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Diaa Al-Qossi, ancien conseiller du ministère des Ressources hydrauliques « Il existe en Egypte 20 terrains de golf. Est-ce raisonnable ? »

Propos recueillis par Rasha Hanafy, Lundi, 04 mars 2013

Un rapport officiel souligne que la pénurie menace en Egypte. Diaa Al-Qossi, spécialiste et ancien conseiller du ministère des Ressources hydrauliques, appelle à limiter et à faire payer les usages excessifs.

Eau

Al-Ahram Hebdo :Le ministère des Ressources hydrauliques et de l’Irrigation a récemment publié un rapport sur la situation de l’eau en Egypte. Il met en garde contre la diminution permanente de la part d’eau par habitant. Comment, selon vous, l’Egypte peut éviter le pire ?

Diaa Al-Qossi : Le dossier de l’eau en Egypte doit être traité sérieusement, sinon les nouvelles générations n’en trouveront pas une goutte. Le rapport que vous évoquez montre que la part d’eau par individu en Egypte a diminué pour atteindre 660 m3 en 2013, contre 2 800 m3 en 1959. La situation il y a une cinquantaine d’années était meilleure et la part par individu était quasiment le triple de celle d’aujourd’hui. Mais l’explosion démographique est passée par là. Je dois dire que si l’Etat ne parvient pas à contrôler la situation démographique, il ne lui reste plus que contrôler la consommation. Sur le plan de l’irrigation, il faut opter pour une récolte d’hiver ou d’été. Le blé consomme quasiment 4 000 m3 d’eau, et le maïs consomme 2 000 m3 en été. Alors le paysan ou l’investisseur qui veut cultiver du jasmin qui consomme 10 000 m3 environ doit payer pour ces quantités excessives d’eau. De même pour les utilisations domestiques. Les sommes encaissées par l’Etat doivent être investies dans l’extension des réseaux d’eau potable et de drainage ainsi que dans des projets de dessalement des eaux phréatiques et de mer, puisque l’Egypte est dotée de 3 000 km de côtes sur la Méditerranée et la mer Rouge.

— Quelles autres solutions proposez-vous pour sortir de l’impasse de la pénurie d’eau en Egypte ?

— Je pense qu’il est important d’exploiter chaque goutte d’eau de notre part annuelle des eaux du Nil qui est de 55,5 milliards de m3. Je dois préciser qu’il existe quasiment 12-13 milliards m3 d’eaux non utilisées qui s’écoulent dans la mer. Donc, il faut penser à recycler 4-5 milliards m3 de cette quantité. Ils pourraient remplacer ceux qui devaient résulter du projet du canal de Gongly en coopération avec le Soudan du Sud. Cela serait également un exploit si on arrivait à faire payer les projets établis dans le désert. Je cite par exemple le projet de l’est de Oweinat dans la Nouvelle Vallée, au sud-ouest du Caire, avec les investissements des pays arabes pour cultiver de la luzerne qui nécessite une grande quantité d’eau. Ce genre de projet doit débourser. La situation est la même pour d’autres investisseurs égyptiens qui cultivent la banane dans le désert ou construisent des terrains de golf et des piscines dans les villas.

Diaa Al-Qossi
Diaa Al-Qossi

— A cet égard, que pensezvous des villes nouvelles qui proposent des étendues énormes de verdure, des lacs superficiels et d’innombrables piscines ?

— Tout le monde aime la verdure. Mais il faut utiliser des eaux recyclées dans ce genre de projet pour arroser toutes ces superficies, ou faire payer les propriétaires pour ces quantités d’eau utilisées. Il existe en Egypte 20 terrains de golf. Est-ce raisonnable dans un pays qui souffre de pénurie d’eau ? Un terrain de golf consomme 18 000 m3 par an, soit une quantité d’eau équivalente à la consommation de 3 feddans (1,26 ha) de riz ! Je pense que les ingénieurs en irrigation du ministère des Ressources hydrauliques peuvent facilement calculer la quantité moyenne consommée par feddan (0,42 ha) selon les récoltes, par les foyers, les industries et les divers autres projets. Celui qui consomme plus que la quantité moyenne d’eau doit payer plus.

— Pensez-vous que la population, déjà en colère contre la hausse des prix de tous les services, accepte cette nouvelle stratégie qui vise à éliminer tout gaspillage d’eau ?

— Si elle estime crédibles toutes les politiques et les stratégies menées par le gouvernement et les responsables concernés, elle coopérera et acceptera tout pour son pays, sans aucun doute. Les Egyptiens l’ont déjà fait à l’époque de Nasser, parce que ce président était un exemple à suivre. Il défendait les droits de l’Egypte à l’eau et nouait des relations étroites avec les pays du Bassin du Nil.

— Le ministre des Ressources hydrauliques a récemment annoncé que si le quota égyptien des eaux du Nil reste le même, soit 55,5 milliards de m3 par an, la part par individu pourrait diminuer du tiers. Qu’en pensez-vous ?

— Si telle est la situation, pourquoi ne travaille-t-il pas sur le dossier des barrages dans les pays africains, notamment en Ethiopie ? A ce jour, le comité d’évaluation, composé de 2 Egyptiens, 2 Soudanais, 2 Ethiopiens et 4 internationaux, n’a pas achevé les travaux d’évaluation du barrage du millénaire en Ethiopie. S’il faut à ce barrage, d’une capacité de 78 milliards de m3, un an pour se remplir, comment pourra-ton irriguer et boire en Egypte ? Les spécialistes doivent oeuvrer en urgence surtout qu’avec les changements climatiques la situation risque d’empirer.

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