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Coiffeurs : Les mille et une astuces pour se remettre sur les rails

Dina Bakr, Mardi, 04 août 2020

Après avoir subi d’importantes pertes à cause des effets du coronavirus, les salons de coiffure font tout pour attirer à nouveau les clientes et les mettre en confiance. Tournée.

Coiffeurs : Les mille et une astuces pour se remettre sur les rails
Le port du masque est obligatoire pour le coiffeur et le client. (Photo : Ahmad Aref)
Alors que les femmes com­mencent timidement à reprendre la route du salon de coiffure, les profession­nels du secteur tentent tant bien que mal de s’accommoder avec la reprise de l’activité sous les contraintes que le coronavirus a imposées. Coiffeurs et coiffeuses portant le masque, hygiène respectée autant que possible, prises de rendez-vous à l’avance et personnel réduit pour respecter la distanciation sociale, les propriétaires font tout pour attirer et mettre en confiance la clien­tèle.

Après une longue période de quasi-traversée du désert, les 750 000 salons de coiffure et 2 millions de coif­feurs — chiffres de la Chambre de commerce — espèrent une reprise, même s’ils continuent à subir les effets de cette période de crise et que les clientes se font encore peu nombreuses. « Je suis coiffeur depuis 35 ans dans ce même local à Abdine et je n’ai jamais vécu cela. Quand le couvre-feu était imposé, notre recette quotidienne était réduite de moitié ou plus. Avant, il y avait des moments de grande affluence, surtout en période de fêtes, ce qui n’a pas été le cas cette année. Maintenant, le pire est passé, certes, mais les séquelles sont encore là », déclare Adel Romario, 52 ans. « On n’a jamais subi une telle crise », déplore Saber, coiffeur depuis une vingtaine d’années, en par­lant des mois qui viennent de s’écouler. Il travaille dans un salon situé à Madinet Nasr. A l’extérieur du salon, il papote avec son collègue Hatem, en attendant les clientes. Au pic de la crise, elles ne dépassaient pas 4 par jour, contre 25 en moyenne avant le mois de mars. Ce jour-là, à 14h, seules 2 sont venues, avec une timide recette de 250 L.E. A l’intérieur, 6 employés parmi les 16 sont présents. A la mi-mars, le propriétaire, tout en baissant les salaires, a modifié l’emploi du temps de ses employés pour éviter d’avoir à licencier une partie d’entre eux. Depuis, ils se relaient en travaillant 4 jours par semaine. « Mais même si je ne touche que le quart de mon salaire, je dois être souriant, accueillant et travailler dans la bonne humeur pour satisfaire les clientes qui viennent pour se coiffer, faire des soins et se relaxer », dit Saber.

La baisse de la fréquentation a eu également un impact sur les grossistes de produits cosmétiques chez qui les coiffeurs s’approvisionnent. « A titre d’exemple, le nombre de boîtes de coloration cheveux vendues entre mars et juin aurait dû être écoulé en l’espace d’un mois. D’habitude, le chiffre d’affaires servait à renouveler notre stock, 2 à 3 fois par mois, alors qu’en ce moment, il faut attendre 3 mois pour épuiser celui d’un mois », déplore Youssef Gamil, gérant d’un magasin de produits cosmétiques. Son associé et lui ont dû à deux reprises faire des réductions de 20 % à 50 % sur les produits dont la date d’expiration est proche. « Nous n’avons pas tenu compte des profits, il fallait verser les salaires et s’acquitter des factures d’électricité. Pour les mois d’avril et de juin, nous avons payé le loyer du local en retirant de l’argent de nos comptes personnels », précise-t-il.

