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Pétrole: Les producteurs plombés par la chute des prix

Altin Lazaj (RFI), Lundi, 05 janvier 2015

Les pays producteurs de pétrole survivront mal à la baisse des prix du pétrole, mais chacun de façon différente. Si l’Arabie saoudite ne réduira pas ses dépenses publiques, l’Algérie aura recours à l’austérité.

Pétrole : Les producteurs plombés par la chute des prix
L'Arabie saoudite utilisera ses réserves en devises pour soutenir les dépenses publiques (Photo:Reuters)

L’année 2014 aura été marquée par la chute des cours de pétrole. Depuis le mois de juin, le baril a perdu près de 50% de sa valeur. Un plongeon dû essentiellement à un déséquilibre entre l’offre et la demande mondiales. Ce déséquilibre commence maintenant à poser de sérieux problèmes aux pays exportateurs. Renforcement du dollar, offre abondante face à une consommation mitigée sur fond de ralentissement économique... depuis le début de l’été les cours de l’or noir n’en finissent pas de baisser. Personne ne peut prédire la fin de cette chute. L’offre excédentaire est due à l’explosion de la production de pétrole de schiste en Amérique du Nord, et au retour sur le marché de la Libye et de l’Iraq. Et, parallèlement, les pays de l’Opep continuent de produire et même plus que l’an passé. Cette baisse du cours du pétrole n’est pas sans conséquence.

Dans le paysage pétrolier, tous les pays ne sont pas logés à la même enseigne. Le Nigeria par exemple, un des deux poids lourds de la production de pétrole en Afrique sub-saharienne, est très affecté. Pareil pour l’Algérie, où 60% du budget de l’Etat est alimenté par la fiscalité pétrolière. L’effondrement du prix du pétrole a contraint le gouvernement à adopter un premier train de mesures d’austérité, comme le gel du recrutement de fonctionnaires. Les conséquences sont tout aussi dramatiques pour le Venezuela. Le pays a restreint ses importations courantes qu’il paie grâce aux recettes pétrolières afin de pouvoir honorer les remboursements de sa dette. Et si la baisse continue, Caracas pourrait se trouver en défaut de paiement.

Les monarchies du Golfe dans la tourmente

Et puis, il y a les pays qui sont moins affectés, comme ceux du Golfe qui ont accumulé énormément de réserves en devises grâce aux recettes pétrolières. L’Arabie saoudite par exemple prévoit de maintenir un rythme élevé de dépenses pour les projets de développement grâce à ses réserves estimées à 750 milliards de dollars. Mais si cette situation perdure et si le baril passe en dessous des 50 dollars, même les pays du Golfe vont connaître des difficultés. En effet, leurs économies ne sont pas assez diversifiées. Aux prix actuels, les monarchies du Golfe devraient perdre la moitié de leurs pétrodollars, soit 350 milliards de dollars par an. Cette baisse du prix du pétrole a déjà fait aussi chuter les Bourses des pays du Golfe. Depuis septembre, 190 milliards de capitalisation boursière sont partis en fumée. Plus inquiétant, les conséquences sur l’activité du secteur pétrolier: les majors du secteur ont réduit la voilure en gelant leurs investissements (moins 20% à la fin du mois de septembre). Et les emplois sont aujourd’hui menacés. Cette baisse du prix du pétrole ne fait que des perdants. Le portefeuille des ménages en profite. Les prix des carburants vendus en France ont encore battu des records à la baisse. Le litre de gasoil avoisine 1 euro dans certaines stations de service de supermarchés.

Fardeau sur les finances algériennes

L’Algérie, pourtant membre de l’Opep, critique la décision de l’organisation de ne pas agir pour faire remonter les cours du pétrole. L’intransigeance des monarchies pétrolières du Golfe coûte cher à un pays comme l’Algérie. Le ministre algérien de l’Energie estime que l’Organisation des Pays Producteurs de Pétrole (Opep) doit réduire sa production pour faire remonter le prix du baril qui est passé de 115 à 55 dollars en six mois. Après les critiques de l’Iran, c’est cette fois à l’Algérie de se désolidariser du cartel des producteurs de pétrole, dont la décision de ne rien faire pour redresser les cours pèse sur ses finances. En Algérie, le pétrole contribue pour 60% aux recettes budgétaires. Ce pays très peuplé a dû adopter un premier train de mesures d’austérité. L’Arabie saoudite a réaffirmé sa volonté de ne pas ouvrir les vannes, même si le baril tombait à 20 dollars afin de ne pas perdre de parts de marché au bénéfice de la Russie, du Brésil ou du pétrole de schiste américain. L’impact de la chute des cours est sévère pour les monarchies du Golfe. Mais c’est bien pire pour les pays producteurs les plus fragiles comme le Venezuela, l’Iran, le Nigeria et l’Algérie, membres de l’Opep, ou la Russie qui n’appartient pas à l’organisation.

Arabie saoudite : Prévision de déficit historique

L’Arabie saoudite, premier exportateur mondial de pétrole, prévoit un déficit important de son budget annuel à cause de l’effondrement des cours.

L’Arabie saoudite prévoit un déficit historique de 38,6 milliards de dollars en 2015. C’est à la fois le plus important jamais estimé par l’Arabie saoudite et le premier depuis 2011. Lors d’un conseil extraordinaire, le gouvernement a cependant prévu un budget en hausse, malgré une baisse prévisible des recettes: quelque 37 milliards de dollars par rapport aux prévisions budgétaires de 2014. Ce recul s’explique par la chute des cours du pétrole, dont le baril a perdu la moitié de sa valeur depuis juin. Il y a eu en effet une surabondance de pétrole, avec en parallèle un ralentissement de la demande mondiale à cause d’une croissance internationale faible et d’un dollar fort. Si le prix du pétrole, 60 dollars pour le baril de brent, ne remonte pas, le Royaume, qui tire 90% de ses revenus de « l’or noir », risque de perdre la moitié de cette manne. En 2013, elle s’élevait à 276 milliards de dollars. Malgré cela, le gouvernement n’a pas l’intention de ralentir le rythme des dépenses publiques. Il peut compter sur les réserves en devises du pays en cas de vaches maigres: 750 milliards de dollars .

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