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Nader Nour El-Din : Les décisions poussent à prendre l’autorité de l’Etat à la légère.

Rasha Hanafy, Mercredi, 07 mai 2014

Spécialiste international des questions d’eau et d’économie agricole, Nader Nour El-Din dénonce les contradictions gouvernementales concernant la préservation des terrains agricoles. Pour lui, les décisions ne font preuve d'aucune vision durable.

Nader Nour El-Din
Nader Nour El-Din

Al-ahram hebdo : Comment voyez-vous les décisions récentes du ministre de l’Agriculture et de la Bonification des terres, Ayman Abou-Hadid, selon les­quelles des terres agricoles ont été consacrées à l’intérêt public ?

Nader Nour El-Din : Je pense qu’il y a une contradiction flagrante dans les décisions qui sont prises, et sur tous les plans. Ces décisions qui réservent des terrains agricoles à l’intérêt public sont une agression contre les terres agricoles, commise par l’Etat. L’Egypte souffre de la désertification à cause des change­ments climatiques, de l’érosion et du taux élevé de salinité des sols. Les activités humaines jouent un grand rôle aussi, parce que de nombreux paysans construisent des immeubles sur leurs terres, pour leurs enfants. Parfois, ils vendent de très petites superficies de leurs terres. Comment peut-on accepter que l’Etat, qui lutte contre la désertification et contre la diminution de la productivité des terres agricoles, participe aux agres­sions et décrète des décisions pour les légaliser ? En même temps, l’Etat ne peut pas toucher ceux qui ont construit des maisons et villages touristiques sur la route désertique d’Alexandrie, au lieu de les cultiver comme précisé dans les contrats de vente.

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— Mais on parle de la construc­tion d’hôpitaux, de centres éduca­tifs et de stations de traitement d’eau dans des gouvernorats de Gharbiya et de Sohag qui en ont besoin ...

— Il aurait fallu décider de les construire dans les espaces déser­tiques qui entourent chaque gouver­norat concerné. Il ne faut absolument pas toucher aux terres agricoles arables du Delta. Les constructions doivent être faites dans les parties désertiques. Je trouve ces décisions irresponsables. Il s’agit pour moi de décisions qui poussent les paysans à prendre l’autorité de l’Etat à la légère et à ne respecter aucune décision ni stratégie agricole visant à réaliser une autosuffisance en produits de pre­mière nécessité. Mêmes les visions pour une agriculture durable man­quent de planification adéquate, comme ce qui a été mentionné en ce qui concerne les pluies à Marsa Matrouh.

— Il y a eu des déclarations sur de nouveaux projets à Marsa Matrouh visant une agriculture et un développement durable, en exploitant les eaux des pluies, pour bonifier de nouvelles terres. Est-ce réalisable ?

— Tout agriculteur sait parfaite­ment que la ville de Marsa Matrouh, située sur les bords de la mer Méditerranée, à 288 km à l’ouest d’Alexandrie, souffre de pénurie d’eau, de surface et de nappes phréa­tiques. Les pluies sont importantes mais elles s’achèvent deux mois avant la fin de la saison du blé et de l’orge. Le manque de durabilité des eaux utilisées dans l’irrigation constitue un obstacle à l’agriculture durable dans cette province. J’aurais préféré que le développement durable soit réalisé à travers l’utilisation des eaux de pluies dans la culture du fourrage qui n’exige pas autant de temps que les céréales stratégiques et dans l’agriculture bio­logique des légumes et fruits destinés à l’exportation. En fait, ce genre de déclaration laisse entendre que les responsables qui prennent les déci­sions de la bonification ne sont pas conscients du problème de l’eau en Egypte.

— Pourriez-vous être plus pré­cis ?

— Nous témoignons tous de cette avalanche de déclarations portant sur la bonification de millions de feddans situés à l’extérieur de la vallée du Nil et du Delta, sur la Côte-Nord, et autour de la dépres­sion de Qattara. Les responsables oublient ou négligent que l’Egypte souffre d’une pénurie d’eau qui s’élève à 20 milliards de m3/an. Selon le rapport de la Commission du Bassin du Nil et de l’Organisa­tion de l’alimentation et de l’agri­culture (FAO) publié en 2012, l’Egypte utilise 117 % de sa part d’eau du Nil qui s’élève à 55,5 mil­liards m3/an. Le secteur agricole consomme à lui seul 103 % de cette quantité. On oublie que cette quan­tité pourrait diminuer à cause des barrages construits dans les pays africains. Je pense que la planifica­tion agricole en Egypte, en préser­vant la superficie agricole et ratio­nalisant la quantité d’eau utilisée pour produire la nourriture, doit s’étendre verticalement et non hori­zontalement. C’est-à-dire oeuvrer pour augmenter la productivité de la superficie agricole, afin de dimi­nuer le fossé alimentaire. On ne peut pas penser à un développement durable dans le secteur agricole en négligeant la réalité de nos res­sources hydriques.

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