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La justice environnementale

Mohamed Abdel-Raouf, Coordinateur auprès du PNUE, Lundi, 22 avril 2013

La justice environnementale ? D’aucuns diraient qu’il s’agit d’un néologisme, après les catastrophes qui ont frappé le monde récemment. Mais en réalité, ce concept n’a rien de nouveau. Il est apparu au début des années 1980 du siècle précédent et était intrinsèquement lié à la dimen­sion sociale qui s’était axée sur la distribution équitable des ressources naturelles. La philosophie de la jus­tice environnementale repose en grande partie sur le droit des indivi­dus, toutes ethnies et races et tous revenus confondus, à jouir d’un envi­ronnement propre et sain.

Ainsi dans cet esprit, ce concept a contribué à considérer le droit à un environnement propre comme la troi­sième génération affiliée aux droits de l’homme, venant après les droits civils et politiques, dits de première génération. La deuxième génération étant celle des droits économiques et culturels. Afin de mieux comprendre et simplifier la signification du concept, nous dirons que la justice environnementale est concernée prio­ritairement par la vie du citoyen au quotidien, depuis sa nourriture, sa santé, son éducation et son logement. Il n’est pas question d’assurer la dis­ponibilité de tous ces éléments, mais surtout de leur qualité qui les mettrait à l’abri des maladies. Ainsi, la justice environnementale lutte contre le foyer de pollution, en prévenant leur existence à la base et en interdisant toutes les activités polluant l’environ­nement dans les régions démunies à titre spécial. L’absence de la justice environnementale engendre indubita­blement des problèmes majeurs. Sur le plan mondial, il y a un intérêt accru porté au phénomène du changement climatique et de ce qui pourrait éven­tuellement découler des séquelles sociales et économiques résultant de l’exode des habitants et la perte de leurs ressources naturelles sur les­quelles ils comptent, en terres et en côtes. Si nous focalisons nos discours sur l’Egypte, nous nous demanderons si nous vivons la justice environne­mentale avec toutes les significations que véhicule ce concept.

Ressentons-nous les résultats qui se répercutent directement sur la jus­tice sociale qui avait été l’une des revendications de la révolution du 25 janvier ? La réponse serait catégori­quement la négative. La justice envi­ronnementale nécessite la gestion rationnelle des ressources naturelles. Les citoyens doivent avoir accès à ces ressources et doivent prendre part à leur gestion, tout en leur procurant les informations nécessaires en les sensibilisant pour en tirer profit par les meilleurs moyens sans les épuiser et par conséquent les préserver pour les prochaines générations, en d’autres termes, réaliser le dévelop­pement durable. Comme nous le savons bien, cette gestion rationnelle est totalement absente à tous les niveaux en Egypte. De nombreux dangers entourent les ressources naturelles en Egypte, voire menacent leur survie et leur caractère durable d’une manière susceptible d’engen­drer un chaos.

J’évoquerais trois exemples pour clarifier les choses. Le premier concerne les dangers qui entourent les terres agricoles qui ont été défri­chées. N’oublions pas les séquelles résultant des changements clima­tiques, dont l’augmentation du taux de salinité dans ces terres, l’érosion des plages à cause de la hausse du niveau de la mer. Que des facteurs qui atteignent la productivité de ces terres, menant à la désertification et l’absence de la sécurité alimentaire. Ce qui veut dire que tout le monde ne saurait avoir accès à l’alimentation.

Il existe un autre exemple flagrant, à savoir les pollutions et le gaspillage qui frappent les eaux de l’éternel fleuve, le Nil. Conséquence : réparti­tion inéquitable du quota d’eau potable au profit de la capitale, des régions et des quartiers huppés aux dépens des régions pauvres et dému­nies. Ou encore une pollution sans précédent de l’eau causant des mala­dies graves et chroniques, telles que l’insuffisance rénale. La disponibilité de l’eau potable fait partie des droits élémentaires de la personne humaine, qui incombe totalement à l’Etat. Le fait de se dérober à cette responsabi­lité ou d’essuyer un échec à son niveau aboutit à une absence totale de la sécurité hydraulique engendrant des séquelles négatives à la fois sur la sécurité alimentaire, à cause de l’ab­sence ou de la pénurie de l’eau de l’irrigation, et sur la justice sociale.

Un autre exemple est celui de tous les genres de déchets industriels dan­gereux et leurs effets néfastes sur les agglomérations qui entourent des régions industrielles comme celle de l’usine Mobco à Damiette et la sta­tion nucléaire de Dabaa. Naturellement, les habitants de ces régions plus que ceux des autres agglomérations se trouvent obligés d’endurer le fardeau et les atteintes nocives se dégageant de ces cita­delles industrielles. A cause de leurs conditions de vie, ils ont toujours le complexe d’iniquité et d’injustice.

L’Etat est responsable de toutes ses ressources, de leur gestion et de leur développement conformément à des programmes de développement durable garantissant le principe de la justice environnementale entre les générations actuelles et les généra­tions à venir. Cette justice consiste à répartir les revenus des profits et à assumer les fardeaux de manière équitable. La justice est le mot magique derrière l’avancée et la sta­bilité des nations et la seule issue pouvant repêcher l’Egypte de sa crise actuelle, pour réaliser le bien-être, la production et le développement durable.

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