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Le silence : l’enfant béni du couvre-feu

Dalia Abdel-Salam, Lundi, 30 septembre 2013

Conséquence positive du couvre-feu, le silence dans les rues après minuit est apprécié des habitants. La ville du Caire souffre en temps habituel d'une pollution sonore particulièrement forte, et ce quelle que soit l'heure.

Silence

Tranquillité. Un mot que les Cairotes avaient presque oublié, eux qui vivent dans une cacophonie quasi permanente. Klaxons ininterrompus, musique à tue-tête, haut-parleurs, marchands ambulants, circulation continue jour et nuit. C’est le menu quotidien des Cairotes qui occasionne une pollution sonore dans cette capitale bondée de plus de 20 millions d’individus. « Je suis certain que les Cairotes ont perdu l’ouïe à cause du bruit permanent dans lequel ils vivent. C’est pourquoi ils mettent leur radio à fond quand ils sont dans leur voiture et augmentent le son de la télé quand ils sont chez eux », estime Ahmad Adel, un banquier.

Soha Samir, étudiante qui habite la place Triomphe à Héliopolis, s’est habituée à vivre dans le bruit, mais elle se sent beaucoup plus calme quand elle va chez sa soeur installée dans la nouvelle ville de Chourouq. « A Triomphe, les magasins restent ouverts jusqu’à après minuit et la circulation est par conséquent incessante. Quand le gouvernement a annoncé le couvre-feu, on a commencé à goûter à la tranquillité et au silence pendant la nuit », avoue Soha Samir. Cette remarque est pertinente. Le secteur de la pollution de l’air et de la pollution sonore dépendant de l’Agence Egyptienne pour les Affaires de l’Environnement (AEAE) a analysé les résultats des travaux de mesure de la pollution sonore et celle de l’air, durant le mois d’août dernier.

Selon Mona Kamal, directrice du secteur de la pollution sonore et de l’air, les résultats ont révélé que le couvre-feu a eu un impact positif sur ces deux formes de pollution. « La pollution de l’air durant les heures du couvre-feu (de 19h à 6h le vendredi et de 00h à 5h en semaine) a baissé de 30 % tandis que la pollution sonore durant les mêmes heures a baissé de 500 % », souligne-telle. Il est évident que, durant la nuit, le bruit en Egypte dépasse de loin les normes préconisées par la loi sur l’environnement.

Pour mieux comprendre cette réduction de 500 %, il faut savoir que l’échelle des décibels est logarithmique. Ainsi, s’il y a par exemple 3 décibels de plus, le niveau sonore sera double, et si ce sont 10 décibels supplémentaires, le niveau sonore sera multiplié par 10.

En effet, selon les normes de l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS), la pollution sonore représente un problème si elle dépasse 45 décibels durant le jour et 35 décibels la nuit dans les zones habitées. Les Cairotes vivent dans des niveaux de bruit qui avoisinent les 90 décibels de moyenne, jamais en dessous de 70 décibels.

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Pour Mona Kamal, il est difficile de donner un chiffre exact de la pollution sonore car elle varie selon le moment du jour ou de la nuit, le lieu intérieur ou extérieur, et même selon l’activité. « Quand on commence à s’énerver, cela veut dire qu’il y a du bruit. Quand nous sommes à l’intérieur, dans notre chambre à coucher, on dort à 40 décibels, dans notre salon, on supporte 55 décibels sans problème, dans une discothèque, on peut s’adapter à 95 décibels pendant 2 ou 3 heures. Si on est hospitalisé, on n’arrive pas à supporter les sons qui dépassent les 35 décibels. Donc il n’y a pas de niveau fixe pour le bruit », explique Kamal.

Dangers sur la santé

L’environnement quotidien au Caire est souvent très bruyant, sans que l’on s’en rende toujours compte. Et pourtant, les dangers sur la santé existent. Le bruit est aujourd’hui considéré comme une véritable pollution qui occupe la deuxième place sur la liste des problèmes environnementaux dont souffrent l’Egypte en général et Le Caire en particulier.

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Et comme toutes les pollutions, le bruit génère des problèmes de santé. Le premier effet concerne bien sûr l’audition. Ainsi, un bruit brutal ou une exposition prolongée à un environnement sonore trop élevé (au-delà de 85 décibels) peut provoquer une altération temporaire ou définitive de l’ouïe. Mais le bruit a aussi d’autres effets indirects sur la santé. Il augmente la fatigue, les risques d’hypertension artérielle, les troubles digestifs, la nervosité et le stress. Enfin, il perturbe le sommeil et diminue l’attention (dans les usines bruyantes, le taux d’accident de travail est multiplié par 4).

Pour remédier à ce problème, le ministère de l’Environnement a déployé de vains efforts. En 2006, le ministère a élaboré tout un plan intégré pour lutter contre la pollution sonore, et ce en coopération avec tous les ministères concernés tels l’Intérieur, le Logement, les Waqfs, l’Information, le Tourisme, l’Education, la Santé, l’Aviation civile et le Transport. En

2008, le ministère a lancé la première campagne nationale de lutte contre la pollution sonore avec les ministères concernés. Cette lutte contre la cacophonie continue. La semaine dernière, la ministre de l’Environnement, Laïla Iskandar, a organisé des campagnes d’inspections intensives sur les bateaux de croisières et les felouques afin de s’informer sur le bruit qu’ils occasionnent et d’appliquer la loi sur l’environnement nº4 de l’année 1994. «

C’est en premier lieu une question de comportement », assure Mona Kamal. C’est pourquoi la sensibilisation est le mot-clé. Pour elle, le couvre-feu a mis l’accent sur l’importance de réduire les horaires d’ouverture des magasins, afin de baisser un tant soit peu la pollution sonore et celle de l’air.

« Il faut reconsidérer l’idée de la fermeture des activités commerciales à 19h. Tous les pays appliquent cette mesure. Nous n’avons qu’à faire de même », ajoute-t-elle. Une telle décision aidera à réduire la pollution et retrouver la tranquillité. Un souhait partagé par tous les Cairotes. Reste à poser la question aux commerçants.

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