Au cours de sa dernière visite aux Etats-Unis, le premier ministre iraqien, Haydar Al-Abadi, a qualifié d’insensées les frappes aériennes menées par l’Arabie saoudite contre les Houthis au Yémen. Il a exprimé ses craintes que ces opérations militaires ne mènent à un conflit confessionnel de large envergure. Ces déclarations qui ont soulevé les critiques des responsables saoudiens reflètent des divisions entre les alliés des Etats-Unis, des divisions que ces derniers n’ont pas pu gérer.
D’une part, l’Arabie saoudite pense que les Houthis s’engagent dans une guerre par procuration pour le compte de l’Iran, un pays accusé de nourrir des ambitions expansionnistes. L’Arabie émet également des réserves, depuis des années, sur l’hégémonie grandissante des chiites iraqiens au détriment de leurs concitoyens sunnites. D’autre part, l’Iraq, avec son gouvernement chiite, estime que la crise yéménite est une crise interne et refuse les accusations contre l’Iran pour une « prétendue » ingérence dans ce pays.
Dans ce contexte, Washington a du mal à parvenir à rapprocher ses alliés dans la région pour renforcer la sécurité et la stabilité de celle-ci.
Alors que les Américains soutiennent les milices chiites en Iraq dans leur guerre contre Daech qui se réclame de l’islam sunnite, ils offrent un soutien logistique et de renseignement aux forces saoudiennes dans leur guerre contre les Houthis (chiites).
Washington n’est plus capable de démêler ses relations politiques. Que ce soit face à la crise syrienne ou la cause palestinienne, face à l’expansion du terrorisme et des conflits confessionnels ou face à l’exode des chrétiens d’Orient ... les Etats-Unis sont parfois complices, parfois impuissants, et souvent inintéressés.
De hauts responsables du Golfe sont même arrivés à exprimer leurs doutes quant à « l’engagement » des Etats-unis en faveur de la sécurité de la région.
L’impuissance américaine se révèle aussi dans les discussions au sein du Congrès autour de l’accord nucléaire avec l’Iran. Certains membres du Congrès estiment que cet accord doit comprendre un engagement iranien à ne pas soutenir le terrorisme, alors que l’administration américaine estime que le volet nucléaire doit être séparé du terrorisme.
L’impuissance américaine sur la scène méditerranéenne a fait l’objet d’une étude récemment publiée par le Centre des relations transatlantiques. Les Etats-Unis qui entretiennent des relations économiques, politiques et sécuritaires avec les pays du bassin méditerranéen, depuis près de deux siècles, sont incapables de soutenir ces pays qui affrontent, aujourd’hui, la plus grande menace depuis la Seconde Guerre mondiale, à savoir le terrorisme qui a atteint les sociétés européennes.
Un autre aspect de l’impuissance américaine se révèle dans ce qui se passe sur la scène du « grand Moyen-Orient ». Les deux pays voisins, l’Afghanistan et le Pakistan mènent une guerre ouverte contre le terrorisme, depuis plus de 10 ans mais les relations entre eux sont tendues. Et alors que les deux capitales sont soutenues par les Etats-Unis, Kaboul accuse Islamabad de soutenir le terrorisme ou de ne pas adopter de positions décisives pour le contrer. Encore une fois, Washington se trouve pris entre deux de ses alliés divisés autour d’une cause primordiale.
D’aucuns pensent que les politiques américaines visent à plonger le Moyen-Orient dans des conflits, à démanteler les pays et les armées de cette région pour retracer sa carte géopolitique. Mais en contemplant de plus près ce qui se passe, on réalise que Washington est devenu incapable de préserver la stabilité d’une région, très importante pour sa propre sécurité. Il s’agit d’une situation qui dépasse sa volonté et qui se rapporte plus à sa capacité, ou plutôt à son incapacité.
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