Avec l’approche des élections parlementaires qui sont certes les plus importantes dans l’histoire de l’Egypte contemporaine, le conflit s’acharne entre les partis et les forces politiques. Le discours a vivement repris sur les partis religieux, alors que des campagnes de collectes de signatures ont été lancées pour dissoudre les partis religieux considérés comme inconstitutionnels. C’est ainsi que s’est déclenchée une polémique entre les initiateurs de ces campagnes et les responsables des partis religieux, notamment le parti Al-Nour qui aspire à prendre la place du Parti de la liberté et la justice (parti dissous des Frères musulmans) et à obtenir une majorité dans le prochain parlement.
L’Egypte entame un épisode important de la bataille entre les partisans de la séparation du religieux et du politique et ceux qui refusent cette idée. Cette bataille tranchée depuis des années en Europe, en Amérique du Nord et en Amérique latine reste encore ouverte dans les mondes arabe et islamique.
Au lendemain de la révolution de 2011, le Conseil Suprême des Forces Armées (CSFA), alors dirigé par le maréchal Tantawi, a commis une erreur lorsqu’il a mis la main dans celle des Frères musulmans et du parti salafiste, leur confiant la mission d’amender la Constitution de 1971 sous la présidence du juriste islamiste Tareq Al-Béchri. La mission de l’assemblée constituante était de légitimer la fondation des partis à référence religieuse.
C’est ainsi que sont apparus des partis comme la Liberté et la justice, issu de la confrérie des Frères musulmans, et Al-Nour, représentant le front salafiste, ainsi que de nombreux autres partis religieux. Le CSFA s’est impliqué une autre fois avec le courant de l’islam politique lorsqu’il a permis aux partis de ce courant d’islamiser l’atmosphère publique, d’utiliser les mosquées dans la mobilisation électorale et de commettre des dizaines d’infractions sans leur demander des comptes. Le résultat logique fut que le courant de l’islam politique a remporté les trois quarts des sièges du parlement élu en 2012, imposant son hégémonie sur les deux chambres avec tous leurs comités. Les islamistes ont ainsi commencé à établir l’infrastructure juridique de l’Etat religieux auquel ils aspiraient.
Le CSFA a commis une troisième erreur lorsqu’il a permis au courant islamique de déposer la candidature de Mohamad Morsi aux élections présidentielles alors que celui-ci s’était enfui de la prison quelques mois auparavant. De plus, le CSFA n’a ordonné aucune investigation relative aux infractions commises durant le second tour des élections dont l’interdiction, par la force des armes, des habitants coptes dans certains villages de se rendre aux urnes.
Mais le peuple égyptien s’est révolté pour défendre son identité nationale, et avec le soutien des forces armées il a réussi à destituer Mohamad Morsi, rectifiant le tir de sa révolution. Il a alors entamé une phase transitoire de manière organisée. Une nouvelle assemblée constituante a été formée pour amender la Constitution. Cette assemblée a regroupé toutes les tendances de la société égyptienne y compris le courant salafiste. C’est ainsi que fut annulée la clause permettant la création de partis à référence religieuse.
Or, les partis religieux existent toujours, et leur existence constitue une infraction claire à la Constitution. Une Constitution que ces partis contournent soit en niant leur caractère religieux, soit en s’adaptant à la nouvelle situation, à la manière du parti Al-Nour qui a tenu à être présent sur la scène du 3 juillet 2013, jour de la destitution du président Morsi, et à faire partie de la feuille de route de la transition.
Al-Nour a ainsi participé à l’assemblée constituante et est allé jusqu’à accepter l’article interdisant la création des partis religieux. Aussi son comité suprême s’est-il réuni et décidé de soutenir le maréchal Abdel-Fattah Al-Sissi dans les élections présidentielles.
L’entrée en vigueur de la nouvelle Constitution impliquait la dissolution impérative de ces partis. Il était indispensable de régler le statut des partis religieux.
L’application de la Constitution signifiait la dissolution des partis religieux.
Cependant, cette solution n’était pas réaliste, car nous avions besoin du parti Al-Nour, précisément afin d’éviter que le courant de l’islam politique ne se dresse tout entier contre la révolution du 30 juin. Ce besoin objectif a empêché la dissolution de ce parti au lendemain de la mise en vigueur de la nouvelle Constitution. C’est une chose tout à fait compréhensible dans le monde de la politique. Aujourd’hui pourtant, il devient inacceptable de laisser persister ce parti, et les autres partis semblables, sur la scène politique, dans la mesure où leur existence représente une infraction criante à la Constitution, et nous refusons que la nouvelle Constitution rédigée par consensus soit violée.
A mon avis, les circonstances sont devenues propices à la dissolution des partis religieux afin de poser les fondements d’une vie politique et partisane intègre basée sur la séparation entre la religion et la politique. Ceci afin de préserver le caractère sacré de la religion et de protéger la politique des manipulations de ceux qui emploient la religion à des fins politiques.
Les expériences des peuples du monde entier révèlent qu’il est impossible d’avoir une démocratie correcte tant que la religion reste mêlée à la politique .
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