C’est son expérience avérée dans la gestion des déchets solides qui a valu à Laïla Iskandar d’être nommée ministre des Affaires environnementales. Diplômée de la faculté des sciences politiques et économiques à l’Université du Caire, Laïla est une figure connue, y compris à l’étranger, grâce aux activités de son ONG, intitulée CID, qui intervient dans le quartier des chiffonniers au Caire. A travers cette ONG, elle a mis en place une école de recyclage qui forme les habitants de ce quartier, pour briser le cycle de la pauvreté et de la marginalisation. « Des horaires de classe flexibles ont été instaurés pour permettre aux élèves de continuer à travailler avec leurs parents », déclarait Laïla Iskandar à l’époque. Le secteur informel du recyclage des déchets est ainsi devenu un lieu d’acquisition de compétences pour des milliers de jeunes du Caire. La nouvelle ministre vient d’annoncer sa démission de l’ONG, pour éviter tout conflit d’intérêt avec sa nouvelle fonction. « La première fois que j’ai rencontré Laïla Iskandar, c’était au moment où elle travaillait pour un projet de gestion des déchets à Sainte-Catherine, dans le Sinaï », se souvient Tareq Qanawati, directeur général du bureau technique de la protection de la nature à l’Agence égyptienne pour les affaires de l’environnement. Outre ces expériences locales, la nouvelle ministre a aussi passé un an et demi en Arabie saoudite, où elle travaillait pour le Fonds industriel saoudien. Elle y a acquis la connaissance des actions de développement et du rôle que l’Etat y joue.
Une nouvelle stratégie de protection de la nature
En tant que spécialiste de la question, Laïla Iskandar ne pouvait que consacrer sa première visite à la gestion des déchets. Elle s’est rendue au Projet de recyclage des déchets solides et de production d’engrais organiques de la zone industrielle du 15 Mai, au sud-est du Caire. Les discussions avec les directeurs ont porté sur la génération d’énergie à partir des déchets au lieu de les enterrer. Le recyclage des déchets solides et les énergies alternatives sont prioritaires pour la nouvelle ministre. Mais la rationalisation de l’usage des pesticides, l’investissement dans les réserves naturelles et la création de nouvelles opportunités de travail pour les jeunes figurent également sur son agenda.
« Avec Laïla Iskandar, nous devons réfléchir à une nouvelle stratégie pour la protection de la nature qui ne change pas avec les remaniements gouvernementaux », souhaite Tareq Qanawati. Et d’ajouter : « Il faut arrêter temporairement la déclaration de nouvelles réserves naturelles, réviser leur délimitation, investir dans les ressources naturelles des réserves et protéger la biodiversité ». Le calendrier de travail promet donc d’être chargé.
Agriculture : priorité à la sécurité alimentaire
Aymane Abou-Hadid.
Le ministre de l’Agriculture et de la Bonification des terres, Aymane Abou-Hadid, a indiqué que durant la période de transition, son ministère souhaitait régler les problèmes dont souffrent les cultivateurs, surtout les petits et les jeunes diplômés. Ancien directeur du Centre des recherches agricoles, du Laboratoire central du climat et de l’Union des producteurs et des exportateurs de produits horticoles, Aymane Abou-Hadid est un fin connaisseur des institutions agricoles. Il détenait déjà le portefeuille de l’Agriculture dans le gouvernement Charaf de 2011.
Le nouveau ministre a déclaré à la presse qu’il fallait augmenter la productivité, notamment celle des céréales stratégiques. « Mes priorités sont les dossiers qui entravent le développement agricole, a-t-il précisé. Le dossier du blé est d’une importance extrême, de même que la hausse de la productivité des céréales, qui devrait aider à mettre en place une stratégie pour la sécurité alimentaire ».
Lors de son passage dans le gouvernement Charaf, Aymane Abou-Hadid a pu récupérer 75 000 feddans auprès d’un homme d’affaires saoudien et a fait conduire une étude sur la mise en place d’un projet agro-industriel intégré sur ces terres, situées dans la zone de Tochka, dans la Nouvelle-Vallée. Il s’agirait d’y concentrer dans un même lieu les cultures et les usines servant à la transformation de fruits et de légumes en produits commercialisables. Durant ce mandat, le ministre a également créé un conseil pour l’urbanisation du Sinaï, qui vise à établir des communautés de développement dans le nord de la péninsule, en faveur des bédouins.
