Quelles leçons peut-on tirer des derniers attentats terroristes commis par Daech à Paris ? Ces attaques ont d’abord montré que la France et les pays occidentaux en général ne sont pas à l’abri de ce terrorisme international, qui ne se limite plus, dans ses manifestations les plus barbares et les plus brutales, aux pays islamiques. De précédents attentats terroristes l’avaient montré, notamment ceux qui avaient été perpétrés le 11 septembre 2001 par l’organisation Al-Qaëda contre les Etats-Unis. Ceux-ci, ainsi que d’autres gouvernements européens, avaient cependant pensé que l’assassinat d’Ossama Bin Laden, le 2 mai 2011, et l’affaiblissement consécutif d’Al-Qaëda ont fait disparaître le plus grand danger.
Mais l’émergence du groupe Etat Islamique (EI ou Daech en arabe) et ses rapides avancées militaires en Iraq, puis en Syrie, à partir de l’été 2014, ont changé à nouveau la donne. Le danger ne s’est matérialisé que lorsque l’EI a commencé son expansion régionale en dehors de l’Iraq et de la Syrie, dans d’autres pays arabes. La conviction communément admise jusqu’ici était que la stratégie de Daech se limite à renforcer sa présence en Iraq et en Syrie pour établir ce qu’il croit être, à tort, le califat islamique. Cette stratégie, une nouveauté pour les organisations terroristes, était rendue possible grâce à la guerre civile en Syrie, la faiblesse de l’Etat en Iraq et la marginalisation politique des sunnites dans ce pays. Mais il semble que les frappes aériennes menées par une coalition régionale et internationale, sous la houlette des Etats-Unis, depuis septembre 2014, puis l’offensive aérienne russe déclenchée fin septembre, ont poussé Daech à changer de stratégie et à vouloir attaquer les membres de cette coalition pour les inciter à se retirer. Ceci était évident dans le crash de l’avion civil russe au Sinaï le 31 octobre et dans les attentats du 13 novembre à Paris. La plupart des observateurs américains estiment que les Etats-Unis seraient l’une des prochaines cibles de l’EI. La Grande-Bretagne a les mêmes craintes.
La question qui se pose aujourd’hui est de savoir quelle sera la réaction internationale à ce danger ? Le président français, François Hollande, qui estime son pays en guerre contre le terrorisme de Daech, a récemment fait une tournée internationale, qui l’a notamment mené aux Etats-Unis et en Russie, pour former un front commun qui va au-delà des frappes aériennes actuelles. Alors que la Russie s’est montrée coopérative, Washington a été plus réservé, car il rejette toute coopération avec Moscou. Le président Barack Obama refuse un échange de renseignement et une coordination des frappes aériennes avec la Russie pour deux raisons principales.
La première est la rivalité entre les deux superpuissances sur la scène internationale pour les zones d’influence. Le déclin de la Russie, à la suite du démembrement de l’Union soviétique au début des années 1990, n’a finalement duré qu’une dizaine d’années.
Depuis l’arrivée au pouvoir de Vladimir Poutine en mai 2000, la Russie a progressivement effectué un retour sur la scène internationale. L’intervention militaire russe dans la guerre civile en Syrie, à partir du 30 septembre, n’en est qu’une preuve. Washington ne veut pas qu’une coopération contre Daech permette à la Russie de sortir de l’isolement diplomatique qu’il cherche à lui imposer ou d’échapper aux sanctions imposées par l’Occident en raison de la crise en Ukraine.
La seconde raison est que les objectifs de la coalition internationale dirigée par Washington en Syrie ne correspondent pas à ceux poursuivis par les frappes aériennes russes. Cela empêche la coopération entre Américains et Russes contre Daech en Syrie. Si les deux superpuissances affichent leur volonté de vaincre le groupe terroriste, la réalité est bien plus compliquée.
Certes, Moscou s’emploie à défaire Daech, mais en même temps ne veut pas voir les autres factions de l’opposition armée, soutenues par Washington, profiter d’un recul de l’EI pour se renforcer au détriment du régime du président Bachar Al-Assad, soutenu, lui, par Moscou.
Ainsi, l’intervention militaire russe cherche à garder un certain équilibre entre ces deux objectifs. En revanche, Washington, qui s’efforce également d’affaiblir Daech, ne veut pas que cet affaiblissement profite au régime de Damas pour se maintenir au pouvoir. Il s’emploie à garder cette carte de pression de Daech pour forcer Al-Assad à quitter le pouvoir. Autant dire que la coopération internationale contre le terrorisme de l’EI a ses limites.
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