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Les intérêts russes en Syrie

Dimanche, 13 septembre 2015

La Russie aurait-elle changé sa position envers le conflit syrien ? A en croire les confirmations d’un chef militaire syrien à l’agence de presse Reuters, Moscou aurait récemment opéré un « gros changement (…) un changement qualitatif » dans son aide militaire au régime syrien, en apportant de nouvelles armes plus avancées et de l’entraînement aux militaires syriens. Ces informations ont été relayées par les Etats-Unis, dont le secrétaire d’Etat, John Kerry, a accusé la Russie d’accroître son assistance militaire et son implication dans le conflit en Syrie, en faveur du régime de Damas.
Des commandants militaires du Hezbollah libanais, alliés du président Bachar Al-Assad, ont à leur tour confirmé ces informations, ajoutant que Moscou serait en train de construire une base militaire à Lattaquié, un bastion du régime syrien sur la Méditerranée.
Le soutien plus musclé de Moscou au régime syrien semble destiné en premier lieu à éviter son effondrement, après les récentes débâcles qu’il a subies face à l’opposition armée, notamment l’Etat Islamique (EI) et la coalition de Jaish Al-Fath (armée de conquête), soutenue par l’Arabie saoudite, le Qatar et la Turquie. Le régime de Damas ne contrôle désormais qu’un cinquième du territoire national, limité à la capitale, la ville de Homs et celles situées sur la côte de la Méditerranée, fiefs de la minorité alaouite qui détient le pouvoir, domine l’armée et les forces de sécurité. L’objectif de Moscou serait ainsi de maintenir un allié stratégique au Moyen-Orient et de ne pas laisser le champ libre aux puissances occidentales pour décider de l’avenir de la Syrie.
Par la préservation de Bachar Al-Assad, la Russie garde son mot à dire dans tout règlement futur du conflit syrien.
C’est ainsi qu’il faut interpréter les déclarations de Moscou sur la nécessité d’inclure le président syrien dans toute solution politique. Alors que les Etats occidentaux, Etats-Unis en tête, estiment que Bachar Al-Assad fait partie du problème en Syrie, la Russie considère qu’il est une partie de la solution. Le Kremlin, ainsi que l’Iran, l’autre allié majeur de Damas, croît que le maintien de Bachar Al-Assad au pouvoir est le garant de ses intérêts en Syrie. Son départ est, selon lui, synonyme de l’effondrement du régime syrien et la victoire de ses opposants dominés par les islamistes.
Ces derniers, notamment l’EI, sont des ennemis jurés de Moscou, qui craint l’extension de leur influence dans le Caucase russe, en cas de victoire en Syrie. Endiguer l’influence des islamistes arabes et moyen-orientaux par, entre autres, le soutien aux dirigeants anti-islamistes, dont Bachar Al-Assad, est donc un intérêt majeur pour Moscou.
Moscou considère également que le départ de Bachar ne signifie pas seulement l’effondrement de l’Etat, mais aussi son démembrement entre plusieurs entités hostiles à la Russie, dominées par une multitude de factions, notamment islamistes, ce qui serait contraire aux intérêts russes.
Ce qui précède explique pourquoi le ministre russe des Affaires étrangères, Serguei Lavrov, a dernièrement insisté sur le fait que le président syrien est un leader « légitime », accusant la position américaine de « contre-productive ». Bien que la priorité actuelle des Etats-Unis soit de combattre l’EI et non le renversement de Bachar, ils considèrent que celui-ci n’a pas de rôle à jouer dans toute solution au conflit syrien et que son départ est inéluctable. Ils croient que la brutalité du régime a radicalisé l’opposition et produit un terrain fertile à l’essor des groupes extrémistes et terroristes.
Le soutien renforcé de la Russie à Damas dépasse, par ailleurs, le simple cadre de la Syrie, du monde arabe et du Moyen-Orient.
Il vise à détenir une carte majeure à utiliser contre les sanctions imposées par l’Occident à Moscou, en raison de son soutien aux séparatistes en Ukraine et son annexion de la Crimée.
Il serait ainsi une carte régionale destinée à renforcer sa position, dans le cadre des tractations et du marchandage globaux avec les Occidentaux, pour sortir de son isolement diplomatique et prouver qu’elle est incontournable sur la scène internationale.
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