L’économie informelle est un phénomène caractéristique des systèmes économiques en transformation. Au cours du XXe siècle, l’économie égyptienne a pris des formes différentes. D’une économie centrale où l’Etat est l’acteur principal, à une économie libre permettant l’émergence d’un capitalisme national qui prend l’initiative de l’industrialisation. Puis du capitalisme d’Etat à une économie mixte qui accorde une place aux investisseurs étrangers et à une économique basée sur les licences et l’importation. Chacune de ces transformations a été accompagnée de nouvelles législations lesquelles, au lieu de renforcer l’efficacité économique, ont de plus en plus alourdi le climat général, et celui de l’investissement. Dans ce contexte, les citoyens ont eu recours à des activités économiques informelles, loin de tout contrôle de l’Etat.
Il serait donc important de prendre en considération le fait que ce secteur informel soit le fruit de mutations économiques aiguës pendant plusieurs décennies, c’est-à-dire le résultat d’une trajectoire déformée.
Et même si paradoxalement, c’est cette économie informelle qui a constitué pour beaucoup une bouée de sauvetage, il est légitime de se demander si la situation est viable.
Les intéressantes analyses dans l’édition du mois d’octobre de la série Badaël, publiée par le Centre d’Al-Ahram pour les études politiques et stratégiques, offrent une réponse à cette question. « L’économie informelle et les moyens de l’intégrer » est une étude réalisée par Ibrahim Al-Ghitani et Asmaa Al-Khouli. Les deux chercheurs ont discuté les solutions possibles à l’économie informelle.
Dans l’introduction de l’étude, la directrice de la publication, Imane Ragab, écrit que la question de l’économie informelle a préoccupé les cercles politiques en Egypte depuis de longues années. Aucune mesure n’a pour autant réussi ni à l’intégrer dans l’économie formelle, ni à la reconnaître en tant qu’économie parallèle, ni même à en limiter l’expansion à certains domaines. Ragab ajoute : « Le secteur informel a une influence complexe sur la conjoncture économique en Egypte, surtout que ses activités s’élargissent sous forme d’activités informelles, d’employés informels, de contrats informels ou de propriétés informelles ».
En effet, ce secteur équivaut à près de 40 % du PNB et implique 8 millions de citoyens, selon l’étude d’Al-Ghitani et Al-Khouli.
Ces études soulignent plusieurs faits. Premièrement : le nombre d’employés dans les diverses activités du secteur informel est presque égal au nombre d’employés dans le secteur public. Deuxièmement : il semble que les Egyptiens sont capables de réussir dans des domaines d’activités variés une fois libérés des restrictions administratives ou bureaucratiques. Selon Imane Ragab, c’est un indice positif prouvant qu’une certaine tranche de la société apprécie et excelle dans les micro-entreprises, à condition d’en définir elle-même les règles du jeu.
Et troisièmement : les activités du secteur informel sont devenues une chance permettant aux citoyens, qui n’ont pas réussi à obtenir un emploi dans les secteurs privé et public, d’exercer un métier qui leur apporte un revenu, loin des procédures d’embauche, caractérisées par leur lenteur et parfois leur injustice.
Si toutes ces remarques sont vraies, il ne s’agit pas de considérer la situation actuelle comme étant une solution réussie. Effectivement, les nations ne peuvent connaître un essor réel dans une conjoncture pareille, car la réussite du secteur informel est l’expression d’un échec d’intégration économique. Aucun projet de développement global ne saurait coexister avec une économie informelle aussi importante .
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