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La forêt pétrifiée, victime de pillage

Dalia Abdel-Salam, Mardi, 03 septembre 2013

La réserve de la forêt pétrifiée à Maadi au sud du Caire, qui contient des fossiles anciens d'une grande valeur scientifique, est utilisée illégalement comme carrière, où des promoteurs immobiliers viennent s'approvi­sionner en sable. La police fait la sourde oreille.

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Alors qu’il entrait la semaine der­nière sur le site de la forêt pétri­fiée, Mohamad Al-Hiwihi, res­ponsable au secteur de la protec­tion de la nature au ministère de l’Environne­ment, a eu la surprise de trouver un camion en train de charger du sable. Quand il a demandé au chauffeur ce qu’il faisait, celui-ci ne lui a pas répondu et est parti.

Au commissariat, les policiers se sont mon­trés peu coopératifs, mais huit d’entre eux ont fini par accepter de l’accompagner pour constater les faits. Les chauffeurs des camions étant souvent armés, la police a tiré des coups de fusils en l’air en entrant dans la réserve. Trois grands camions remplis de sable qui s’apprêtaient à sortir ont été arrêtés en fla­grant délit. Les coupables ont pour la plupart été interpellés, mais quelques ouvriers ont pu s’enfuir. Cette histoire est emblématique des infractions fréquemment commises sur le site. Seule carrière dans les environs de Maadi, la forêt pétrifiée, qui s’étend sur 7 km2, est ten­tante pour les promoteurs immobiliers peu scrupuleux, qui y voient une occasion pra­tique de se fournir en sable.

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Le sable volé est directement transféré sur les chantiers de construction. Un ingénieur, Achraf Wahbi, raconte par exemple qu’il a trouvé des pièces de bois pétrifiés dans le sable apporté par l’entreprise effectuant les travaux dans sa maison située au Nouveau Caire. « Dans le premier camion, les ouvriers ont trouvé des morceaux d’arbres pétrifiés qu’ils ont mis de côté, car, pour eux, ce sont des déchets qui sont venus se mélanger au sable », se souvient Achraf Wahbi. Il a deman­dé au gardien de les conserver afin de les uti­liser pour la décoration de son jardin. « Mon jardin compte aujourd’hui deux beaux tas de bois pétrifiés et un grand tronc », assure-t-il.

Les infractions ont commencé bien avant la révolution de 2011, mais leur nombre a aug­menté ces deux dernières années, en raison du vide sécuritaire.

Les responsables de la forêt pétrifiée se plaignent du manque de bonne volonté de la part de la police. « On a l’impression qu’elle ne veut pas nous aider », déplore Mohamad Talaat, président du secteur de la protection de la nature au ministère. « A chaque fois que nous découvrons des infractions, nous essayons d’intenter des procès-verbaux, mais la police n’est pas du tout coopérative et nous met même parfois des bâtons dans les roues. Nous devons à chaque fois insister pour prou­ver les faits et inciter la police à accepter notre plainte », ajoute Talaat.

La forêt pétrifiée est âgée de 35 millions d’années, ce qui fait d’elle un élément rare du patrimoine naturel, culturel, scientifique et touristique. Appelée également « Mont du bois » dans certains articles scientifiques, elle présente un intérêt inestimable pour les scien­tifiques et les chercheurs en égyptologie et en histoire de la Terre. Si les vols de sable se poursuivent, s’alarme Mohamad Al-Hiwihi, « le site perdra son importance peu à peu ». Il est temps d’agir .

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