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Au coeur du bouillonnement politique estudiantin

Ola Hamdi, Mardi, 01 octobre 2013

Une semaine après la rentrée, le campus universitaire témoigne de heurts entre partisans et opposants du président destitué Mohamad Morsi. Reportage à l’Université du Caire.

au coeur
Les étudiants de Dar Al-Oloum sont accueillis par des banderoles frappées à l’effigie des étudiants tués. (Photo : Ola Hamdi)

La rentrée universitaire, le 21 septembre, a été mar­quée par des violences au sein des campus, opposant les partisans et les opposants du pré­sident destitué Mohamad Morsi. La violence a atteint son paroxysme dimanche dernier, notamment dans les deux plus grandes universités de la capitale. L’atmosphère était déjà tendue avec une décision du minis­tère de la Justice, permettant aux personnels de la sécurité civile des universités de procéder à des arresta­tions parmi les étudiants incitant à la violence. Une mesure dont la mise en application a été par la suite laissée au président de chaque université.

Lundi, l’atmosphère était calme à l’Université du Caire, au lendemain d’une manifestation hostile à l’armée. Ce jour-là, une centaine d’étudiants ont défilé jusqu’à la place Al-Nahda, tout près du campus où les partisans de Morsi ont été dispersés le 14 août dans la violence. Comme une bonne partie des islamistes, ces étudiants accusent l’armée d’avoir procédé à un coup d’Etat contre le président issu de la confrérie des Frères musul­mans, avant d’opprimer dans le sang ses partisans.

Lundi, à l’entrée de l’université, aucune mesure de sécurité n’est per­ceptible. Alors que des caméras de surveillance, une nouveauté sur le campus, sont implantées un peu par­tout, aussi bien dans les salles de conférence que dans les arbres des jardins.

Contrairement à d’autres facultés où la vie semble reprendre son cours normal, la faculté Dar Al-Oloum, dont la majorité des étudiants sont d’obédience islamiste, ressemble plu­tôt à un bastion de l’opposition. Les étudiants sont accueillis par des ban­deroles frappées à l’effigie des étu­diants tués dans les manifestations, alors que les murs regorgent de slo­gans dénonçant le « coup militaire » et promettant le « retour de Morsi ».

Mohamad Gaafar, un étudiant de 2e année, est indigné par l’interdiction par l’administration « qui soutient le coup militaire » d’afficher à l’inté­rieur de la faculté les photos de leurs camarades tués ou détenus dans la foulée des manifestations pro-Morsi. Une décision qui ne les a pas décou­ragés, puisqu’ils ont déplacé leur protestation dans les jardins du cam­pus. « Il n’y a que les Frères musul­mans qui s’opposent au renversement du président Morsi. Il faut apprendre à respecter la liberté d’opinion », dit Gaafar, qui a l’impression que les étudiants de sa faculté sont particuliè­rement visés par la licence d’arresta­tion accordée à la sécurité. « Nous allons retrouver ces jours sombres où on venait nous chercher jusqu’au dans les salles de cours », craint-il.

Craintes renforcées

Même s’ils ne rencontrent pas beaucoup de sympathie au niveau de leurs positions, et malgré les bagarres qui ont lieu entre les étu­diants pro et anti-Morsi, les isla­mistes ne sont pas les seuls à craindre un retour au régime poli­cier prérévolutionnaire. Amr Achraf, président de l’Union des étudiants à la faculté des sciences politiques et économiques, reconnaît le droit de ses camarades islamistes à exprimer « sans violence » leur point de vue. Il partage les mêmes craintes relati­vement à la possibilité d’arrêter les étudiants par la sécurité du campus. Ces craintes sont renforcées par l’installation des caméras de sur­veillance qu’il voit pour la première fois. « Les étudiants de toutes les facultés sont unis contre toute tenta­tive de renouer avec l’oppression au nom de la sécurité et de la stabili­té », promet-il sur un ton confiant. Il dit être soutenu par un nombre de professeurs connus pour leur défense des libertés et des activités politiques au sein de l’université.

Mais le microcosme universitaire illustre le même dilemme que la société égyptienne. Face au danger des dérapages, on est souvent amené à accepter les dérapages de la sécu­rité. Ainsi, Rami Abdel-Hadi, de la 2e année à la faculté de commerce, estime que le droit d’arrêter les étu­diants contrevenants est « néces­saire pour assurer la sécurité ».

« Les professeurs se sont réunis avec le président de l’Université, Gaber Nassar, au début de l’année académique pour protester contre l’arrestation des étudiants par la sécurité. Le professeur Nassar s’en est remis à l’avis de la majorité qui a refusé cette décision », raconte Abir Mohamad Abdel-Hafez, pro­fesseur à la faculté de lettres de l’Université du Caire et membre du mouvement du 9 Mars, mouvement défendant les libertés universitaires. Selon elle, la suspension du droit d’arrestation ne signifie pas l’ab­sence de sécurité. Abir Abdel-Hafez souhaite voir un personnel de sécu­rité professionnel qui assume sa responsabilité en conformité avec la loi et le respect des droits de l’homme. A condition que cette sécurité soit civile, « parce que la police n’a pas sa place au sein du campus », conclut-elle.

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