Le coronavirus a plongé les grandes vacances dans l’incertitude. L’été 2020 ne s’annonce pas comme les autres. La fermeture des frontières, l’arrêt du trafic aérien et les mesures obligatoires pour l’ouverture des hôtels et celles imposées dans les stations balnéaires vont sans doute changer la donne. Le périmètre des déplacements sera tout simplement limité en Egypte. Face à cela, difficile pour le moment de prendre l’initiative de planifier ses vacances d’été. Première chose quasi certaine, pas de voyages à l’étranger. Car ce genre de vacances est généralement préparé des mois à l’avance, réservations d’hôtels et de billets d’avion, visas, etc. Rien de tout cela cette année vu la situation en Egypte mais aussi dans l’ensemble des destinations habituelles. Il reste les séjours à l’intérieur. Un autre casse-tête.
« J’avais l’habitude de louer un chalet pour deux semaines, à raison de 3500 L.E. la journée, à la Côte-Nord. Cette année, je m’abstiens de le faire pour des raisons d’hygiène et de sécurité sanitaire. Comment garantir que le bailleur a procédé à la désinfection du chalet? Et le faire à sa place sera un vrai casse-tête. En plus, on n’est même pas sûr de pouvoir se baigner ou de flâner à la plage. Pour le moment, c’est interdit. Et les restaurants aussi sont toujours fermés. Dans ces conditions, ce ne seront plus des vacances. Je préfère encore rester chez moi et astiquer ma maison », avance Réhab, 45 ans, employée dans une école internationale et mère de deux enfants. Elle ajoute que la crise sanitaire a eu un impact sur le travail de son mari qui travaille pour son propre compte. « C’est encore une raison de ne pas s’aventurer. Le business de mon mari ne marche pas bien en ce moment et personne ne sait de quoi sera fait demain. Ce n’est pas le moment de dépenser de l’argent mal à propos, surtout que les vacances nous coûtent cher, nous dépensons en moyenne 60000 L.E. », ajoute-t-elle.
Les propriétaires de chalets eux aussi sont inquiets, comme Khaled E., un ingénieur de 37 ans. Bien qu’il ait retapé son chalet, il n’ose pas le mettre en location pour le moment. « Il vaut mieux éviter que les ustensiles, les couverts de table et les draps soient utilisés par un grand nombre de locataires. Je préfère encore subir une perte que de me lancer dans l’aventure. Si quelqu’un tombe malade, je risquerai de nuire à ma réputation de bailleur », avance-t-il. Du coup, nombre de propriétaires préfèrent profiter, eux, de leur résidence secondaire, malgré les pertes financières. C’est le cas de Soha, chercheuse de 50 ans. Une fois les examens en ligne de son fils terminés, elle a préparé ses bagages, y compris tout ce qui a affaire à son travail et a pris la route pour se rendre à la maison familiale située à la Côte-Nord. Pour atteindre son eldorado, elle a parcouru 300 km. Cette résidence secondaire est dotée d’une bonne connexion Internet, lui permettant de travailler normalement. « Nettoyer une maison qui est restée fermée toute l’année est une corvée terrible. Il faut faire quelques réparations, se débarrasser de toute la poussière qui s’y est accumulée au cours de l’année. Mais, on s’est entraidé pour éviter de faire appel à une femme de ménage ou un jardinier que j’avais l’habitude de ramener pour accomplir cette tâche pénible pendant les vacances. Cette année, il vaut mieux éviter de recevoir des personnes étrangères à la maison, surtout que ma mère, âgée de 82 ans, est venue avec nous », explique Soha. Côté économique, elle estime que c’est le moment opportun de profiter de cette maison et du jardin dont l’achat a coûté plus d’un million de L.E. et qui, malheureusement, reste fermée toute l’année. « Même si pour le moment, la baignade est interdite et que les sorties habituelles du Sahel sont inexistantes, c’est reposant. Je travaille dans le calme, en jouissant d’une vue sur la mer splendide, en respirant profondément l’air marin chargé d’iode. Et puis, ici, les règles de distanciation physique sont bien plus respectées qu’au Caire étant donné l’étendue de l’espace », affirme-t-elle.
Mais tout le monde n’a pas la chance d’avoir une résidence secondaire au bord de la mer. L’alternative est donc de chercher la meilleure offre dans l’une des stations balnéaires égyptiennes. Une option sur laquelle tablent les professionnels du secteur du tourisme, comme l’explique Hossam Al-Chaer, président de la Chambre des agences de voyages de la mer Rouge. « Le secteur, actuellement en crise, parie principalement et fortement sur le tourisme intérieur, d’autant plus que les Egyptiens n’ont pas beaucoup de choix cette année », dit-il.
Profiter malgré les nouvelles règles

