« L’équitation est en train de devenir une industrie conséquente. Elle attire davantage des capitaux et ouvre des horizons aux investisseurs. Ce sport a réussi à devenir un véritable marché et génère beaucoup d’emplois. C’est un business fructueux », se réjouit Mohamad Omar, 16 ans.
Depuis l’âge de 9 ans, ce jeune garçon monte à cheval comme cavalier amateur, découvrant au fil des ans les coulisses de ce monde qui a bouleversé sa vie. Mohamad donne la plus grande partie de son temps et de son argent à son cheval Oliver. Il s’assure qu’il a bien mangé, qu’il n’est pas malade et l’entoure de toute son affection. « Oliver est un membre de la famille. Il absorbe presque tout mon budget : environ 1 000 L.E. par mois », dit-il avec humour. Pour pouvoir payer tous les frais qu’engendre son cheval, il a dû sacrifier ses vacances d’été, afin de travailler pour gagner quelques sous.
Avec l’argent qu’il a gagné, il espère pouvoir ouvrir un commerce de tenues d’équitation. Mohamad tente également de convaincre son père, ingénieur, de devenir son associé. A l’entendre, le marché est prometteur. Si ce sport est toujours réservé aux plus riches, une partie de la classe moyenne commence à s’y intéresser.
Les pur-sang arabes participent aux concours de beauté.
(Photo:Ayman Ibrahim)
L’équitation a toujours fait partie de l’histoire arabe. Le calife Omar Ibn Al-Khattab conseillait aux familles d’apprendre à leurs enfants la natation, le tir et l’équitation. Mais l’équitation en tant que sport date du temps de Mohamad Ali. A l’époque, lui et son fils, Ibrahim Pacha, avaient gagné la guerre contre les Wahhabites. Pour la première fois, ils ramènent des pur-sang arabes. Ce sport fut ensuite parrainé par la monarchie égyptienne et les nobles.
30 clubs en Egypte
Aujourd’hui, avec une trentaine de clubs qui font apprendre l’équitation, le marché prospère, surtout dans les grandes villes comme Le Caire, Alexandrie et Charqiya. Mais c’est à Guiza, au quartier des Pyramides, que l’on trouve le plus de centres équestres.
« Bien que ce sport soit individuel, derrière le duo cheval-cavalier, c’est tout un corps de métiers qui répond à des exigences particulières », explique Yasser Assar, directeur de l’équitation au club de l’Armée et de l’Organisme du Canal de Suez. Il est aussi l’entraîneur de pentathlon de la sélection égyptienne.
Ahmad Hazim, un cavalier de 22 ans, est du même avis. Si l’équitation est un sport cher, il est aussi une plateforme d’échange entre toutes les couches sociales. « Outre les métiers tels qu’entraîneur ou jockey, on retrouve des hommes d’affaires faisant le commerce de chevaux, des vétérinaires équins dont le prix de la consultation dépasse les 250 L.E., en passant par le garçon d’écurie, le maréchal-ferrant, le sellier ... », dit-il. Pour Ahmad, c’est tout un monde de différents horizons qui se retrouve autour du cheval.
Dib, un garçon d’écurie, est ce soldat inconnu qui travaille à l’ombre. Au premier abord, on a l’impression d’avoir affaire à une nounou. Il nourrit le cheval, le panse, fait les box, le soigne ... C’est de lui que dépend le bon état physique et moral du cheval. « C’est la raison pour laquelle la fédération offre une prime aux garçons d’écurie dont les chevaux ont gagné une compétition. Cette tradition existe ailleurs dans le monde », explique Dib. Il a conclu un marché avec le cavalier qui va monter au cheval dont il prend soin : en cas de victoire, ils se partageront l’argent.
(Photo:Nour Keraidy)
Dans un club huppé du Caire, Am Chéhta est en train de tondre un poney. Cette tâche lui prend plus d’une heure. Le prix est fixé à 50 L.E. par cheval. Il peut tondre une dizaine de chevaux par jour. « Cette tâche nécessite beaucoup de patience, et surtout de l’expérience, car il arrive que le cheval soit nerveux. Certains chevaux ont peur de la tondeuse, et il faut donc éviter les coups de pied ».