Des forêts dans le désert
Après sa nomination dans le gouvernement actuel, Aymane Abou-Hadid a immédiatement nié toute rumeur de reprise de la coopération avec Israël. En revanche, il a rencontré le ministre de la Recherche scientifique pour discuter de la création d’un complexe de recherches agricoles africaines en Egypte. « Son objectif, a-t-il expliqué, sera de lier les centres de recherches agricoles africaines, pour appliquer les résultats des recherches égyptiennes en Afrique, notamment dans les pays du bassin du Nil ». Un certain nombre de dossiers importants attendent le nouveau ministre, dont la lutte contre la désertification, le développement des méthodes de l’irrigation, le traitement des eaux des drains sanitaires pour les utiliser, afin de créer des forêts dans le désert.
Rappelant qu’Aymane Abou-Hadid a participé à la mise en place de la stratégie agricole 2010-2030 de l’Egypte. Abdel-Salam Gomaa, doyen du syndicat des Agriculteurs, note que le ministre est un spécialiste des changements climatiques et qu’il s’intéresse à la rationalisation des eaux de l’irrigation dans les anciennes terres (le Delta). D’après lui, les agriculteurs ont besoin de sociétés coopératives comme celles qui existaient dans les années 1960, « dans lesquelles ils peuvent trouver tout ce qui est utile à l’agriculture sans passer par le marché noir ». Selon lui, le retour de la rotation culturale pour économiser l’eau et augmenter la productivité est également une nécessité. En somme, la période de transition devra fonder les premières bases d’un système agricole juste pour tous les acteurs, afin de diminuer les inégalités, voire réaliser une autosuffisance alimentaire.
Eau : l'épineux dossier du barrage de la Renaissance
Mohamad Abdel-Motteleb.
La nomination de Mohamad Mahmoud Abdel-Motteleb à la tête du ministère de l’Irrigation et des Ressources hydriques a été chaleureusement accueillie. Le ministère a, en effet, propulsé l’un des siens à sa tête : avant sa nomination, le ministre dirigeait l’un de ses organes, le Centre national de recherches en eau. « Mohamad Abdel-Motteleb est une personne qui écoute attentivement les autres, aime travailler et respecte les spécialistes. Actif dans le domaine de l’irrigation, il est lui-même spécialiste de l’hydraulique », affirme Fatma Abdel-Rahmane, experte en eaux phréatiques.
Conformément aux attentes, sa première déclaration a concerné le délicat dossier du bassin du Nil. Le ministre s’est voulu apaisant. « Notre objectif est de répondre aux intérêts de toutes les parties concernées, a-t-il déclaré. Des scénarios ont été mis en place pour avancer dans les négociations, en ce qui concerne la convention-cadre et le barrage de la Renaissance ». Une invitation à une réunion au Caire pour discuter des divergences sera envoyée à ses homologues du Soudan et de l’Ethiopie. « La période de transition devra être marquée par davantage de coordination et de coopération avec les appareils concernés par le dossier des eaux du Nil, à l’intérieur comme à l’extérieur », a poursuivi le ministre.
Améliorer la qualité de l’eau
Outre la question du bassin du Nil, Mohamad Abdel-Motteleb devra s’atteler au dossier de la pollution des canaux et des cours d’eau. L’une de ses priorités sera d’entamer une tournée dans tous les gouvernorats pour examiner de près les problèmes d’irrigation et d’accès à l’eau potable. Sa première visite a été pour Béheira, au nord du pays, dans un gouvernorat où se situe 20 % des terrains agricoles. Les travaux de remplacement et de rénovation du réseau de drainage, la maintenance des canaux, des unités d’urgence alimentant leurs extrémités et des puits, y sont en cours.
D’après Fatma Abdel-Rahmane, l’urgence est d’avoir un plan et une vision pour développer la qualité de l’eau. « Nous avons effectué des recherches sur les eaux de pluie au Sinaï et à Assouan, sur les eaux du Nil et sur celles des nappes phréatiques, rappelle-t-elle. Le ministre possède donc toutes les informations concernant ce sujet. L’urgence est de régler les problèmes de l’irrigation au niveau des canaux et de la distribution ». Une partie des problèmes serait due, selon elle, aux constructions croissantes sur les terres agricoles, qui nuisent à l’irrigation, parce qu’elle comble les affluents et les petites rivières. Mais le vrai défi que doit relever le ministre est celui de la satisfaction des besoins en eau, qui augmentent en raison de l’explosion démographique, par la recherche de ressources nouvelles.
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