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Vie décente : Le renouveau du monde rural

Aliaa Al-Korachi, Mardi, 27 juillet 2021

Remodeler la carte de l’Egypte, redistribuer la population et les potentialités économiques sur l’ensemble du pays : telle est la philosophie du projet national Hayah Karima « Vie décente » pour le développement rural. Explications.

Vie décente : Le renouveau du monde rural

Un plan marshall égyptien pour la reconquête de la campagne. De l’idée à la réalité, « Hayah Karima » (vie décente), cette initiative présidentielle lancée en janvier 2019, s’est transformée aujourd’hui en un « projet national » de développement rural intégré. C’est ce que vient d’affirmer le président Abdel-Fattah Al-Sissi lors de son allocution à l’occasion du lancement de la première Conférence du projet national « Vie décente », tenue le 15 juillet au Stade international du Caire en présence de milliers de citoyens représentant tous les gouvernorats de la République. Financé à 100 % par des fonds égyptiens, ce projet est de grande envergure. Il vise à améliorer en trois ans le niveau de vie, les infrastructures et les services de base de plus de 4 000 villages couvrant 58 % de la population avec des investissements qui dépassent les 700 milliards de L.E. « Les grands projets nationaux sont un symbole qui exprime la volonté des Egyptiens. J’annonce aujourd’hui le lancement du projet national Hayah Karima. Ce projet ambitieux marque l’inauguration de la nouvelle République égyptienne qui est fortement basée sur le concept d’un Etat civil démocratique moderne possédant toutes les capacités globales : militaire, économique, politique et sociale », a déclaré le président.

Comment l’idée a-t-elle évolué ? En fait, la première phase a été lancée en janvier 2019, avec pour objectif de couvrir 375 villages à travers l’Egypte. Deux ans après, ce projet gagne du terrain. En janvier 2021, le coup d’envoi de la deuxième phase a été donné, ciblant 4 584 villages et couvrant une population estimée à 50 millions de citoyens. En fait, l’initiative repose sur 4 axes, à savoir améliorer le niveau de vie et investir dans le capital humain, développer les services d’infrastructures et offrir aux villages les plus pauvres un accès accru aux services de base tels que la santé, l’éducation, l’eau et l’assainissement. Selon plusieurs institutions internationales, l’initiative égyptienne « Vie décente » répond aux objectifs du développement durable. C’est pourquoi en février dernier, les Nations-Unies ont classé cette initiative comme « l’une des meilleures pratiques » pour mettre en oeuvre des programmes de développement durable dans le monde. Selon l’Onu, l’initiative vient comme « une affirmation de la volonté de l’Etat de mettre en oeuvre l’approche de planification participative en intégrant les citoyens dans la phase d’identification des besoins, ainsi que la participation du gouvernement et de la société civile dans le processus de mise en oeuvre et de suivi ».

Le projet du XXIe siècle

« Remodeler la carte de l’Egypte, redistribuer la population et les potentialités économiques sur l’ensemble du pays », telle est la philosophie du projet comme l’a expliqué Moustapha Madbouli lors de la conférence. « Vie décente est le projet du XXIe siècle en Egypte et est l’icône de la nouvelle République », a ajouté Madbouli, avant d’évoquer les différents projets qui ont marqué les siècles précédents en Egypte : Le creusement du Canal de Suez est nommé le projet du XIXe siècle, alors que la construction du Haut-Barrage est celui du XXe siècle. Au cours des sept dernières années, l’Etat égyptien a mis en oeuvre de nombreux projets dont le coût a dépassé les 6 000 milliards de L.E., projets qui « ont permis aujourd’hui à l’Egypte de lancer le projet de développement de la campagne égyptienne, le plus grand au monde à l’ère moderne fait par une main-d’oeuvre, des compagnies et des matières à 100 % égyptiennes », a expliqué Madbouli. Le travail va dans le bon chemin. C’est ce qu’a indiqué un rapport publié par le ministère de la Planification qui dévoile que la première phase de « Vie décente », lancée en janvier 2019, a contribué à une réduction de 11 % des taux de pauvreté dans certains villages, à la disponibilité de 50 % des services de base et à l’allègement des répercussions du coronavirus sur la vie de 4,5 millions de citoyens.

Pourquoi maintenant ?

« Combler les écarts de développement entre zones rurales et urbaines figure également parmi les objectifs de ce projet », explique Shady Mohsen, expert au Centre égyptien de la pensée et des études stratégiques (ECSS). Selon l’Agence centrale pour la mobilisation publique et les statistiques (Capmas), 75 % des villages souffrent d’un manque des services de base tels que les réseaux d’eau potable et d’égout, le gaz naturel et l’électricité, les écoles et les hôpitaux. Alors que 93 % des villages souffrent d’une urbanisation non planifiée et dont les logements ne répondent pas aux exigences de la santé publique. La civilisation égyptienne est une civilisation agricole. La terre et l’agriculteur sont la source de la richesse. Pourtant, l’excédent du processus de développement était destiné à améliorer la qualité de vie dans la capitale et les grandes villes, au moment où la campagne égyptienne était pour de longues décennies marginalisée et loin des projecteurs sauf aux saisons électorales. Autrement dit, tout effort pour fournir des services pour les communautés rurales n’était pas soumis à un plan gouvernemental au vrai sens du terme, mais il s’inscrivait plutôt dans le cadre des cadeaux électoraux. « Ce qui a mené avec le temps à une détérioration flagrante du niveau de vie et des infrastructures essentielles dans les milieux ruraux », souligne Shady Mohsen.

Un nouveau contrat social

Le développement passe par la campagne. Il est désormais temps de passer de la théorie à la pratique. La première Conférence de « Hayah Karima » intervient dans le contexte de l’adoption d’une nouvelle stratégie nommée « la nouvelle République ». Celle-ci nécessite l’élaboration d’un « nouveau contrat social ». Or, le lancement de cette initiative représente « une tentative de formuler un nouveau contrat social entre l’administration actuelle et le peuple. Celui-ci est basé sur un principe très important : Le rôle de l’Etat sera toujours présent et fort pour assurer un développement rural intégré ». Quels sont donc les enjeux ? Le premier défi, selon Shady Mohsen, est en premier lieu un défi culturel. Il concerne l’engagement et la participation du citoyen lui-même et son interaction avec l’initiative. Par ailleurs, les organisations de la société civile doivent resserrer les rangs et jouer un rôle actif pour sensibiliser les habitants du milieu rural à l’importance d’une telle initiative pour leur futur. Le secteur privé, pour sa part, doit établir un partenariat sérieux avec le gouvernement pour assurer la qualité des infrastructures et des services de base fournis pour la population rurale afin que ce projet réussisse.

Vers une nouvelle ruralité ? Le projet « Vie décente » sera, s’il est bien mis en oeuvre, « une réalisation sans précédent », a déclaré le président. « Il faut changer le mode de vie des habitants des villages », a insisté le président avant de demander d’organiser un concours pour le meilleur chef-lieu et le meilleur gouvernorat. « Il faut que la récompense soit importante », a conclu le président.

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