Certes, avec la réouverture générale et la baisse des cas de coronavirus en Egypte, les femmes recommencent à se rendre chez le coiffeur, mais la moyenne d’avant est loin d’être atteinte. « Nous n’avons reçu que très peu de rendez-vous en cette période considérée comme la haute saison, notamment en raison des cérémonies de mariage (juillet, août et septembre). Nous avions l’habitude de fixer des rendez-vous des semaines à l’avance pour les nouvelles mariées et celles qui les accompagnent, mais aussi pour celles qui veulent se teindre les cheveux, faire un lissage à la kératine, des services sur lesquels il y a d’habi­tude une grosse demande en été », dit Yasser, le gérant. Ce dernier prend son mal en patience, car malgré la baisse de la fréquentation, il doit payer les salaires et rembourser des crédits mensuels pour l’achat d’un générateur de vapeur pour le sauna et d’autres équipements. Yasser se plaint aussi du fait que « les fournis­seurs ont triplé les prix des produits cosmétiques et capillaires importés, car les réseaux de transport étaient quasi­ment à l’arrêt ces derniers mois. Et donc, les fournisseurs mettent à profit le stock restant ». Face à cette situation, le propriétaire de ce salon, installé depuis 7 ans, compte sur une reprise dans les semaines et les mois à venir, sinon, dit-il, il va mettre la clé sous le paillasson d’ici 3 mois.

A chacun ses combines

Pour éviter un tel scénario, chaque salon tente de trouver des astuces. Karim, coiffeur au quartier de Madinet Nasr, raconte qu’il ne cesse de faire circuler sur la page Facebook de son salon des messages qui visent à calmer ses clientes et les inciter à fréquenter de nouveau le lieu. « On a réduit le per­sonnel à moitié pour pouvoir respecter les règles de la distanciation sociale. Alors que le nombre des travailleurs a atteint avant la crise 10, sans compter celles qui travaillent au département pour femmes voilées et qui comprend 4 autres, le salon ne compte aujourd’hui que 3 travailleurs », explique Karim. Des mesures de prévention ont été prises. La rentrée est strictement inter­dite pour celle qui ne porte pas de masque. Un portique stérilisateur est placé à l’entrée du salon pour désinfec­ter les vêtements des clientes et du personnel, alors qu’un employé se charge de saupoudrer les chaussures des clientes.

Un autre grand salon situé à Héliopolis et géré par un coiffeur liba­nais ne reçoit que sur rendez-vous pour organiser son agenda et garantir que le nombre de personnes présentes est réduit. « A l’instar des règles imposées au café et au resto, on tente de ne rece­voir que 25 % de la capacité du salon. On veut certes garder nos clientes, mais on veut aussi préserver leur santé et celle du personnel, car nous avons une réputation à défendre », estime-t-il.

D’autres cherchent à attirer les clientes en proposant des offres allé­chantes, notamment pour les mariées, à l’instar d’un coiffeur situé dans un quartier populaire qui offre le bain marocain, l’épilation, un soin à la kéra­tine, le maquillage et la coiffure d’une mariée à 1 700 L.E. au lieu de 3 500 L.E., alors que certains ont annulé cer­tains services, comme l’épilation du visage, pour mettre en confiance les clientes.

En attendant des jours meilleurs, Remona Rasmy, 35 ans, coiffeuse à Al-Warraq, elle, tente de minimiser ses frais. « Le salon n’est ouvert que quelques jours par semaine et je fais moi-même les brushings, l’épilation, la pédicure et la manucure. Avant d’ou­vrir, je nettoie moi-même le salon et désinfecte les outils de travail. La recette quotidienne n’est pas si bonne que cela », confie-t-elle. Et pour faire venir les clientes, elle les assure qu’elle suit les règles d’hygiène, et même celles de la distanciation physique, pourtant difficiles à respecter pour cer­tains services. Sur sa page Facebook, Remona explique aux clientes qu’elle fait l’épilation des sourcils à la cire ou aux autocollants, évitant ainsi le procé­dé courant qui consiste à tenir une par­tie d’un fil à coudre dans la bouche et emprisonner les poils entre deux fils torsadés tout en effectuant un mouve­ment de la main pour les arracher à la racine. Un procédé qui ne respecte pas la règle de la distanciation physique. « Les coiffeurs savent que compte tenu de la proximité physique avec les clients, ils doivent prendre des mesures particulières », dit-elle.