Les ateliers et les activités en ligne destinés aux enfants, une alternative pour les occuper alors qu’ils sont à la maison.
Comme tant d’autres, Doaa, journaliste et mère de deux enfants, a changé ses plans. Ayant l’habitude de passer ses vacances à l’étranger ou à la Côte-Nord comme la plupart des estivants égyptiens, surtout les Cairotes, cette année, Doaa veut se rendre à Charm Al-Cheikh, Hurghada ou Dahab. Mais elle attend avant de finaliser son choix. L’important pour elle est de passer ses vacances au bord de la mer. « Je partirai en vacances à la fin du mois d’août, le temps de voir si cette crise sanitaire s’apaise. Je compte faire ma réservation dans un des hôtels ayant obtenu l’approbation du ministère de la Santé et je prendrai avec moi les produits désinfectants nécessaires », dit-elle en ajoutant: « On essaiera d’en profiter malgré tout ».
En effet, le gouvernement a récemment précisé une liste de mesures de prévention et de protection imposées aux hôtels, selon les critères de l’Organisation mondiale de la santé, pour éviter toute transmission du coronavirus. Des mesures obligatoires pour obtenir un label de conformité en hygiène et en sécurité qui permet aux hôtels de reprendre leurs activités. Parmi ces décisions, des mesures sanitaires, de stérilisation et de désinfection strictes, une distanciation imposée dans les restaurants avec la limitation du nombre de personnes par table et l’interdiction des buffets ouverts et de la chicha, etc.
Or, tout le monde n’est pas prêt à passer des vacances dans de telles conditions. Pour Dr Nadia Radwan, professeure de sociologie à l’Université de Port-Saïd, le plus préoccupant pour le moment est de savoir si les gens vont se soumettre à de telles mesures. « Beaucoup de gens auront du mal à respecter les règles, et nombreux sont ceux qui ne veulent pas sacrifier leur été. Je crains que toute réouverture des lieux de divertissements ne soit mal exploitée. D’où la nécessité d’imposer des amendes pour que l’on puisse profiter des vacances sans s’exposer et exposer les autres au danger », explique la sociologue. « Il est vrai que certaines personnes sont inquiètes des conséquences de ces dépassements incohérents. Or, beaucoup de gens mènent leur train de vie quasi normalement, une chose constatée avant le Ramadan, surtout dans les marchés. On a plutôt tendance à supporter les mesures de restrictions quelques jours, mais pas sur le long terme. Ceci est dû, d’un côté, au manque de conscience, et de l’autre, à la difficulté de changer son mode de vie », avance-t-elle.
Loin des restrictions, Hossam Al-Toukhi, un avocat de 55 ans féru de camping et de safari, explore les sites en bord de mer où il est autorisé de camper pour prendre sa caravane et y passer quelques jours, loin du monde, juste avec un nombre restreint d’amis, eux aussi amateurs de camping. Alors que d’autres, à l’instar de Mona, banquière, se contentent de rester à la maison. « Avant le coronavirus, on avait un rythme d’enfer, entre le travail, les activités des enfants, le suivi de la scolarité, même la vie sociale et les divertissements et les vacances étaient fatigants. Alors pourquoi ne pas profiter de cette trêve obligatoire pour marquer une pause, se reposer et juste flâner à la maison ? », dit-elle.
Activités en ligne pour les enfants

Etat d’alerte dans les foyers égyptiens : comment planifier les vacances d’été ?
Mais si les adultes, fatigués, peuvent apprécier cette pause, l’affaire est tout autre pour les enfants, et les distraire sera le grand dilemme de cet été. Ces bouts de choux profitaient de la période des vacances d’été pour s’éclater et se débarrasser du fardeau de l’année scolaire, bloquée depuis la mi-mars. Leurs parents n’ont donc pour les satisfaire que de trouver des activités en ligne, surtout qu’on reproche aux bambins d’être des porteurs ambulants du virus. Les centres d’été, les clubs et les parcs d’attractions sont fermés. Un fardeau supplémentaire pour les parents qui doivent trouver des astuces pour remplir le temps libre de leurs enfants. Mohamad Hassan, éditeur, père d’une famille de quatre enfants, a l’habitude de planifier les vacances d’été de ses enfants. « Mes enfants partaient en camps d’été, se rendaient dans des ateliers pour s’initier au dessin et à la musique durant les matinées. Et les après-midi, on emmenait les enfants aux entraînements de natation, d’escrime et de tennis. C’est-à-dire qu’ils sont occupés 24h/24, et maintenant, c’est le vide total. C’est dur pour eux et pour nous. Pour le moment, on essaie de les occuper dans des activités qu’on peut accomplir à la maison : collectionner des timbres, faire de la couture, de la menuiserie, préparer des petits plats à la cuisine, ou élever un animal domestique », explique ce père dont les enfants suivent quelques entraînements de fitness en ligne. Sara, ingénieure et mère de deux enfants, assure qu’au début de la crise, beaucoup de sites offraient des services gratuits et qu’actuellement, la plupart des ateliers d’activités en ligne sont devenus payants. « Ma fille de 12 ans fait partie d’une classe de dessin en ligne. Elle apprend les bases du dessin et je lui ramène des crayons de couleurs, de l’aquarelle, des pinceaux et des cahiers de dessin », souligne-t-elle.

Beaucoup de vacanciers entendent aller au bord de la mer, dans les hôtels agréés par le ministère de la Santé.
(Photo:Ahmad Abdel-Karim)
Pour faire face à ces chamboulements, Dr Nihal Lotfi, professeure de psychologie pédagogique à l’Université du Canal de Suez, offre quelques conseils aux familles. « Il faut faire attention à ne pas transmettre aux enfants notre propre anxiété. Ces derniers, qui souffrent déjà du chambardement de leur mode de vie (clubs, activités, sorties et avant l’école, etc.), risquent de souffrir de ce qu’on appelle anxiété d’anticipation, un trouble psychique qui pourrait les bloquer dans leur vie future », explique la psychologue.
Et entre ceux qui espèrent impatiemment un retour à la normale, ceux qui vont passer l’été dans le monde virtuel, il y a ceux qui se contentent du minimum, chez eux. Certaines personnes ont trouvé dans leur véranda le refuge idéal pour passer leurs soirées d’été en période de coronavirus. Gamal Mohamad, ingénieur de 50 ans, assure que c’est l’occasion pour lui de s’adonner à son hobby préféré: faire la cuisine. Dans son balcon de 6 m2, il invite sa petite famille composée de 6 membres à un barbecue. « Un bon gueuleton, une ambiance calme imposée par le couvre-feu et une voix douce, celle de la chanteuse Fayrouz, un trio qui aide à se relaxer et à se débarrasser du stress, tout en étant dans ma zone de confort, entouré de ma famille », conclut Gamal .
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