La liste des métiers liés est longue et varie en partie selon l’objectif du sport et les différentes races. « Le pur-sang arabe participe principalement aux concours de beauté et fait des courses. L’Egypte est le pays le plus réputé du Moyen-Orient. L’écurie d’Al-Zahraä à Aïn-Chams possède des pur-sang arabes depuis l’époque de Mohamad Ali. D’autres chevaux participent à des compétitions de dressage ou de sauts d’obstacles. Ceux-là proviennent d’Europe, surtout des Pays-Bas et de la Belgique. Les chevaux de polo en Egypte sont importés d’Argentine », explique Yaser Assar.
6 000 euros : un bon cheval
Les acheteurs retiennent d’abord certains critères en fonction de l’utilisation du cheval : allure, docilité, victoires remportées ... Ahmad, 16 ans, a acheté sa jument à 6 000 euros. Elle a remporté une des premières places à la compétition du derby et à la Coupe d’Egypte. Du coup, son prix est aujourd’hui de 15 000 euros.
Pourtant, Ahmad n’a pas voulu vendre sa jument. « Quand j’avais ramené cette jument, personne ne pensait qu’elle allait réaliser des exploits. J’ai déployé de grands efforts pour atteindre cet objectif. Quatre ans de dur labeur pour arriver à ce résultat », dit-il.
Et dans ce monde où les prix peuvent s’envoler, les courtiers ne sont jamais loin. « Le courtier, qui sert d’intermédiaire entre le client et le commerçant, touche une commission de 10 % », précise Ahmad Hazim. Il poursuit que chaque cheval a son caractère, le client devant choisir selon son utilisation : un cheval calme bien dressé convient aux débutants, un autre plus indulgent pardonnera les erreurs de son cavalier, un troisième nerveux servira aux concours ... « L’essentiel c’est la bonne entente entre le cheval et le cavalier », résume Hazim.
Dans la carrière d’équitation du club, on a l’impression d’assister à un cours particulier. Il s’agit de débourrer un trooper, un petit cheval qui n’a pas encore été monté, selon le jargon du sport. Il faut que Mahmoud le prépare pour le saut d’obstacle. « On entraîne les chevaux débutants comme on le ferait pour les cavaliers. Cet effort a un prix : 1 500 L.E. par mois », explique Salah, qui possède trois chevaux entraînés qu’il loue pour une somme de 4 500 L.E. par mois.
« C'est un monde d'horizons différents qui se retrouve autour du cheval », confie Ahmad Hazim, chevalier de 22 ans.
Pour le cavalier, les tarifs peuvent être encore plus élevés. « Certains professeurs sont payés 800 L.E. l’heure », confie un cavalier qui a requis l’anonymat. Et ce n’est pas tout.
Les tenues d’équitation ont aussi donné naissance à un véritable marché. A chaque compétition, les commerçants plantent leurs parasols et étalent leurs articles : une variété de t-shirts, bottes et pantalons sont exposés. Les clients marchandent avec Saïd, le vendeur. Mais Saïd ne baisse pas ses prix. « Les vendeurs de tenues d’équitation savent que ces articles sont rares, et donc multiplient les prix par 3 », confie Nour, qui a acheté un pantalon importé de France à 500 L.E. En France il coûte 20 euros, soit 200 L.E.
Mais le marché semble s’élargir. D’après Yasser Assar, s’il ne touche aujourd’hui que les 2 % les plus riches de la population, la fédération essaye d’attirer la classe moyenne en organisant des compétitions avec des moyens qui cadrent avec les aptitudes des chevaux égyptiens, dont les prix sont moins élevés.
Mais cette situation demande une intervention de sponsors, pour absorber certains coûts. Le Qatar a récemment acheté un cheval à 1,5 million d’euros pour les Jeux olympiques .
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