Un vendredi de folie est attendu cette semaine, où tous les chemins mèneront au shopping, puisque l’Egypte surfe aussi sur cette tendance mondiale qui promet de bonnes affaires pour les clients, mais surtout pour les commerçants. Le phénomène américain du « Black Friday » (littéralement, le vendredi noir) a débarqué en Egypte depuis quelques années déjà. Sur Internet ou sur les devantures de magasins, de nombreuses affiches ne cessent d’annoncer un « Vendredi Blanc », comme préfèrent le nommer les Egyptiens. Traditionnellement organisé au lendemain de Thanksgiving, fête célébrée le dernier jeudi de novembre aux Etats-Unis et marquant le début des achats des fêtes de fin d’année en Amérique du Nord, le Black Friday s’est diffusé partout dans le monde. Mais pourquoi l’appelle-t-on « black » ? Ce qualificatif provient du phénomène même, où l’on attribuait la couleur noire pour décrire les nombreux clients, piétons et voitures qui se rendent aux magasins et profitent des soldes. Ne dit-on pas souvent: « les rues sont noires de monde » ? D’autres expliquent que ce qualificatif de noir attribué au jour fait référence à une opération purement comptable et plus ou moins anecdotique. On raconte alors qu’à une certaine époque, exactement en 1960, lorsque la comptabilité était tenue à la main, les comptes étaient écrits en rouge lorsqu’ils étaient déficitaires, à l’exception de ce fameux jour de vendredi, où les achats d’une seule journée permettraient de sortir du rouge, et donc les comptes passaient au vert, ce qui permettait de les écrire à l’encre noire, d’où le terme du vendredi noir.
Que ce soit dans les magasins ou sur Internet (achat en ligne), toutes les promotions sont utilisées à bon escient. Et bien que le Black Friday commence officiellement le vendredi 27 novembre 2020, les promotions et les remises ont commencé dès le début du mois. Seuls les deals et les ventes flash les plus intéressants seront concentrés sur cette journée. Autrement dit, il y a deux semaines ou encore plus que le mot vendredi noir ou vendredi blanc à l’égyptien circule bien fréquemment sur le Web, entre internautes et blogueurs de Facebook. Tout le monde en parle. « Des soldes monstres, durant 24 heures. Incroyables, retroussez vos manches et prêtez-vous pour un grand jour », répète-t-on depuis le début du mois. Les meilleures affaires pendant cette journée folle de shopping se font souvent dans l’électroménager, l’informatique et la téléphonie. Smartphones nouvelle génération à prix cassé, écrans de télévision LCD en promotion, tablettes et ordinateurs, c’est sur ces produits que l’on peut trouver les prix les plus avantageux. Autre secteur qu’il ne faut pas oublier, celui du cosmétique, qui propose des réductions très intéressantes et des offres exceptionnelles !
Dans les centres commerciaux, c’est déjà l’effervescence dans les boutiques du prêt-à-porter. Marquages au sol et panneaux de prévention sont disposés pour rappeler l’ensemble des mesures. « Les soldes, c’est beaucoup de travail, donc on s’y prépare un peu moralement, physiquement aussi. On court tout le temps. Pour nous, c’est le marathon. Tous les commerçants doivent rendre leurs rayons attractifs. Ça demande une préparation d’un mois à l’avance », lance Moustapha Hussein, responsable d’un magasin de vêtements, tout en ajoutant que cette journée, ça va être la cohue et le spectacle habituels des magasins pris d’assaut.
Tentation et frénésie d’achats
Les produits les plus vendus lors du Black Friday sont les vêtements,
viennent ensuite le High Tech, les parfums,
l’électroménager et les jeux vidéo.
Plus encore que les soldes, le Black Friday incarne encore plus la frénésie dépensière favorisée par notre société de consommation. A l’instar de beaucoup de pays, les soldes sont devenus en Egypte un phénomène de société. Difficile donc de ne pas céder à cette frénésie des offres exceptionnelles et des rabais, surtout avec le faible pouvoir d’achat de l’Egyptien, qui peine à boucler les fins de mois. Ainsi, certaines familles se procurent des vêtements exclusivement lors d’actions telles que le Black Friday et les soldes, faute de moyens financiers. « Maintenant, beaucoup de clients consomment par besoin, ils ne se font plus plaisir, on le sent, et les clients nous le disent de toute façon », dit le propriétaire d’un magasin de prêt-à-porter qui s’inquiète quand même du fait que la pandémie de coronavirus ait un impact négatif sur les ventes.
