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Le dossier des usines sur le Nil est ouvert

Rasha Hanafy, Lundi, 05 novembre 2012

Une usine d’Assouan a provoqué une marée noire dans plusieurs gouvernorats voisins. Les efforts déployés ont permis de diminuer les impacts négatifs de la catastrophe. Mais de nombreuses questions restent en suspens.

Pollution
(Photo: ONA)

Négligence. C’est le maître mot après chaque catastrophe en Egypte. Et bien que des enquêtes soient en cours sur les sources de la dernière marée noire sur le Nil à Edfou le 27 octobre dernier, les spécialistes de l’environnement assurent qu’il s’agit là encore de la même cause.
La semaine dernière en pleine cérémonie des fêtes du sacrifice, une marée noire a fait irruption sur le Nil à hauteur de la ville d’Edfou, dans le gouvernorat d’Assouan. En réaction, toutes les stations d’eau potable des gouvernorats avoisinants ont été immédiatement fermées. « Nous avons inspecté la zone et prélevé des échantillons de la marée. Les soupçons pèsent sur deux entreprises : une sucrerie et une papeterie ; le Parquet tranchera l’affaire. Nous avons essayé de limiter au maximum les effets négatifs de cette marée. Heureusement, les fleurs du Nil ont pu stopper une grande quantité d’huile. Deux sociétés pétrolières ont pu, avec leurs équipements, aspirer de petites nappes sans polluer les stations des eaux potables », explique le général Yasser Khalil, directeur de l’administration de l’inspection au sein de l’Agence Egyptienne pour les Affaires de l’Environnement (AEAE).
Selon les responsables, il s’agit d’une marée noire de 8 kilomètres de long qui s’est échappée du réservoir d’une entreprise située au bord du Nil à Edfou, à l’issue de travaux de maintenance. Des équipes des ministères des Ressources hydrauliques et de l’Irrigation, du ministère du Pétrole et du ministère d’Etat pour l’Environnement ainsi que les gouverneurs concernés se sont rendues sur place pour surveiller la maîtrise des dégâts. « La première des choses était de fermer tous les accès aux stations d’eau potable. Les aqueducs d’Esna à Assouan et les fleurs du Nil ont joué un rôle important pour contenir quasiment les trois quarts de la marée. Le reste s’est dispersé sous forme de petites nappes pour s’accrocher aux herbes sur les deux rives du Nil », indique Ezzat Saad, gouverneur de Louqsor, qui était sur place en attendant les équipements du ministère du Pétrole. Et de préciser : « L’analyse de l’eau est réalisée toutes les deux heures, afin de s’assurer qu’il n’existe aucune infiltration dans les stations d’eau de la zone. Mais il s’agit pour moi d’une grande négligence. C’est l’époque où la maintenance annuelle est réalisée dans les usines de la zone. L’analyse des compositions de la marée noire a prouvé qu’il s’agissait de kérosène et d’huiles de maintenance. A mon avis, le problème se trouve dans l’usine. C’est une action irresponsable qui néglige l’importance du Nil ». Dans le gouvernorat de Qéna, les habitants ont été rapidement informés de ne pas utiliser les eaux du Nil en raison de cette marée qualifiée de « danger environnemental ».
Se conformer aux normes
Cette catastrophe ouvre le dossier de la conformité des usines à l’environnement et le contrôle des déchets industriels. Bien qu’il existe plusieurs programmes pour aider les grandes, moyennes et petites entreprises industrielles à se conformer aux normes environnementales, le dernier rapport gouvernemental démontre que 120 usines rejettent dans le Nil leurs déchets industriels, sans traitement. Des programmes comme celui relevant de l’AEAE, « Projet de contrôle de la pollution industrielle » ou celui de l’Union des industries sur la conformité des usines aux normes environnementales visent à ce que les instances industrielles utilisent le gaz naturel au lieu du mazout, qu'elles cessent de jeter leurs déchets dans le Nil et qu'elles procèdent à leur traitement. « Toute entreprise sur les bords du Nil ou de la mer doivent traiter leurs déchets industriels. L’inspection et la conformité aux normes de l’environnement sont impératives. Je pense que le financement des projets visant à aider les entreprises industrielles n’est pas un obstacle. Les équipes formées et le sentiment de responsabilité envers les ressources publiques et naturelles du pays sont un facteur élémentaire visant à faire respecter l’environnement », affirme Ahlam Farouq, directrice de l’administration générale du respect environnemental au sein de l’AEAE.
Selon les chiffres des instances nationales, l’industrie représente 35 % du produit national et emploie 25 % de la main-d’œuvre. Elle est devenue une source principale de pollution en raison de l’ancienneté des technologies, des déchets non traités, du manque de planification environnementale et du non-respect des lois environnementales.
Ainsi, et afin de remédier à cette situation de l’industrie égyptienne, les spécialistes plaident pour la sensibilisation et la présentation d’expériences de sociétés s’étant conformées avec succès aux normes environnementales. « Notre message aux entités industrielles d’Egypte est de les convaincre qu’être un ami de l’environnement ne va pas contre les revenus économiques. Nous avons présenté des exemples de 133 usines et sociétés ayant participé au programme de renforcement de l’industrie. Ces usines ont réussi à utiliser les nouvelles technologies qui mènent à limiter l’usage de l’électricité, ce qui diminue la pollution ainsi que l’usage des matières premières. La sensibilisation est importante, notamment pour les instances industrielles qui pensent que l’environnement va contre l’économie », assure Ahmad Kamal, directeur exécutif du bureau du respect environnemental et du développement durable au sein de l’Union des industries égyptienne. Selon les rapports des instances de l’industrie et de l’environnement en Egypte, près de 60 % des usines sont conformes aux normes environnementales.
On ne manque pas en Egypte d’initiatives et de protocoles avec les associations d’hommes d’affaires et les compagnies de divers domaines visant à mettre un terme à la pollution industrielle. Mais il faudra redoubler de responsabilité pour y parvenir.
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