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« Zohr » et la relance de l’économie égyptienne

Dimanche, 06 septembre 2015

L’annonce le 30 août de la découverte d’un gisement « super géant » de gaz naturel dans les eaux territoriales de l’Egypte, au large de ses côtes-est sur la Méditerranée, devrait changer la carte énergétique du Moyen-Orient. La découverte, faite par le géant pétrolier et gazier italien ENI, est la plus importante jamais faite en Méditerranée et l’une des plus importantes au monde. Avec des réserves estimées à 30 trillions de pieds cubes, le nouveau gisement, appelé « Zohr » (connu sous le nom de Chourouq), dépasse celui, le Léviathan, découvert au large d’Israël en 2010, et qui était considéré jusqu’ici, avec des réserves estimées à 17 trillions de pieds cube, comme la plus grande découverte de gaz naturel en Méditerranée orientale.
La découverte de Zohr, dont la production commerciale devrait intervenir dans 2,5 à 3 ans, bouleverse la donne dans la région sur le plan énergétique. L’Egypte, qui était jusqu’en 2013 un exportateur de gaz naturel, est devenue progressivement un net importateur des suites de l’instabilité politique et sécuritaire provoquée par le soulèvement populaire de janvier 2011. Alors que la consommation a constamment progressé depuis cette date, la production et les travaux de prospection ont stagné. Pour combler le fossé grandissant entre l’offre et la demande, le gouvernement a dû recourir à l’importation de gaz naturel liquéfié des pays du Golfe, de la Russie et de la Norvège. Le Caire envisageait à plus long terme d’importer du gaz d’Israël (le Léviathan) et dans une moindre mesure du gisement chypriote Aphrodite, découvert également en Méditerranée orientale en 2011, avec des réserves estimées entre 3 et 9 trillions de pieds cube. Le choix de ces deux sources d’approvisionnement se justifiait par les moindres coûts de transport, un avantage crucial pour un pays en forte crise financière.
Cependant, le choix d’Israël était problématique. Bien que la négociation des contrats soit confiée à des sociétés privées, qui se chargeraient d’approvisionner le marché égyptien, toute relation de normalisation et qui, de surcroît, impliquerait une certaine dépendance vis-à-vis d’un produit israélien, comportait des risques d’un point de vue politique, étant donné l’hostilité de la population égyptienne envers Israël. Il est désormais improbable qu’un contrat soit signé avec ce dernier pour l’importation de gaz naturel, d’autant plus que la production commerciale du Léviathan ne doit pas commencer avant deux à trois ans. En tout cas, Tel-Aviv devrait désormais chercher d’autres clients potentiels.
L’Egypte, pour sa part, ne devrait pas à court et moyen termes redevenir exportatrice de gaz naturel. La consommation interne grandissante devrait absorber l’essentiel de sa production. Mais le premier avantage de la découverte de Zohr est d’assurer à l’Egypte une autosuffisance de quelque deux décennies. Plus important, Le Caire compte sur le secteur énergétique, notamment le gaz naturel, non seulement pour répondre aux besoins de la consommation domestique, mais aussi pour relancer l’économie, saignée à blanc depuis 2011. Cette stratégie était évidente lors de la conférence internationale de soutien à l’économie égyptienne, tenue en mars à Charm Al-Cheikh, où diverses firmes pétrolières internationales ont signé des contrats de plusieurs milliards de dollars pour relancer les travaux de prospection en Egypte. British Petroleum (BP) a ainsi conclu un accord d’investissement de 12 milliards, alors qu’ENI a signé un accord de 5 milliards.
Pour encourager les géants pétroliers et gaziers à reprendre leurs investissements, le gouvernement égyptien a choisi une double politique. La première est d’accélérer le paiement des arriérés de ses dettes envers les sociétés pétrolières. L’accumulation de ces arriérés n’incitait pas ces dernières à investir davantage en Egypte. D’où la stagnation de la production. Le Caire a également revu à la hausse les prix offerts à ces firmes contre leur production. Ainsi, la société publique de gaz égyptienne, EGAS, s’est mise d’accord avec ENI en juillet pour augmenter le prix versé à la firme italienne contre le gaz produit dans toute nouvelle découverte de 2,65 dollars par million d’unités thermales britanniques à une fourchette allant de 4 à 5,88 dollars .
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