Or, cela ne contredit pas la présence d’une frénésie d’achats aussi pas forcément utiles, mais attirants, parce que moins chers. « Je n’achète pas beaucoup de choses toute l’année, mais j’attends les soldes pour acheter, que ce soit des vêtements pour moi ou pour mes enfants, ou même ce qu’il faut pour la maison, je suis souvent satisfaite », témoigne Sahar, fonctionnaire de 50 ans. « Ça ne valait pas le coup d’attendre le vendredi blanc. J’avais besoin d’un pantalon huilé bradé, et le voilà que j’ai trouvé à -30%. En cela, je crois que les hommes sont assez différents des femmes, plus sujettes à l’achat compulsif », confie Tareq Farid, qui tient à faire tranquillement son shopping afin d’éviter la cohue, la queue aux caisses et les files d’attente aux cabines d’essayage sans attendre les prix alléchants du Black Friday.
Quant à celles qui aiment le shopping, elles s’en donnent à coeur joie! Comme Nadine et son amie Leïla, deux jeunes femmes qui ont leurs habitudes à flâner et faire du lèche-vitrines avant d’acheter. « Ce matin, on fait le centre-ville, cet après-midi, les centres commerciaux du quartier de Madinet Nasr et d’Héliopolis ». Toute une organisation. Elles se sont fixé un budget de 4000 L.E. chacune. « En liquide, c’est plus prudent, parce que je vois ce que je dépense! Et j’ai laissé la carte de crédit à la maison », conseille Leïla. Une frénésie de consommation qui pousse également les chasseurs de prix à acheter toujours plus, en pensant faire de bonnes affaires, cumulant promos et bons plans en tout genre.
Pour Mona, une mère de famille de 52 ans, c’est une activité qui vire à l’obsession. Elle guette les propositions des marques, les réductions et les offres. Elle fait ses calculs et vérifie les prix avant de réaliser des achats réfléchis. « Tous les soldes de l’année, que ce soit vestimentaire, alimentaire, électroménager ou autre, il y a pour tout. Je fais mon tri et je tente de ne rien rater afin de profiter des prix moins chers, même si je n’en ai pas besoin actuellement », lance-t-elle.
Nouveaux modes de consommation
Une véritable ruée vers les magasins des enseignes créant, l'an dernier, un état d’hystérie pour obtenir les promotions dites exceptionnelles.
Cette nouvelle manière de consommer est pour Dr Ahmad Abdallah, psychiatre, une manière de prendre le contrôle. « Ils ont un sentiment de pouvoir sur les choses. Ils ont l’impression que tous les autres se font berner sauf eux qui savent comment faire et sont à ce moment-là tout puissants », analyse-t-il, tout en ajoutant que les comportements de consommation évoluent et les commerçants cherchent dans les nouveaux services Web ou mobiles un moyen de faire des économies dans tous les domaines. Places de marché dédiées aux coupons de réduction et sites de bons plans, l’offre promotionnelle digitale est disponible en quelques clics. Et à chacun des clients, ses plaisirs, ses contraintes financières, temporelles, ses priorités, son mode d’achat (réfléchi, impulsif).
Cependant, l’impact de ces promotions et rabais sur les marges des commerçants n’est pas nul. Mais en période d’atonie de la consommation, toutes les enseignes accueillent avec entrain les ventes ainsi générées. Grâce à elles, novembre pèse aussi lourd que décembre non seulement pour les magasins, mais aussi pour les sites d’e-commerce. Ossama Al-Sayed, un chercheur en marketing, indique qu’en 2019, pendant la période de promotions du vendredi blanc, les ventes des smartphones, du High Tech et des appareils électroménagers ont quadruplé par rapport aux temps normaux. La preuve en est les photos des marées humaines qui s’écharpent pour des téléviseurs au rabais dans de grands centres commerciaux et qui font réagir les réseaux sociaux, dont la perplexité le dispute au sarcasme. Et cela explique l’intensité du débat entre les marchands et ceux qui dénoncent la frénésie de consommation. A noter que certains producteurs et commerçants égyptiens ont refusé cette initiative du vendredi blanc des soldes, rejetant l’invitation lancée par les compagnies de commercialisation électronique pour des promotions incroyables. « De pareils rabais ne peuvent jamais être appliqués, par exemple sur le prêt-à-porter en Egypte, à cause des difficultés économiques par lesquelles passent les usines exposées à de remarquables pertes vu la faiblesse de la demande et des taux d’achat », explique un membre à l’Union des chambres de commerce et d’industrie, Yéhia Amin. Un avis non partagé par des commerçants qui veulent liquider leurs marchandises à tout prix. « Ces soldes ont trouvé leur public. Les responsables devraient s’en réjouir plutôt que de le déplorer, car tout ce qui relance et porte la consommation est bon pour le commerce, et donc pour l’économie égyptienne », souligne Mohamad Mégahed, commerçant d’électroménagers.
