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Syrie : D'une révolution pacifique à une crise humanitaire

Mardi, 29 décembre 2015

Au cours du mois dernier, le président syrien Bachar Al-Assad a eu plusieurs rencontres avec les plus grands médias occidentaux. Cependant, il n’a rien dit de nouveau par rapport aux rencontres effectuées au cours des quatre dernières années. Dans ce contexte, plusieurs questions se posent : Pourquoi ces rencontres répétitives ? Dans quelques jours, cinq ans se seront écoulés depuis le début de la crise syrienne qui a commencé en tant que révolution pacifique ayant des revendications déterminées, à savoir une réforme politique et une restructuration du régime politique sur des bases démocratiques.

Le régime de Assad a réussi à transformer cette révolution pacifique en guerre civile acharnée, et le régime syrien lui-même s’est transformé progressivement en milices puissantes engagées dans un conflit désespéré contre le peuple syrien. Assad tente d’usurper les ressources financières et humaines de la Syrie. Bien plus, il essaye de détruire le tissu social syrien en créant un conflit confessionnel haineux. Il affronte la révolution pacifique avec des balles réelles qui mettent chaque jour fin à la vie de jeunes citoyens. Lorsque la révolution pacifique a viré vers une révolution armée, le régime n’a pas hésité à violer toutes les règles éthiques valables en temps de guerre. C’est ainsi que les hôpitaux, les mosquées et les églises sont devenus les cibles privilégiées des missiles et des tonneaux d’explosifs. Les commissariats de police et les prisons sont désormais remplis de milliers de Syriens qui meurent sous la torture féroce. Le peuple syrien a combattu ces dernières années pas seulement pour maintenir la résistance mais surtout pour préserver sa cohérence contre une politique méthodique qui veut le briser.

Après ces cinq années au cours desquelles plus de 250 000 syriens ont été tués et plus du tiers sont devenus des sans-abri ou des réfugiés, et alors que des groupuscules terroristes, comme Daech, ont imposé leur emprise sur de vastes parties de la Syrie, Assad tient les mêmes propos que ceux qu’il avait utilisés au début de la révolte populaire en mars 2011. C’est à croire qu’il vit dans un monde imaginaire.

Les paroles de Assad sont celles d’un dictateur du calibre de Hitler, Saddam Hussein ou Milosévitch. Ces gens qui se croient capables de gagner la guerre alors qu’ils vivent dans des abris souterrains. L’histoire des tyrans regorge de pratiques similaires à celles de Assad, dont l’élimination est devenue aujourd’hui moins prioritaire car plus coûteuse.

Syrie
(Photo : AFP)

La Syrie traverse aujourd’hui une phase transitoire difficile. De vastes territoires de ce pays échappent au contrôle de Assad. Ils sont régulièrement soumis aux bombardements, ce qui y rend la vie quasi impossible. D’un chef d’Etat, Assad n’est plus que le maire de Damas et de quelques banlieues. Il ne peut quitter son palais sans être entouré de ses milices. Il a perdu toute domination sur les frontières avec la Turquie et l’Iraq, ce qui signifie qu’il a perdu tout pouvoir sur les régions géographiques ayant une importance stratégique. Bien qu’il soit capable de bombarder ces régions, il est incapable de rétablir sa domination sur elles. Ces régions géographiquement séparées de la Syrie peuvent être visées par les airs. L’absence de pouvoir central rend leur gestion difficile. Pour les Syriens, il ne reste plus de Assad que son palais.

La communauté internationale a porté toute son attention sur l’émergence de Daech et son occupation de vastes territoires en Syrie et en Iraq. Cet intérêt s’est accru lorsque les médias occidentaux ont commencé à parler de l’exécution de nombreux otages. Daech a commis de nombreux crimes contre le peuple syrien, notamment dans les régions qu’il domine à Reqqa et à Deir Ez-Zor. L’Etat islamique empêche les jeunes filles d’aller à l’école, pratique la peine de mort et la flagellation sur les places publiques et coupe les têtes au nom de l’islam. Ces peines ont été appliquées à de nombreux Syriens qui ont refusé de se plier aux ordres de l’organisation terroriste.

Là est le dilemme qu’affronte le peuple syrien aujourd’hui, pris entre le marteau et l’enclume. D'une part, il y a le régime de Assad et ses bombardements quotidiens, de l’autre, Daech qui gouverne au nom de la charia. La communauté internationale ne doit plus permettre cette situation. Elle doit aider le peuple syrien à sortir de ce cauchemar vers un avenir démocratique. Les frappes aériennes contre Daech annoncées par le président américain Barack Obama peuvent être un début. Mais, malheureusement, elles ont eu des répercussions négatives car l’Administration américaine ne possède pas de stratégie globale pour mettre un terme au régime de Assad.

* Directeur du Centre syrien pour les études politiques et stratégiques

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