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Une nouvelle coalition militaire contre le terrorisme

Dimanche, 20 décembre 2015

Lors d’une conférence de presse à Riyad, le vice-prince héritier, ministre de la Défense, a annoncé la formation d’une coalition islamique antiterroriste de 34 pays sous la direction de l’Arabie saoudite. Très vite, cette nouvelle formation a suscité beaucoup de commentaires parmi analystes et observateurs quant à ses motivations et ses véritables chances de réussite. Pour les uns, la chance de réussite d’une telle coalition serait égale à zéro. Pour les autres, il s’agirait d’un pas important pour affirmer la position du monde islamique dans le combat contre le terrorisme. Selon les défenseurs de ce point de vue, nous sommes en présence d’une nouvelle étape dans laquelle le monde islamique prend l’initiative, sans s’aligner sur les initiatives lancées par des puissances étrangères. Etant donné que chacun de ces deux camps avance des arguments pour appuyer son analyse, il nous semble opportun d’avancer un certain nombre de points qui permettraient de comprendre le bien-fondé d’une telle initiative ainsi que les moyens qui lui permettraient de s’affirmer.

D’abord, cette initiative s’intègre parfaitement dans la ligne confirmée par le Conseil de sécurité de l’Onu le 20 novembre 2015, demandant à tous les Etats membres de prendre toutes les mesures nécessaires pour combattre l’EI en Iraq et en Syrie. En outre, non seulement elle reflète les décisions adoptées par le Conseil de ministres arabes lors de sa 142e session, mais elle a également obtenu l’approbation de l’Organisation de la conférence islamique.

Ensuite, la formation de cette coalition semble être porteuse de plusieurs messages. D’une part, elle répond aux critiques adressées aux pays arabes, notamment ceux du Golfe, pour leur faible participation aux opérations menées par la coalition conduite par les Etats-Unis pour combattre l’EI. D’autre part, elle cherche à discréditer les détracteurs des monarchies pétrolières, accusées d’apporter un soutien financier à l’EI.

De plus, cette initiative a été lancée à un moment où l’image de l’islam est entachée par des actes barbares commis par une formation fanatique qui prétend représenter cette religion et milite pour l’instauration du califat au-delà même des frontières du monde islamique ! Dès lors, le musulman est devenu suspect, même si les politiciens se gardaient de l’annoncer publiquement.

En revanche, beaucoup de questions se posent à propos de la nouvelle coalition, notamment sur son avenir et son plan d’action. Tout d’abord, il existe déjà une coalition militaire, formée en 2014 sous la conduite des Etats-Unis et dont beaucoup de pays islamiques font théoriquement partie. Une autre « coalition » a vu le jour les mois derniers sous la conduite de la Russie et avec l’appui de l’Iran et celui de la Syrie ! Or, les deux coalitions n’ont pas réussi, jusqu’à présent, à mener à bien leur mission. Par contre, une escalade semble être engagée entre les deux coalitions depuis que la Turquie a abattu, le mois dernier, un avion de combat appartenant à l’armée russe qui s’apprêtait à bombarder des sites en Syrie. Dans ce contexte, l’on peut se demander, à juste titre, à quoi peut servir une troisième coalition ?

Ensuite, il n’est pas encore clair si la nouvelle coalition serait à même de mener une attaque au sol que ce soit en Syrie ou en Iraq. Si le ministre saoudien de la Défense n’a pas écarté cette possibilité dans l’avenir, il est difficile de prévoir une pareille intervention à un moment où l’Arabie saoudite est engagée, avec la participation d’autres pays islamiques, dans un combat féroce au Yémen. Il faut également reconnaître qu’avoir l’accord des pays musulmans pour envoyer des troupes demeure aléatoire.

En outre, le fait que l’Iran ne fait pas partie de la coalition ne milite pas en sa faveur. N’est-il pas une puissance islamique voisine et de surcroît impliquée fortement en Iraq et en Syrie ?

Enfin, il y a la tension montant entre l’Iraq et la Turquie (membre de la nouvelle coalition) sur le dossier de la présence « non autorisée » de ses troupes sur les territoires iraqiens.

Ainsi, il serait plus convenable que la nouvelle coalition concentre ses efforts, au moins dans un premier temps, d’une part sur la coordination et l’échange d’informations sécuritaires afin de réduire la marge de manoeuvre de formations terroristes, et sur la formation des brigades informatiques pour faire face à la supériorité de ces organisations dans l’utilisation des réseaux sociaux d’autre part. A cela s’ajoute la tâche indispensable, qui ne pourrait être accomplie que par elle, à savoir combattre les idées néfastes de l’EI.

Mais pour en arriver là, des efforts considérables devraient être faits dans l’objectif d’éviter de creuser un peu plus le fossé séparant sunnites et chiites dans un monde musulman qui voudrait être uni pour défendre sa religion, sa stabilité et son avenir.

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