Bonnes affaires ou arnaque ?
Les consommateurs se posent pourtant une question importante: les choses qu’on achète en soldes sont-elles les mêmes, et ont-elles le même prix et la même qualité hors solde? Pas si sûr, du point de vue du consommateur, les prix cassés du Black Friday ou les soldes en général peuvent être une vraie arnaque : réductions minimes, pas de ventes à pertes et fausses promotions. « Les magasins sont toujours bénéficiaires, car pendant les soldes, ils liquident leurs stocks pour faire entrer de nouvelles collections, et donc faire moins de pertes possibles », dénonce Riham, une cliente. « Les soldes sont intéressants. On peut trouver ce qu’on cherche avec de bons prix, mais parfois les articles en rayon sont vieux, ont été invendus ou de moins bonne qualité, ou encore ne sont pas de la saison et vendus aux prix normaux », ajoute Houreya, une autre cliente âgée de 46 ans. « Peu de magasins proposent de nouveaux articles, moi je ne crois pas aux soldes », confie Khadija, 40 ans. Et c’est là où le bât blesse, car les commerçants, notamment les magasins en ligne, font croire à des super-soldes, alors qu’en réalité, ils ne peuvent pas vendre à perte.
Ossama Al-Sayed tente de décrypter les dessous légaux de l’événement. Selon lui, les vraies bonnes affaires sont finalement très rares. Les réductions dépassant les 30% ne concernent qu’une minorité de produits, et pas forcément les plus recherchés par les consommateurs. Dans leur très grande majorité, soit les prix ne bougent pas (certains même augmentent pendant cette période), soit ils baissent dans des proportions très limitées. Si l’on ajoute à cela le fait que certains commerçants font grimper les prix avant la période de promotion pour pouvoir afficher des pourcentages de réduction plus élevés le jour J. Tout doit inciter le consommateur à se méfier de cette période commerciale. « Pour avoir une chance de faire une vraie bonne affaire, il n’y a pas secret : il faut suivre longtemps à l’avance les produits et comparer le prix avant d’acheter sans se fier aveuglément au montant des soldes », explique-t-il. Raison pour laquelle la loi 181 pour l’année 2018 de la protection du consommateur sanctionne les pratiques commerciales trompeuses, comme les fausses promotions, et fait encourir à leurs responsables une amende de 50000 L.E. à 2 millions de L.E. De plus, les magasins qui ne s’adaptent pas en régulant l’affluence de la clientèle et en port du masque pour les personnels et les clients seront fermés pour 3 jours.
Achats en ligne favorisés par le Covid-19
Le White Friday, un réel enjeu commercial.
D’ailleurs, le Black Friday 2020 ne ressemblera à aucun autre. Avec des mesures sanitaires toujours en vigueur, les commerçants tiennent à augmenter sensiblement leur présence en ligne et à éviter tout manque à gagner en répondant à une forte demande des consommateurs. En effet, après le succès des éditions précédentes, Jumia, la première enseigne d’e-commerce en Egypte, lance pour la 6e année consécutive en Egypte le vendredi blanc. Les offres ont débuté le vendredi 6 novembre jusqu’à la fin du mois et concernent plusieurs catégories mode (vêtements, chaussures et accessoires pour hommes et femmes allant jusqu’à 80% de réduction) et quelques produits High Tech. Afin de satisfaire les exigences de leurs petits enfants durant l’hiver, des parents ont eu recours aux achats en ligne pour l’approvisionnement des articles, tels que les vêtements et les chaussures. « Pas besoin de faire le tour de plusieurs magasins dans l’espoir de trouver un produit spécifique. L’achat en ligne est un gain de temps considérable que je mets à profit pour comparer les prix et les articles des différents sites de vente en ligne », affirme Soraya, une mère de trois enfants qui n’hésite pas à dénoncer le manque du sens de plusieurs gens. Et d’ajouter: « Nous sommes restés confinés pendant des mois pour enfin risquer de l’être une seconde fois à cause des gens qui achètent des vêtements ou des smartphones, alors que la pandémie de coronavirus est toujours présente ».
Enfin, si le vendredi blanc est chaque année une réussite en matière de ventes en ligne, on s’attend pour 2020 à un record. Avec la crise du coronavirus et l’inquiétude de nombreuses personnes à faire leurs achats en boutique, il est facile de penser que les plateformes d’e-commerce en sortiront gagnantes. Car personne ne voudra donc rater cet événement, surtout pas les commerçants .
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