Pour réduire l’utilisation des énergies fossiles polluantes et largement subventionnées par l’Etat, certaines cimenteries d’Egypte optent désormais pour les déchets solides comme combustible alternatif, qui respecte les contraintes environnementales.
Ce processus, en plus de réduire la consommation des énergies fossiles, élimine deux problèmes environnementaux majeurs : les émissions toxiques et la gestion des déchets solides, notamment agricoles. Sans compter qu’il rapporte de l’argent. « Cette équation difficile a été résolue par une cimenterie dans le gouvernorat d’Assiout en Haute-Egypte, grâce à son intégration au Mécanisme du Développement Propre (MDP) lié au protocole de Kyoto », souligne Ahmad Bahaeddine, de l’unité de promotion de la sensibilisation pour les projets du Mécanisme du Développement Propre (CDM-APU) au sein de l’Agence Egyptienne pour les Affaires de l’Environnement (AEAE).
La cimenterie en question a entamé l’étude de ce projet en 2008 et s’y est intégrée en 2011. Le mécanisme permet à une entreprise d’un pays du Nord d’investir dans des projets de développement propre dans les pays du Sud. En contrepartie, elle reçoit des crédits carbone lui permettant de compenser ses propres émissions de CO2. Les crédits carbone de type CER (Certified emission reduction) sont attribués par le bureau exécutif du MDP de la Convention-cadre des Nations-Unies sur les changements climatiques. Selon Ahmad Bahaeddine, « dans le cas de la cimenterie d’Assiout, les CER seront partagés entre la cimenterie et le Fonds de la protection de l’environnement dépendant de l’AEAE ».
Le projet de la cimenterie d’Assiout consiste à brûler dans les fours des déchets agricoles (pneus, bois, déchets industriels et déchets ménagers non recyclables), afin de réduire les quantités d’énergie fossile utilisées. « L’étude de faisabilité du projet indiquait au début que le projet n’était pas viable. S’il existe aujourd’hui, c’est grâce au MDP et aux crédits carbone », explique Hossam Tharwat, directeur de l’environnement et de la durabilité à la cimenterie d’Assiout (CEMEX).
Selon lui, CEMEX a commencé l’utilisation des déchets comme combustible en 2009 à un taux de 16,4 %. « Aujourd’hui, le taux de ce combustible s’élève à 20,3 %, et notre objectif est d’arriver à 50 %. Avec le taux actuel, les quantités de mazout utilisées comme combustible ont diminué de 1,4 million de tonnes sur 3 ans, évitant ainsi l’émission de 1,7 million de tonnes de CO2 pour la même période », continue Tharwat. L’objectif de CEMEX est de réduire ses émissions de CO2 de 400 000 tonnes par an.
La gestion des déchets est un calvaire depuis de nombreuses années pour l’Egypte. « Pour mettre un terme au problème des déchets, il faut investir des sommes importantes, et c’est ce que la cimenterie d’Assiout a fait », déclare Amin Khayal, responsable du département des déchets solides au sein de l’AEAE. Ainsi, utiliser les déchets comme combustible a, de fait, créé un marché. « Quand nous avons commencé notre projet en 2009, la paille de riz coûtait 70 L.E. la tonne. Aujourd’hui, elle est à 250 L.E. sans transport. Les cultivateurs ont bien compris que ces déchets servaient maintenant de combustible aux cimenteries, c’est pourquoi ils ont augmenté les prix », souligne Tharwat.
Préparation des déchets
Les pneus sont broyés pour faciliter leur injection dans les fours.
Le point le plus important et qui a nécessité des équipements est la préparation des déchets avant de les mettre aux fours. « Il a fallu acheter différentes unités de broyage pour les pneus, le bois et les déchets agricoles, afin de faciliter leur injection au brûleur du four à ciment », explique Tharwat. Aujourd’hui, ces unités de broyage sont fabriquées en Egypte dans les ateliers au sein de CEMEX.
Une fois découpés, les différents déchets solides sont brûlés dans les fours à une température de 1 600°C, ce qui évite la génération de déchets ultimes comme les cendres. « Un tel projet représente une solution durable pour l’élimination des déchets solides, on évite ainsi la création de décharges », commente Amin Khayal.
A noter qu’en Egypte, il existe 16 cimenteries produisant 45 millions de tonnes de ciment par an. Une dizaine de cimenteries ont obtenu des autorisations sans être encore actives, mais à terme, elles produiront ensemble 90 millions de tonnes de ciment par an. « La production de ciment demande énormément d’énergie. Les énergies fossiles deviennent de moins en moins abondantes, de plus en plus chères, et avant tout, épuisables. L’Etat subventionne le mazout. Il y a quelques années, les cimenteries achetaient la tonne à 1 000 L.E. Maintenant, elle coûte 1 500 L.E. Et une fois les subventions supprimées, le mazout coûtera 4 000 L.E. la tonne », explique Hossam Tharwat, pour indiquer l’importance de trouver un combustible alternatif le plus tôt possible.
Le mazout utilisé par les cimenteries dégage du dioxyde et du monoxyde de carbone, des oxydes de soufre, oxydes de nitrogène et de fines particules qui restent en suspension. Remplacer une partie du combustible fossile par un combustible alternatif réduira donc les émissions nocives. Ainsi, l’empreinte carbone de CEMEX était avant le projet de 900 Kg de CO2 par tonne de ciment produit. Aujourd’hui, elle est de 787 kg de CO2 pour la même quantité. « On ne s’est pas contenté de changer de combustible pour éliminer les polluants. Nous avons également modifié le système de filtrage, ce qui a fait passer le taux de particules de 250 mg/m3 en 2000 à 5 mg/m3 en 2011 », ajoute Tharwat.
Il est également à noter que CEMEX a cultivé une forêt d’arbres sur 1 200 feddans (504 ha), entièrement irriguée par l’eau traitée du drainage industriel. « Cette forêt artificielle de 600 000 arbres fournira 10 % de nos combustibles alternatifs », affirme encore Hossam Tharwat.
En somme, il s’agit là d’une préparation en douceur à un monde où les énergies fossiles diminuent face à un volume de déchets qui augmente .
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