Les étudiants de Dar Al-Oloum sont accueillis par des banderoles frappées à l’effigie des étudiants tués.
(Photo : Ola Hamdi)
La rentrée universitaire, le 21 septembre, a été marquée par des violences au sein des campus, opposant les partisans et les opposants du président destitué Mohamad Morsi. La violence a atteint son paroxysme dimanche dernier, notamment dans les deux plus grandes universités de la capitale. L’atmosphère était déjà tendue avec une décision du ministère de la Justice, permettant aux personnels de la sécurité civile des universités de procéder à des arrestations parmi les étudiants incitant à la violence. Une mesure dont la mise en application a été par la suite laissée au président de chaque université.
Lundi, l’atmosphère était calme à l’Université du Caire, au lendemain d’une manifestation hostile à l’armée. Ce jour-là, une centaine d’étudiants ont défilé jusqu’à la place Al-Nahda, tout près du campus où les partisans de Morsi ont été dispersés le 14 août dans la violence. Comme une bonne partie des islamistes, ces étudiants accusent l’armée d’avoir procédé à un coup d’Etat contre le président issu de la confrérie des Frères musulmans, avant d’opprimer dans le sang ses partisans.
Lundi, à l’entrée de l’université, aucune mesure de sécurité n’est perceptible. Alors que des caméras de surveillance, une nouveauté sur le campus, sont implantées un peu partout, aussi bien dans les salles de conférence que dans les arbres des jardins.
Contrairement à d’autres facultés où la vie semble reprendre son cours normal, la faculté Dar Al-Oloum, dont la majorité des étudiants sont d’obédience islamiste, ressemble plutôt à un bastion de l’opposition. Les étudiants sont accueillis par des banderoles frappées à l’effigie des étudiants tués dans les manifestations, alors que les murs regorgent de slogans dénonçant le « coup militaire » et promettant le « retour de Morsi ».
Mohamad Gaafar, un étudiant de 2e année, est indigné par l’interdiction par l’administration « qui soutient le coup militaire » d’afficher à l’intérieur de la faculté les photos de leurs camarades tués ou détenus dans la foulée des manifestations pro-Morsi. Une décision qui ne les a pas découragés, puisqu’ils ont déplacé leur protestation dans les jardins du campus. « Il n’y a que les Frères musulmans qui s’opposent au renversement du président Morsi. Il faut apprendre à respecter la liberté d’opinion », dit Gaafar, qui a l’impression que les étudiants de sa faculté sont particulièrement visés par la licence d’arrestation accordée à la sécurité. « Nous allons retrouver ces jours sombres où on venait nous chercher jusqu’au dans les salles de cours », craint-il.
Craintes renforcées
Même s’ils ne rencontrent pas beaucoup de sympathie au niveau de leurs positions, et malgré les bagarres qui ont lieu entre les étudiants pro et anti-Morsi, les islamistes ne sont pas les seuls à craindre un retour au régime policier prérévolutionnaire. Amr Achraf, président de l’Union des étudiants à la faculté des sciences politiques et économiques, reconnaît le droit de ses camarades islamistes à exprimer « sans violence » leur point de vue. Il partage les mêmes craintes relativement à la possibilité d’arrêter les étudiants par la sécurité du campus. Ces craintes sont renforcées par l’installation des caméras de surveillance qu’il voit pour la première fois. « Les étudiants de toutes les facultés sont unis contre toute tentative de renouer avec l’oppression au nom de la sécurité et de la stabilité », promet-il sur un ton confiant. Il dit être soutenu par un nombre de professeurs connus pour leur défense des libertés et des activités politiques au sein de l’université.
Mais le microcosme universitaire illustre le même dilemme que la société égyptienne. Face au danger des dérapages, on est souvent amené à accepter les dérapages de la sécurité. Ainsi, Rami Abdel-Hadi, de la 2e année à la faculté de commerce, estime que le droit d’arrêter les étudiants contrevenants est « nécessaire pour assurer la sécurité ».
« Les professeurs se sont réunis avec le président de l’Université, Gaber Nassar, au début de l’année académique pour protester contre l’arrestation des étudiants par la sécurité. Le professeur Nassar s’en est remis à l’avis de la majorité qui a refusé cette décision », raconte Abir Mohamad Abdel-Hafez, professeur à la faculté de lettres de l’Université du Caire et membre du mouvement du 9 Mars, mouvement défendant les libertés universitaires. Selon elle, la suspension du droit d’arrestation ne signifie pas l’absence de sécurité. Abir Abdel-Hafez souhaite voir un personnel de sécurité professionnel qui assume sa responsabilité en conformité avec la loi et le respect des droits de l’homme. A condition que cette sécurité soit civile, « parce que la police n’a pas sa place au sein du campus », conclut-elle.
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