Beaucoup de tapage a été fait autour de la réunion à six des ministres de l’Irrigation et des Affaires étrangères de l’Egypte, du Soudan et de l’Ethiopie, tenue à Khartoum les 11 et 12 décembre dernier. Bien que la majorité des médias égyptiens, soudanais et mondiaux s’étaient mis d’accord sur l’échec de la réunion, les déclarations des responsables étaient différentes et variées. Par exemple, le ministre soudanais des Affaires étrangères a déclaré que la réunion a été positive, et selon le porte-parole du ministère égyptien des Affaires étrangères, la réunion n’a ni échoué ni réussi. Quant au ministre égyptien de l’Irrigation, il a nié tout échec. Bref, selon les normes soudanaises, la réunion était positive et selon les normes égyptiennes, elle n’a ni réussi ni échoué. Pour comprendre la signification de chaque déclaration, il faut avant tout comprendre l’objectif même de la réunion, pour faire un jugement correct.
L’objectif de la réunion peut être compris à la lumière des déclarations du ministre égyptien de l’Irrigation après la réunion du comité tripartite tenue au Caire en novembre dernier. Celui-ci a déclaré que l’Egypte avait informé l’Ethiopie de ses préoccupations en ce qui concerne le barrage de la Renaissance, lesquelles se résument à la rapidité de la construction dans une situation d’échec des négociations techniques au sujet des études sur le barrage et ses répercussions sur l’Egypte. Il est bien connu que l’Ethiopie tergiverse, dans l’objectif de retarder le plus possible ces études, et dans l’espoir qu’elles ne soient pas achevées avant la fin des travaux de construction du barrage. En effet, l’Ethiopie est certaine que les résultats des études la mettront en cause face à la communauté internationale et prouveront que le barrage a des impacts hydrauliques, écologiques, économiques et sociaux sur l’Egypte. De plus, l’Ethiopie sait parfaitement que les 3 Etats ne se mettront pas d’accord sur les résultats de l’étude, car l’Ethiopie elle-même ne reconnaîtra pas l’ampleur des impacts du barrage sur le quota de l’Egypte, qui est l’un de ses droits conformément au principe de l’usage équitable de l’eau du fleuve cité dans la 4e clause de la déclaration de principes entre les 3 Etats. Aujourd’hui, l’Ethiopie parie sur le retard des études pour qu’aucun différend n’apparaisse avant la fin des travaux de construction.
Il n’est pas ici question de revenir en arrière pour s’interroger sur les raisons de cette fuite en avant, malgré les nombreuses mises en garde adressées aux responsables. Revenons à la question essentielle : pourquoi l’Egypte a-t-elle appelé à la dernière réunion des 6 et pourquoi a-t-elle insisté sur la présence des ministres des Affaires étrangères ? La raison est que l’Ethiopie s’apprête à inaugurer la première phase du barrage à la mi-2016, puis à retenir l’eau avant d’engager la production d’électricité. La déclaration de principes stipule dans sa 5e clause que les études sur le barrage doivent être effectuées puis convenues par les 3 Etats dans un délai de 15 mois. La clause stipule également que l’Éthiopie s’engage aux règles de rétention de l’eau au sujet desquelles les 3 Etats se mettront d’accord à la lumière des études. L’objectif de l’Egypte est donc clair : tenter de se mettre d’accord avec l’Ethiopie, par un mécanisme d’exécution de ses engagements stipulés dans la déclaration des principes et qui consistent « à ne pas commencer à remplir le barrage avant la fin des études et une entente sur les résultats entre les 3 Etats ». Or, les études n’ont pas encore commencé, et quand elles seront entamées il faudra encore 15 mois pour qu’elles soient achevées comme cité dans la déclaration. Et il est prévu que la première phase soit inaugurée dans 6 mois. Quel est donc le mécanisme réclamé par l’Egypte pour sortir de cette impasse ? Selon ma conviction, l’Egypte a demandé à l’Ethiopie de suspendre les travaux de construction jusqu’à l’achèvement des études et après l’accord sur les politiques de rétention et de fonctionnement. Et pour commencer immédiatement les études, l’Egypte a proposé des noms de plusieurs cabinets qui avaient déjà proposées des études pour le barrage, et ce pour remplacer les 2 sociétés française et hollandaise. L’Egypte est donc claire : elle n’acceptera aucune tergiversation et il semble qu’en réponse, les responsables éthiopiens ont réclamé encore plus de temps pour se concerter.
Que doit faire l’Egypte pour sauvegarder ses droits hydrauliques et sortir de l’impasse ? Doit-elle avoir recours à l’arbitrage international ? La réponse est que l’Egypte est un grand pays qui ne manque pas à ses engagements. Et parmi ses engagements, il y a la déclaration de principes que l’Egypte a signé et qui stipule dans sa 10e clause le droit de recours à la médiation et à l’arbitrage pour régler tout conflit. Et si ces efforts échouent, la même clause stipule le recours à une réunion des présidents pour parvenir à une entente. Il y a donc encore beaucoup à faire pour sauvegarder les droits de l’Egypte.
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