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Braver le coronavirus, c’est plus que possible !

Dina Darwich, Mardi, 07 avril 2020

Alors que l’attention est focalisée sur le nombre de malades et de morts, on a souvent tendance à oublier que de nombreuses personnes atteintes du Covid-19 guérissent. Témoignage d’un pneumologue qui s’en est rétabli.

Il n’existe pas de recette secrète pour la guérison, chaque cas a des conditions propres
Il n’existe pas de recette secrète pour la guérison, chaque cas a des conditions propres que le médecin doit prendre en considération.

Alors qu’il était en première ligne sur le front de cette guerre livrée contre le nouvel ennemi, le coronavirus, Dr Ahmad Abdallah, 31 ans, spécialiste des maladies pulmonaires, fait partie de ceux dont on parle peu : les personnes guéries. Il a été contaminé à l’hôpital de Damiette, située au nord de l’Egypte, alors qu’il prenait en charge des patients atteints du Covid-19, apparu en Egypte le 14 février. « Je faisais comme d’habitude une tournée dans le service où je devais examiner entre 60 à 70 patients par jour, et ce, sans compter la soixantaine qui se présentait aux urgences. Il y avait trois cas soupçonnés d’être atteints par le coronavirus. Les résultats des tests qu’on avait envoyés au laboratoire central du ministère de la Santé se sont avérés positifs. Le lendemain, j’ai commencé à ressentir quelques symptômes : j’avais du mal à respirer et je ressentais une douleur à la poitrine, mais sans avoir ni de fièvre ni de toux. Au début, je pensais que c’était à cause du stress, car je travaillais 6 heures d’affilée par jour sans prendre un moment de repos et je devais assurer une garde de 12 heures une fois par semaine. L’après-midi, j’ai continué mon travail dans ma clinique privée. Mais, j’ai décidé de me faire dépister. Le résultat positif a confirmé mes doutes », raconte le jeune médecin qui a passé une semaine à l’hôpital d’Al-Khalifa, loin de sa famille, avant de se rétablir.

Taux de guérison élevé en Egypte

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Docteur Ahmad Abdallah de retour à son domicile avec son père après avoir terminé le traitement à l’hôpital.

Ahmad Abdallah est l'un parmi les nombreux patients qui sont guéris. Selon les chiffres du ministère de la Santé, 28 % des personnes contaminées se sont rétablies en Egypte, soit un taux de guérison des plus élevés au niveau du monde, rapporte Khaled Mégahed, porteparole du ministère. D’après Dr Hala Zayed, ministre de la Santé, 85 % des personnes atteintes de ce virus et qui présentaient des symptômes légers sont guéries sans même recourir à un quelconque traitement. Il suffit seulement de rester chez soi et d’être isolé des membres de sa famille dans un endroit propre et bien aéré. Une astuce à laquelle a recouru Ahmad, ce jeune médecin. Malade, le jeune pneumologue s’est senti comme tous les autres patients, avec l’inquiétude omniprésente tout au long de sa semaine d’hospitalisation. « J’ai vécu des moments difficiles. C’est dur d’être enfermé et déconnecté du monde durant une semaine. Les heures pesaient lourdement. J’avais la peur au ventre et j’ai prié avec ferveur, demandant à Dieu de m’aider à résister », confie Abdallah. Et, l’esprit de combattant du jeune médecin n’a pas faibli. Faisant partie du corps médical, qui, en ce moment crucial, mène une bataille acharnée contre ce virus, toutes ses expériences dans le domaine médical lui ont servi pour vaincre le coronavirus. « Mais en tant que médecin et connaissant les possibles complications et les effets secondaires de certains traitements, j’avais presque plus peur que les autres patients », raconte Ahmad Abdallah, en ajoutant qu’il ne pouvait pas chasser les idées noires et le doute qui lui venaient à l’esprit en pensant à ses proches. « J’avais peur pour ma famille, peur de contaminer ma petite fille de trois ans, ma femme et surtout mes parents âgés et qui vivent sous le même toit. Je ne cessais de les appeler au téléphone, craignant que quelqu’un ne présente des symptômes du Covid-19. Mais mon père, qui est aussi pneumologue, surveillait la situation. Il a réussi à me tranquilliser et j’ai retrouvé mon calme », ajoute Abdallah.

Le corps médical, notamment les  pneumologues, s’expose à un risque.
Le corps médical, notamment les pneumologues, s’expose à un risque.

Après une semaine, ce médecin a effectué deux autres tests PCR en 24 heures, dont les résultats étaient négatifs, après quoi il a quitté l’hôpital. On lui a demandé de rester une autre semaine à la maison et en isolement avant de reprendre ses activités. « On m’a donné un congé de maladie d’un mois pour éviter de m’exposer aux risques. Il y a un mois et avant d’attraper le virus, j’ai ouvert ma petite clinique où j’avais commencé à recevoir des malades. Aujourd’hui, elle est fermée, car je dois me soumettre aux mesures de confinement et au repos forcé », explique le jeune médecin qui a payé cher une telle tâche tout comme des milliers de blouses blanches qui sont au front en ce moment pour lutter contre le Covid-19 et qui risquent de tomber malade.

Conseils d’un rescapé

Et à un moment où les yeux du monde entier sont braqués sur les écrans à la recherche d’une lueur d’espoir, le jeune pneumologue prodigue des conseils. « Il n’existe pas de recette miracle pour guérir de ce virus, mais plutôt un protocole médical édicté par ministère de la Santé et l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS). Chaque cas est spécifique et le plan de traitement dépend de l’état de santé de chaque patient. Par exemple, un médicament comme l’Hydroquine, que l’on prescrit pour certains patients, pourrait constituer un risque pour les cardiaques. Il ne faut surtout pas prendre de médicaments sans consulter le médecin. Le problème est que dès que l’on annonce qu’un médicament est efficace, des hystériques se ruent pour l’acheter pour le garder à la maison, privant ainsi d’autres malades qui en ont réellement besoin », explique Abdallah qui se contente de se reposer à la maison tout en faisant quelques exercices d’étirement. Il faut cependant respecter quelques mesures préventives car c’est la seule manière de vaincre ce virus qui ravage le monde. Les comportements de certaines personnes irresponsables exposent toute la société à un danger dont on ne peut prédire les conséquences. Les pays qui ont tardé à prendre les précautions nécessaires le payent cher en ce moment. « En Egypte, le mot-clé qui mettra fin à cette crise c’est d’éviter tout rassemblement, car la promiscuité s’impose au quotidien des Egyptiens. D'isoler les personnes âgées et les femmes enceintes qui sont les plus vulnérables à la contagion. Et l’important est de contacter la ligne chaude 105 en cas de suspicion d’infection ou si quelqu’un présente les symptômes de ce virus. Il ne faut se rendre à l’hôpital que lorsque le cas est grave, et ce, pour ne pas surcharger les établissements hospitaliers », dit le jeune médecin.

Il conseille aux gens de boire de l’eau, des jus, avoir une nourriture saine riche en légumes et en fruits afin de renforcer le système immunitaire. « Ce virus est encore mystérieux. Les chercheurs sont aujourd’hui dans une course contre la montre pour trouver un vaccin ou un médicament. Le monde retient son souffle », conclut le pneumologue Ahmad Abdallah.

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