Le président de la République, Abdel-Fattah Al-Sissi, a approuvé la construction de ponts au-dessus des cours d’eau, comme alternatives aux bacs fluviaux, surtout dans les villages où la population dépasse les 10000 individus, avec un coût de 1,5 milliard de livres égyptiennes. Une nouvelle qui a trouvé un écho positif auprès des citoyens, dès son annonce à travers les médias par le ministre du Transport, l’ingénieur Kamel Al-Wazir. En effet, le débat s’est intensifié pour envisager des solutions et remplacer les bacs fluviaux par des ponts, à partir du mois d’août dernier, suite à un nouvel accident qui a causé la mort de 4 personnes et en a blessé 3 autres. Et voilà, enfin que la décision est prise. « Il est temps de se débarrasser de ce cauchemar », c’est le commentaire entendu suite à cette annonce. Ceux qui en comprennent l’utilité et ont salué la décision, ce sont surtout les gens qui vivent dans des villages ou des endroits sur le bord du Nil, car ils sont obligés d’utiliser les bacs pour se déplacer d’une rive à l’autre, soulagés de la peur de perdre un jour un de leurs chérubins.
En fait, dans quelques endroits, le bac est le seul moyen de transport pour les gens. Il relie les deux rives du fleuve, transportant des étudiants, des travailleurs, des paysans, des commerçants, des véhicules, des animaux et des marchandises. Les courtes distances et les conditions de vie modestes des passagers ont balayé l’importance des critères de sécurité tant chez les citoyens que les responsables. Un socle en fer, sans clôture avec parfois quelques chaînes métalliques accrochées tout autour, guidé et conduit par des habitants. Lorsque le bac tombe en panne, les passagers tentent même de le réparer et au pire des cas, ils reçoivent l’aide des autres bacs qui sillonnent les cours d’eau.
Ni maintenance ni surveillance
Un bac fluvial entre les rives du Nil
(Photos Al-Ahram)
Selon le Centre des études économiques, il existe près de 9500 bacs fluviaux dont 95% naviguent sans autorisation et 70% des bateliers ne possèdent pas d’autorisation de transport. Ces bacs, dont 97% ne respectent pas les critères de sécurité, servent de moyen de transport à 4 millions de personnes. Dans certains endroits, comme au gouvernorat de Minya en Haute-Egypte par exemple, 45% des citoyens utilisent le bac fluvial quotidiennement. Minya, qui s’étend sur 150 km, est divisé en deux par le Nil, et la plupart des écoles et des autres services sont situés vers l’est dans la vallée. Samallout, Abou-Qorqas, Mallawi, Deir Mawas sont des villages qui comptent plusieurs victimes des bacs fluviaux. Pareil dans d’autres endroits qui dépendent aussi des bacs fluviaux. Beaucoup de familles ont porté le noir en guise de deuil, dans les villages de Qéna, Béni-Souef, Charqiya, Béheira, Guiza et d’autres encore. Des hommes, des femmes et des enfants ont perdu leur vie en se noyant alors qu’ils se trouvaient dans ces ferrys.
Certains bacs sont autorisés à transporter un nombre limité de passagers qui ne dépassent pas les dizaines, mais des centaines embarquent. Ces moyens de transport ne font l’objet d’aucune maintenance ou surveillance. Des choses que l’on répète à chaque fois que ces bacs sont mis sous les feux des projecteurs suite à un nouvel accident, puis plus rien, c’est le silence et la vie reprend son cours normal et de la même manière comme si rien n’est arrivé. Et tout recommence, avec une nouvelle manchette qui compte de nouvelles victimes.
Jusque-là, peu d’alternatives
Toutes sortes de marchandises sont transportées dans les bacs fluviaux.
(Photos Al-Ahram)
Chaque jour, juste après la prière de l’aube, Abdou assure la conduite de son bac reliant le village Manachi et Hassanine situé sur l’autre rive, pour transporter des passagers, des véhicules et même des charrettes et des ânes à une distance de 100 mètres. Une fois arrivés sur le quai d’accostage, les gens n’attendent pas que le bac s’arrête et commencent à embarquer précipitamment pour trouver une place pour s’asseoir. Une fois le bac entièrement rempli, Abdou commence à tirer de toutes ses forces une longue chaîne enroulée à un anneau fixé au milieu du bac et dont les deux bornes d’amarrage sont fixées chacune sur le quai de chaque rive. En embarquant et en débarquant, il lui arrive souvent d’avoir les pieds enfoncés dans le sol boueux ou même de tomber dans l’eau. Abdou pointe du doigt trois bouées de sauvetage suspendues dans un coin du bac, comme signe de sécurité durant le trajet. « Si quelqu’un tombe dans l’eau, on lui jette une bouée de sauvetage, et au pire des cas, les passagers se débrouillent pour l’aider et le sauver de la noyade », ainsi parle Abdou sur un ton très calme mais loin d’être plein d’assurance et de confiance face à une telle situation, car il n’y a pas d’autres choix. Zakariya, un employé qui utilise ce bac tous les jours, ainsi que sa famille, déclare qu’il n’ignore pas le danger qu’il encourt car un accident peut survenir à tout moment, mais comme il est pieux, il dit se conformer à la volonté du bon Dieu.
Passagers et véhicules atendent l'accosstage du bac sur le quai.
(Photos Al-Ahram)
Dans d’autres endroits, on peut découvrir des bateaux qui servent de transport fluvial. Ces derniers fonctionnent de la même manière ou sont équipés de motorisation à essence. Mais le danger est toujours le même, comme l’affirme Essam, commerçant qui transporte les légumes qu’il vend chaque jour sur l’autre rive grâce au petit ferry fluvial qui relie Choubra Al-Kheima à l’île de Warraq à Guiza, car il n’y a pas d’autres moyens de transport. « Je sais bien que je risque ma vie, mais je n’ai pas le choix », dit Essam, en affirmant qu’avec le grand nombre de passagers, de microbus, de carrioles, de bicyclettes, et l’absence de moyens de sécurité, une catastrophe peut se produire à tout moment. « Chacun est responsable de sa propre sécurité », ce sont les mots inscrits sur une pancarte suspendue sur le quai qui borde la rive du village de Demechli au gouvernorat de Béheira. Il y a quelques mois, précisément à cet endroit, un gamin est tombé à l’eau et le courant l’a emporté. Cet enfant n’est pas le premier et ne sera assurément pas le dernier à perdre la vie en se noyant. Cependant, les habitants continuent à envoyer leurs enfants à l’école avec ces bacs. Pour eux, l’autre chemin est distant de 8 km, et faire ce trajet avec des allers-retours au quotidien sur une route de circulation dense est également dangereux.
En fait, selon la loi, ces bacs doivent être fabriqués sous contrôle de l’Organisme du transport fluvial, qui détermine les critères de fabrication et contrôle l’entretien et la maintenance. Le ministère du Développement administratif a pour mission de vérifier les autorisations de ces bacs et d’imposer des amendes en cas de transgression des règles fixées. « L’amende ne dépasse pas les 10 livres, raison pour laquelle personne ne prend l’affaire au sérieux », dit Attiya Ahmad, habitant l’île de Warraq à Guiza. Ce dernier ne cache pas sa joie suite à la nouvelle décision de remplacer les bacs par des ponts car c’est la meilleure solution.
D’après lui, le changement des lois ne peut pas se produire rapidement. Mais, comme il est prévu de construire 15 ponts, ceci va couvrir tous les besoins des gens. En attendant, Attiya espère voir plus d’inspection et de contrôle sur les bacs et les quais existants afin de réduire les pertes humaines et fermer ce dossier définitivement .
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