Il ne fait pas de doute. Le prochain parlement sera très majoritairement dominé par les partisans du président Abdel-Fattah Al-Sissi. Toutes les listes électorales ainsi que la majorité des candidats indépendants soutiennent ouvertement les politiques présidentielles. Ils font écho au courant dominant chez l’opinion publique qui soutient les politiques suivies, depuis la destitution du président Mohamad Morsi et la chute des Frères musulmans, le 3 juillet 2013. Deux principales priorités, indissociablement liées, expliquent le choix du public : la sécurité et l’économie. L’une et l’autre font l’objet d’une attention particulière de la part du président et du gouvernement. A coup de lois et de mesures, parfois draconiennes, la sécurité s’est beaucoup améliorée, après les années d’insécurité et de troubles sociaux qui ont suivi le soulèvement populaire de 2011. Ces turbulences ont eu raison de la croissance économique, quoique inégale, des dernières années de règne de l’ex-président Hosni Moubarak. Le tarissement des investissements, surtout étrangers, a produit un ralentissement économique, dont les symptômes les plus graves ont été la hausse du chômage et une pénurie des ressources énergétiques et des devises étrangères.
Avec l’amélioration progressive de la sécurité et le lancement de mégaprojets nationaux, comme le doublement et l’élargissement du Canal de Suez, couplé de l’adoption de mesures de réforme économique, telle la baisse des subventions d’énergie, encourageant l’investissement, notamment étrangers, la croissance économique reprend progressivement.
La puissance du courant soutenant les politiques présidentielles s’explique aussi par le rejet, qui s’est massivement exprimé depuis le milieu de 2013, de la mouvance politique que représentent les Frères musulmans et, par ricochet, l’islam politique en général. Ceci se voit très nettement avec la baisse de popularité du principal survivant de l’islam politique, le parti salafiste Al-Nour. Depuis la chute des Frères musulmans, les partis et formations islamistes font l’objet de critiques et d’attaques diverses, venues des médias et du public. Même si Al-Nour s’est associé à la feuille de route, qui a fait suite à la destitution de Mohamad Morsi, et a participé à la campagne publique de critiques adressées aux Frères musulmans, il n’a pas pu éviter d’être affecté, à son tour, par le climat général hostile aux formations religieuses.
Le parti a été ainsi frappé d’ostracisme par toutes les autres formations politiques, qui refusaient d’entrer dans des coalitions électorales avec lui. Il subissait leurs attaques, selon lesquelles il partage les mêmes objectifs que la confrérie, à savoir l’application de la religion dans la vie politique et l’islamisation forcée de la société selon une vision rétrograde et obscurantiste. Deux mois à peine avant la tenue des législatives, une campagne nommée « Non aux partis religieux », a été lancée, avec le soutien du ministère des Waqfs (biens religieux), par le Mouvement « Tamarrod » (rébellion), qui était à l’origine des manifestations géantes contre Morsi, en juin 2013. Elle a pour but la dissolution des formations religieuses, notamment le parti Al-Nour, invoquant qu’elles sont anticonstitutionnelles et discriminatoires. La Constitution de 2014 interdit la formation de partis politiques sur des bases religieuses. Les tenants de la campagne estiment aussi que les politiques et les pratiques d’Al-Nour font de la discrimination entre les citoyens en fonction de critères religieux et sectaires.
En conséquence, le parti islamiste ultraconservateur, qui s’est trouvé sur la défensive et a dû adopter un profil bas, a nettement réduit à la baisse ses ambitions électorales dans le prochain scrutin. Celui qui avait contrôlé 24 % des sièges de la chambre basse du parlement lors des dernières législatives, fin 2001, juste derrière les Frères musulmans, ne se présente en 2015 que dans la moitié des circonscriptions réservées aux partis. Sur les quatre circonscriptions à pourvoir sur l’ensemble du territoire, Al-Nour est en lice dans deux seulement, celle du Caire, du Sud et du centre du delta, ainsi que dans celle de l’Ouest du delta. La première circonscription, qui contient 6 gouvernorats, compte pour 45 sièges, alors que la seconde, qui comprend 3 gouvernorats, est représentée par 15 sièges dans la prochaine chambre des députés, qui comptera 596 membres, dont 448 indépendants, 120 élus sur des listes de partis et 28 nommés par le président .
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