C’est justement là le plus gros défi. Beaucoup de femmes restent réticentes, à l’instar de Mona, 40 ans. « J’ai com­plètement arrêté d’aller chez le coiffeur depuis cette histoire de coronavirus, maintenant, j’envisage d’y aller. Pour un brushing, une coupe ou une colora­tion, ou encore une manucure et une pédicure, ok, chacun garde son masque et c’est bon. Par contre, pas question de faire des soins du visage, la proximité est bien trop grande et je ne veux pas prendre de risques. Pour l’épilation des sourcils et du duvet, je me débrouille toute seule à la maison même si les résultats ne sont pas parfaits. Mais j’avoue que j’ai hâte de me les faire faire par une professionnelle », dit-elle.

Comme Mona, de nombreuses femmes ont préféré se débrouiller toutes seules à la maison. Maya, 38 ans, a acheté une tondeuse professionnelle pour couper les cheveux de son fils de 14 ans, mais elle a aussi décidé de se couper ses fourches toute seule. « J’ai vu plusieurs vidéos sur Youtube qui apprennent comment couper les pointes. Après avoir laver des cheveux, ramener les cheveux vers l’avant et les former en queue de cheval au-dessus du front puis les diviser en 3 petites queues de cheval devant les yeux et les nouer avec des élastiques puis couper les bouts en res­pectant la même longueur », explique-t-elle. Et même celles qui n’avaient pas d’expérience avec la coloration des cheveux, elles ont fini par se débrouiller. Quant à Nirhane, 46 ans, elle s’est appliquée la coloration toute seule. Et Jackie, la règle de distanciation phy­sique l’a poussée à acheter une machine d’épilation à cire pour éviter tout contact de mains étrangères sur sa peau et celle de ses filles.

D’autres ont opté pour un juste milieu : faire ramener la coiffeuse à la maison pour se faire coiffer par une professionnelle sans être en contact avec plusieurs personnes. Pour ce, plu­sieurs salons ont introduit aussi le ser­vice « Coiffeur à domicile » pour ne pas perdre leurs clientes. Névine, proprié­taire d’un salon de beauté à Obour, assure qu’elle ne tarde pas aujourd’hui à envoyer les filles travaillant chez elle chez les clientes qui ne veulent pas venir prendre le risque et rester dans le salon pour se faire couper ou coiffer leurs cheveux. « On est en train de remuer cette eau stagnante. On veut à tout prix garder les clientes pour rem­bourser les dettes accumulées au cours des mois précédents », dit-elle.

Faire face aux difficultés

Face aux difficultés qu’ils viennent de vivre, les professionnels du secteur frappent aussi à d’autres portes. Suite aux appels lancés sur les réseaux sociaux par des coiffeurs en difficulté, Mahmoud Al-Degwi, président de la section des coiffeurs à la Chambre de commerce, a présenté une demande au président du Conseil des ministres et à la Banque Centrale pour faciliter les prêts aux coiffeurs avec un taux d’inté­rêt de 5 %. « Un prêt n’est pas la solu­tion idéale, mais cela évite la faillite et le chômage », révèle Al-Degwi, qui précise que 60 % des coiffeurs sont en train de vendre leurs outils de travail et ont mis à la porte une partie de leurs salariés. Ce dernier pointe du doigt un autre détail : « Les coiffeurs ont besoin d’horaires plus flexibles. Un salon de coiffure ne doit pas ouvrir à 9h du matin. Rares sont les clientes qui com­mencent leur journée en allant chez le coiffeur. 11h ou midi est l’horaire idéal pour l’ouverture d’un salon de coiffure qui doit fermer à 23h pour permettre au plus grand nombre de clientes de prendre rendez-vous après les horaires de travail », explique Al-Degwi. Il invite les coiffeurs à continuer à désin­fecter leurs locaux, à stériliser leurs outils de travail et à travailler unique­ment sur rendez-vous.

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