Quels effets aura l’accord sur le nucléaire iranien sur le Moyen-Orient ? Plusieurs pays de la région s’y sont opposés avec force, notamment Israël et les pays du Golfe, pour des raisons différentes. Les uns et les autres considèrent que l’accord conclu entre les grandes puissances et l’Iran ne met pas fin aux ambitions de Téhéran d’acquérir la bombe nucléaire ; il les remet à plus tard, dans 10 ou 15 ans, au moment de l’expiration des termes de l’accord.
Première conséquence donc : le renforcement de la course à l’armement, déjà en place au Moyen-Orient, en raison de l’instabilité qui y règne depuis 2011. Ceux qui soupçonnent les intentions de l’Iran chercheront à s’armer pour parer à toute éventualité, réelle ou supposée. Israël aurait déjà demandé aux Etats-Unis, lors de la visite du secrétaire à la Défense, Ashton Carter, à Tel-Aviv, fin juillet, des armes avancées pour faire face à l’Iran. Relayé par ses partisans au Congrès américain, Israël aura toutes les chances d’obtenir gain de cause, à la lumière du ferme engagement américain en faveur de sa sécurité. Dans le prolongement de cette logique, Israël pourrait se montrer plus agressif envers les alliés arabes de Téhéran, présents dans des territoires voisins. Il s’agit du Hezbollah libanais et surtout du Hamas palestinien, bien qu’il maintienne actuellement des rapports froids avec Téhéran, en raison de son opposition au régime syrien de Bachar Al-Assad, allié stratégique de l’Iran. Tel-Aviv pourrait même prendre comme prétexte la collusion supposée entre Hamas et Téhéran et les menaces qu’elle fait peser sur la sécurité d’Israël pour se montrer plus intransigeant et mieux résister aux pressions internationales en faveur d’un règlement de la question palestinienne.
Les monarchies du Golfe avaient, de leur côté, présenté à Washington des demandes diverses d’aides militaires, notamment lors du sommet de Camp David, tenu en mai à l’initiative du président Barack Obama, dans le but de les rassurer sur les conséquences de l’accord avec l’Iran. Mais les assurances et les promesses américaines d’assistance n’ont suffi à dissiper ni les craintes des dirigeants du Golfe, ni leur sentiment d’abandon et de désengagement des Etats-Unis des affaires de la région. Contrairement aux souhaits des pays du Golfe, Obama préfère épargner à son pays toute implication militaire directe dans la région et évite, de ce fait, de faire des promesses allant dans ce sens, se contentant de coordination militaire et de vente d’armes, tout en veillant au maintien de la supériorité qualitative d’Israël. En conséquence, l’Arabie saoudite, première importatrice d’armes dans le monde depuis 2014, se tourne vers la Russie pour acquérir des armes avancées. Elle cherche surtout à se doter du système de missiles balistiques russe Iskander-E.
Autre conséquence prévisible de l’accord sur le nucléaire iranien : l’exacerbation des conflits sectaires sunnites/chiites dans le monde arabe. L’Arabie saoudite, chef de fil des pays du Golfe, voit d’un très mauvais oeil l’extension de l’influence iranienne dans des pays arabes voisins, favorisée par l’instabilité politique et sécuritaire (Iraq) et l’irruption de conflits armés consécutive aux soulèvements populaires contre les régimes politiques, en place dès 2011 (Syrie et Yémen). Face à ce qu’il perçoit comme un encerclement par l’influence iranienne, et constatant l’inaction américaine, Riyad a abandonné sa traditionnelle politique étrangère discrète et retenue. Elle soutient l’opposition armée contre Bachar Al-Assad et conduit au Yémen une coalition militaire régionale contre la rébellion houthie, proche de Téhéran. La conclusion de l’accord sur le nucléaire iranien ne fait que renforcer ses craintes des opportunités qui s’ouvrent à Téhéran, de la levée des sanctions internationales et du recouvrement de quelque 100 à 150 milliards de dollars d’avoirs gelés, lui permettant d’étendre son influence dans la région. Du coup, Riyad et ses alliés du Golfe se montrent plus déterminés à agir contre l’influence « chiite » iranienne, y compris par la voie des armes
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