Les chiffres sont alarmants. En 2010, les ressources naturelles de l’Egypte ont diminué de 7,1 %. L’eau est au coeur du problème avec une utilisation qui se chiffre à plus du double de ce que le pays pourrait pomper sans risquer de pénurie. Les ressources hydrauliques renouvelables ont diminué drastiquement de 2003 à 2012.
Ces chiffres qui tirent clairement une sonnette d’alarme sont ceux du dernier rapport des Nations-Unies pour le développement humain, publié en mars 2013. Mais ils n’ont pas surpris les spécialistes de l’environnement. Ces derniers assurent que le développement durable est absent de la vision des responsables du pays dans tous les domaines.
L'Egypte doit préserver ses immenses richesses.
Plusieurs spécialistes penchent actuellement sur un rapport visant à exploiter sans abus les ressources naturelles du pays, afin de les sauvegarder pour les générations à venir. « Après la conférence Rio+20 en 2012, les pays riches ont décidé de ne pas respecter leurs engagements envers les pays vulnérables aux changements climatiques. J’ai proposé en 2012 la fondation du forum égyptien pour le développement durable, afin d’empêcher les abus de prélèvement de nos ressources naturelles. Les différents gouvernements, depuis de longues décennies, ne prennent pas en compte le développement durable dans les projets qu’ils entreprennent, notamment dans la bonification des déserts et des terrains du Delta. C’est ce qui a causé la désertification et la diminution de la productivité agricole. De même pour l’eau, puisque le concept de rationalisation n’était pas reconnu », explique Mohamed Al-Zarqa, spécialiste international de l’environnement et directeur du comité de direction national relevant du Fonds de l’Environnement Mondial (FEM).
La solution à cette lente agonie est pourtant simple : utiliser davantage de ressources renouvelables. Premiers domaines concernés : l’énergie, l’eau et les déchets dangereux, aujourd’hui mal traités.
Les spécialistes écologiques plaident aussi pour un arrêt de l’exportation des matières premières et des ressources fossiles comme le gaz naturel et le pétrole, à l’exemple des Etats-Unis qui préservent leurs réserves pour les générations à venir.
Il y a plus d’une décennie, le pionnier des sciences environnementales en Egypte, Abdel-Fattah Al-Qassass, avait exhort&´ les responsables à stopper la construction des villages touristiques sur la Côte-Nord sans planification. A l’époque, c’était un cri dans le désert. Aujourd’hui, tout le monde sait qu’il avait raison.
Un manque de sensibilisation des dirigeants arabes
La situation dans les pays arabes ne diffère pas de celle de l’Egypte. Le concept du développement durable n’existe pas. L’empreinte écologique en est la preuve. « C’est un outil qui évalue la surface productive nécessaire à une population pour répondre à sa consommation. Les pays arabes souffrent de l’augmentation de l’empreinte écologique puisqu’ils importent presque tous leurs besoins sauf le Soudan et la Mauritanie.
Le Golfe arabique souffre de la pollution pétrolière. Le taux de diminution des réserves halieutiques sur les côtes arabes s’élève à 39 % contre 15 % dans le monde. Ces chiffres effrayants prouvent que le développement durable n’existe ni dans les politiques menées ni dans les visions des responsables dans le monde arabe », assure Wafaa Amer, spécialiste de la biodiversité et professeur au département des botaniques à la faculté des sciences de l’Université du Caire.
Les décideurs du monde arabe, notamment en Egypte qui souffre d’une explosion démographique, doivent prendre en considération le développement durable s’ils veulent que les générations à venir profitent également des ressources naturelles. Mais il semble qu’une prise de conscience ne soit pas demain.
Oui c'est faisable !
Un petit projet pour la conservation des plantes médicinales à Sainte-Catherine dans le Sinaï prouve que le développement durable est possible. Le projet vise à utiliser les ressources naturelles locales en réhabilitant plusieurs dizaines de plantes dont certaines sont menacées d’extinction. « Nous avons encouragé les femmes bédouines à participer aux activités de l’association des plantes médicinales. Les employés de cette association ont reçu une formation sur le marketing des produits provenant de ce genre de plantes. Quelques-uns de ces programmes ont été appliqués dans d’autres réserves naturelles comme Wadi Al-Gemal, Al-Omayed et Wadi Al-Rayane », explique le directeur du projet, Adel Abdalla.
« Nous devons reconnaître que depuis de longues décennies nous travaillons au sein des réserves naturelles en nous basant sur le principe de la protection pour la protection, sans penser au développement durable. Aujourd’hui, surtout depuis le changement de ministres, le mot d’ordre est l’exploitation sans abus et la conservation des ressources naturelles. Nous essayons de réaliser un développement durable des réserves naturelles tout en faisant participer les habitants locaux », assure Tareq Qanawaty, directeur général au sein du secteur de la protection de la nature, relevant de l’AEAE.
Selon lui, le projet de conservation et d’exploitation des plantes médicinales à Sainte-Catherine est un projet pilote de développement durable, dont les programmes peuvent être réalisés dans d’autres domaines comme l’écotourisme ou la gestion des déchets solides.
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