C’est comme une soudaine prise de conscience. Dans un contexte de tensions sur le partage des eaux du Nil, le ministère des Ressources hydriques et de l’Irrigation vient de lancer une campagne médiatique : «
Nous allons protéger notre Nil et le préserver ».
Le but ? Eviter que toujours plus de déchets finissent dans le fleuve. Le ministère d’Etat pour les Affaires de l’environnement contribue aussi à l’effort. La zone industrielle de Qowesna, dans le gouvernorat de Ménoufiya, a ainsi vu la fermeture de quatre conduits d’évacuation d’usines de textile, de papier et de peinture, rejetant leurs matières chimiques, en infraction à la loi 4/94 et à loi 48/82, dans les eaux du Nil.
Une visite dans cette zone industrielle a rassemblé la semaine dernière, la ministre de l’Environnement, Laïla Iskandar, le ministre des Ressources hydriques, Mohamad Abdel-Motaleb, et celui des Municipalités et du Développement administratif, Adel Labib.
Il s’agit pour eux de souligner l’importance de la protection des eaux du Nil, notamment dans le contexte actuel tendu de pourparlers avec les pays du bassin du Nil. « Le dossier de la pollution du Nil par les déchets industriels est prioritaire dans les jours qui viennent. Il est question de protéger la santé des citoyens. De nouveaux projets verront le jour visant à réutiliser les eaux usées dans l’irrigation des parties désertiques qui entourent certaines provinces », assure Laïla Iskandar, soutenue par la présence de ses deux collègues, puisque son ministère n’est qu’une instance de consultation et non d’exécution.
Depuis plus de trente ans, les ministères concernés ne cessent de lancer des initiatives pour protéger le Nil, en particulier contre la pollution. Mais ce sont souvent des cris dans le désert : une vision claire de l’Etat est absente au niveau local. « Les déchets industriels rejetés dans le Nil sont un casse-tête pour les acteurs de la préservation des eaux de notre fleuve. En coopération avec l’Union européenne, nous offrons des financements visant à aider les usines à se conformer aux règlements environnementaux. Il s’agit de prêts remboursables et d’allocations à hauteur de 20 à 30 % du coût des projets », explique Chadia Al-Chichini, directrice exécutive du projet. Mais pour elle, « sans sanctions contre les entreprises polluantes, il n’y aura aucun progrès. Nous proposons des solutions à ces usines et des moyens de financement pour ne pas être face à des prétextes liés au manque d’argent ».
L’enjeu est aussi de moderniser les équipements, pour créer de nouvelles lignes de production propres reposant sur les énergies renouvelables. 91 entreprises participent à ce projet. Mais « les coûts pour moderniser ou remplacer les machines construites dans les années 1950 et 60 s’élèvent à des millions de L.E. Des subventions ou des crédits ne suffisent pas. Un secteur comme celui du textile ne se lancera pas dans une telle mise aux normes, parce que les banques refuseront les crédits. Par contre, le secteur des engrais pourrait obtenir ces crédits, mais enfin, cela dépend de ses plans et de ses priorités », assure Hanan Al-Hadari, directrice des centres de la technologie et de l’innovation du ministère de l’Industrie.
« Je pense que ce qui a besoin d’être modernisé, c’est tout un système favorisant l’industrie et le développement durable et pas uniquement les machines des anciennes usines. Les initiatives pareilles n’auront que peu d’influence. L’Etat ne possède aucune vision ni plan clair pour que le secteur industriel devienne un jour un secteur sans pollution », regrette Mokhtar Al-Chérif, spécialiste économique du Centre de Recherches sur le Désert (CRD). Selon lui, la complémentarité entre les appareils de l’Etat manque. Résultat ? Les initiatives n’aboutissent pas.
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