L’échec, le 7 juillet, du dernier round des négociations de paix en Libye pose un vrai dilemme, non seulement aux protagonistes locaux, mais aussi aux pays voisins et à la communauté internationale. Avec la poursuite du conflit armé, la Libye est devenue un sanctuaire au terrorisme, avec notamment la montée en puissance de l’Etat islamique qui, à la faveur du chaos et du vide sécuritaire, y étend son influence et exporte l’instabilité aux pays voisins. Selon les autorités tunisiennes, les auteurs des deux attentats meurtriers à Sousse et au Musée du Bardo à Tunis ont reçu leur entraînement en Libye. De son côté, le Groupe de travail des Nations-Unies sur l’utilisation de mercenaires a indiqué, le 10 juillet, qu’entre 1 000 et 1 500 Tunisiens combattraient avec les djihadistes en Libye. Au Sinaï, des armes en provenance de l’arsenal de l’ancienne armée libyenne, entrées en contrebande, finissent entre les mains des groupes terroristes.
Les laborieuses négociations inter-libyennes, tenues à Skhairat au Maroc, sous le parrainage de Bernardino Leon, représentant de l’Onu, ont capoté sur le partage du pouvoir entre les deux camps adverses qui partagent le pays : les islamistes, à l’ouest, et les anti-islamistes, à l’est. Cinq plans de partage du pouvoir ont ainsi échoué à réduire le fossé séparant les protagonistes libyens, le dernier en date ayant été modifié en faveur du gouvernement internationalement reconnu, basé à Tobrouk (est), sans consultation avec le camp des islamistes, qui ont refusé de signer le document.
La principale modification portait sur la réduction des pouvoirs du Conseil consultatif (deuxième chambre à créer du parlement), qui serait formé des membres du Congrès National Général (CNG), le parlement du gouvernement islamiste, basé à Tripoli. L’ancien compromis, inclus dans le 4e plan de paix, tentait de dessiner un certain équilibre entre les prérogatives du Conseil consultatif et la chambre des représentants, le parlement élu en juin 2014, basé à Baïda (est), qui devrait assumer l’essentiel des fonctions du pouvoir législatif. Un second litige portait sur le rôle du chef de « l’armée nationale libyenne », Khalifa Haftar. Celui-ci, rejeté par les islamistes, a poursuivi le bombardement des positions du camp adverse, compliquant la conclusion des négociations. Le camp islamiste estime que le parlement de Baïda est inconstitutionnel, conformément au verdict de la Cour suprême, en novembre 2014, et que par conséquent, ses décisions sont invalides, dont la nomination de Haftar en tant que chef de l’armée. Le camp adverse considérait en revanche que le 4e plan de paix accordait trop de pouvoir au Conseil consultatif, dominé par les islamistes, et que par conséquent, il devrait garder la haute main sur l’armée.
Dans ce contexte, il est difficile d’imaginer comment les parties en conflit pourraient parvenir à un terrain d’entente pour former un gouvernement d’union nationale, d’autant plus que des radicaux des deux camps cherchent à torpiller toute possibilité d’accord. La solution serait peut-être de faire table rase des institutions existantes et de préparer de nouvelles élections générales qui départageraient les deux camps rivaux. Mais comment tenir une consultation populaire honnête et transparente sans parvenir au préalable à un arrêt des hostilités ? Mais aucun des deux camps ne semble disposé à risquer son avenir politique, en soumettant son sort à la volonté populaire. Et c’est là que le bât blesse, car chacun veut garantir à l’avance sa part du gâteau, en cherchant à maximiser ses gains dans l’accord intérimaire.
Certains observateurs ainsi que ceux impliqués dans la médiation internationale avaient observé avec optimisme la récente conclusion, par certaines milices lasses de la guerre, de trêves locales ici ou là. Ils y ont vu un début prometteur qui pourrait s’étendre à l’ensemble du territoire libyen. Mais c’était sans compter avec le soutien militaire et financier qu’apportent certains acteurs régionaux aux principales parties en conflit. Ces acteurs veulent à tout prix, pour diverses raisons, empêcher la défaite de leurs alliés locaux qui, encouragés par cette aide dans leur aspiration à trancher militairement le conflit, jouent quitte ou double, prolongeant le conflit et rendant encore plus difficile l’élaboration d’un compromis.
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