et consulaires saoudiennes à Téhéran. Pour justifier cette prise de position, le ministre libanais des Affaires étrangères a déclaré : « Nous sommes contre cette déclaration parce que le document mentionne l’organisation libanaise Hezbollah, en l’accusant de terrorisme. Cette organisation est représentée au parlement et au gouvernement du pays ... ».
Sur le plan régional, il ne fait aucun doute que les prises de position contre le Hezbollah sont étroitement liées à la crise en cours entre Riyad et Téhéran. L’Iran n’a pas hésité à se proposer pour fournir, à la place de l’Arabie saoudite, l’aide financière nécessaire au Liban. L’axe chiite (Syrie, Iran, Hezbollah) soutient que la décision de Tunis ne profitera qu’à Israël. Or, il est primordial de mesurer l’impact de cette décision sur le conflit entre Israéliens et Palestiniens. Certaines formations, comme le Djihad islamique et le Front populaire, se sont dressées contre les accusations portées au Hezbollah, en mettant en avant son rôle en faveur de la « résistance ». Il est par ailleurs nécessaire de savoir quelles seront les mesures concrètes que chaque pays devra prendre pour mettre en oeuvre la déclaration de Tunis.
Enfin, quel sera le sort du Hezbollah ? Bien que tout le monde s’accorde à combattre le terrorisme, il est clair qu’il faut jeter les fondements d’une stratégie qui définisse l’ennemi et fixe les moyens de le combattre efficacement. Le sommet arabe, très attendu, pourrait-il s’acquitter de cette lourde tâche ?.
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