Les touristes renonceront-ils à venir en Egypte ?
Après une légère reprise du tourisme en provenance d’Europe vers l’Egypte ces trois derniers mois, les attentats terroristes en France risquent-ils de décourager les Européens de venir en Egypte ? Adel Zaki, président du comité du tourisme externe à la Chambre du tourisme, assure que ces attaques auront un impact négatif sur le tourisme dans les pays arabo-musulmans.
« L’islamophobie croissante en Occident risque de porter un nouveau coup au tourisme en Egypte. Déjà, le touriste réfléchit deux fois avant de visiter l’Egypte à cause des dernières années d’instabilité. Et voilà une raison supplémentaire pour le touriste de réfléchir à son départ », explique Adel Zaki. Il ajoute que la peur chez les touristes en Europe est alimentée tant par les médias qui amplifient les choses que par le manque d’informations correctes sur l’islam et les peuples musulmans qui condamnent ces crimes inhumains. Adel Zaki a lancé l’initiative d’organiser une visite à Paris du grand cheikh d’Al-Azhar et de ses consultants afin de clarifier la vérité de l’islam et ses préceptes qui sont contre toute violence. Cette grande figure de l’islam modéré sera bien accueillie en France d’autant plus que le cheikh d’Al-Azhar a passé sa thèse de doctorat à l’Université de la Sorbonne. Amir Fleifal, expert du tourisme, partage le même point de vue. Il estime, lui aussi, que cet attentat affectera le flux touristique venant de l’Europe, notamment de la France. « A partir de 2012 et de l’accession des islamistes au pouvoir, aussi bien dans les pays du Printemps arabe qu’en Afrique, les touristes ont renoncé aux destinations des pays musulmans, surtout après l’intervention au Mali et l’enlèvement d’une famille française au Cameroun à la frontière du Nigeria ». Il ajoute que, selon un sondage réalisé par le portail Easy voyage, qui compare les offres des tour-opérateurs en 2013, le Printemps arabe a découragé beaucoup de personnes souhaitant voyager dans des pays de confession musulmane. 51% des Français boycottent le Maroc, la Tunisie, l’Egypte, Israël, les Maldives, les Emirats arabes unis, Oman et la Jordanie à cause du contexte politique post-Printemps arabe.
Selon lui, lorsque les touristes fuient les pays musulmans, ce sont les populations dont le revenu dépend essentiellement du tourisme qui sont les plus touchées par le chômage et la pauvreté. Une atmosphère idéale pour les extrémistes de séduire ces jeunes frustrés par la misère. « Le tourisme doit avoir un rôle social autant qu’économique. C’est un outil efficace du dialogue des cultures, puisqu’il rapproche les gens de différentescultureset de différentes religions et facilite l’interaction entre eux », explique Fleifal.
Pour sa part, Ihab Moussa, guide touristique, estime que ces attentats ne devraient pas affecter le mouvement du tourisme en Egypte, puisque toute la région autour de nous est sous tension, que ce soit la Palestine, la Syrie ou l’Iraq. L’Egypte gagne davantage avec sa stabilité politique, voire sécuritaire. Ellese pose de plus en plus comme une destination sûre dans la région. D’après lui, les gens sont de plus en plus sensibilisés en Europe et savent bien que le terrorisme est l'acte d’extrémistes et de djihadistes qui n’ont rien à voir avec les musulmans. « En outre, le discours politique autant que religieux modéré en Egypte et les voyages du président Abdel-Fattah Al-Sissi à l’étranger ont beaucoup amélioré l’image de l’Egypte, ce qui aura sans doute un impact positif sur le mouvement du tourisme en provenance d’Europe », conclut Moussa. L’avenir nous dira si ces attentats affecteront vraiment l’activité touristique en Egypte.
Les Français reviendront-ils en Egypte ?
En dépit des attentats de Charlie Hebdo et du choc provoqué au sein de la population française, le ministre égyptien du Tourisme, Hicham Zaazoue, assure que la grande réunion du Syndicat National des Agences de Voyages (SNAV) prévue au début du mois de février prochain à Louqsor est maintenue. Cette réunion est une réponse à l’invitation faite aux agences de voyage françaises d’organiser des voyages en Egypte par le président Abdel-Fattah Al-Sissi, lors de sa visite en France. Il avait invité les professionnels français à poursuivre leur coopération avec leurs partenaires égyptiens pour surmonter les difficultés actuelles et favoriser la reprise du tourisme. Le marché touristique français est l’un des marchés qui a été le plus profondément touché par la crise politique et le manque de stabilité à la suite de la révolution de 25 janvier. « Malgré l’intérêt des Français pour l’Egypte, en 2013, seulement 190000 Français se sont rendus en Egypte, contre 700000 en 2010, une année qui avait été marquée par l’éruption d’un volcan islandais. L’année 2014 aussi n’a pas non plus été au niveau de nos attentes », se lamente Nagwa Al-Raheb, tour-opérateur travaillant sur le marché français. Pourtant, elle assure que ce détournement des touristes français n’est pas uniquement lié à l’Egypte, mais le flux touristique sortant de France a lui-même diminué. Les Français font de moins en moins de tourisme, et s’ils le font, c’est à l’intérieur de la France ou en Europe, à cause de la conjoncture économique dont souffre la France depuis 2008. Pour sa part, Nahed Rizq, directrice de l’Office de tourisme égyptien à Paris, explique que les responsables français ont souligné, lors de leur réunion avec le président, les points essentiels à améliorer, comme l’assouplissement des conseils de voyage du ministère français des Affaires étrangères sur certaines destinations en Egypte, en particulier la bande côtière au Sud du Sinaï, facilitant ainsi la reprise des programmes vers cette zone pour les tour-opérateurs français. Les voyagistes français ont également souligné la nécessité de travailler à augmenter les liaisons aériennes directes entre les régions françaises et les différentes destinations touristiques égyptiennes. Les professionnels du tourisme ont aussi mis en avant des idées innovatrices pour la communication et la commercialisation du produit touristique égyptien et ont évoqué la nécessité de transmettre, à travers les médias français, la réalité de la situation en Egypte, connue pour son accueil chaleureux. « Ainsi, on a consacré un budget de 2 millions d’euros en 2015 pour la promotion du tourisme égyptien auprès des Français », assure Nahed Rizq.
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