Un masque à la cassonade, un gel douche à l’huile d’olive, une mousse nettoyante à l’huile d’amande douce, un contour des yeux antirides à base de plantes naturelles, une crème hydratante à l’huile de ricin, une autre pour les mains craquelées et sèches à l’huile d’argan, des savons noirs pour le corps et d’autres pour le visage, un soin capillaire à base d’huiles essentielles pour les cheveux abîmés, une lotion à base de fleurs et de plantes aromatiques pour nettoyer et rafraîchir le visage, des produits cosmétiques à base d’huiles essentielles et une combinaison de 19 plantes et fleurs aromatiques, dont la capucine, la calendula et le jasmin, pour nourrir et hydrater la peau … Voilà la liste non exhaustive des produits de beauté bio exposés dans les ateliers cosmétiques de l’oasis de Siwa, à 850 km du Caire.
On attribue au savon à base de lait de chamelle la vertu de régénérer les cellules et de nourrir la peau. (Photo : Manar Attiya)
L’atelier de fabrication de produits cosmétiques bio de Zeinab Bin Ossmane se trouve à environ 5 km du centre de Siwa. C’est en blouse blanche, portant des gants noirs et des lunettes protectrices, que nous reçoit celle qui fabrique tous ses produits de beauté 100 % naturels. « Tous mes produits de beauté contiennent de l’huile d’olive. Riche en acides gras, celle-ci contient notamment plus de 60 % d’oméga 9 et oméga 6, indispensables à la santé de la peau et des cheveux. Les polyphénols contenus dans l’huile d’olive sont des antioxydants, et les phytostérols calment les inflammations et favorisent la régénération cellulaire. J’utilise aussi l’huile d’amande, le beurre de karité ou encore les extraits de fruits, les huiles essentielles et les eaux florales », explique Zeinab Bin Ossmane.
Agée de 55 ans, elle a décidé de créer sa propre marque de produits de beauté en 2017, à Siwa. Elle, qui a passé une grande partie de sa vie en Libye, a dû quitter son pays après la révolution libyenne de 2011. Ingénieur et propriétaire d’une grande société à Tripoli, tous ses biens ont été volés à cette époque. Cherchant un endroit calme où s’installer, Zeinab a visité quelques pays, dont la Tunisie et la Turquie, pour s’y établir, mais elle ne s’y est pas sentie à l’aise. Passionnée de nature, cette veuve sans enfants a pris la décision de s’installer à Siwa, un endroit calme au paysage idyllique, pour profiter à la fois de la nature vierge et du sol riche en matières organiques. Et donc, c’est là où elle a ouvert son petit atelier cosmétique.
« J’ai d’abord commencé par tester mes propres produits cosmétiques, car j’avais des problèmes de peau et les produits industriels ne me convenaient plus », explique-t-elle. Satisfaite du résultat, elle a décidé d’approfondir ses connaissances. « J’ai suivi quelques formations dans le domaine du bio cosmétique via Internet », indique celle qui a fait de la nature son propre laboratoire. « Dans mon jardin de 3 feddans, je cultive des plantes pour en extraire les huiles essentielles tout en utilisant tous les principes actifs contenus dans différentes plantes et fleurs comme la lavande, l’eucalyptus, le romarin, les fleurs d’oranger, les roses, l’hibiscus, le thé vert, et ce, pour fabriquer mes produits 100 % naturels », dit Zeinab.
Elle a aussi acheté de la graisse de chameau, qu’elle fait fondre pour en faire des soins pour les cheveux et qu’elle transforme en crème pour le corps ou en baume pour les lèvres. Zeinab produit également des crèmes et des huiles à base de « daroua » (graisse de bosse de chameau). « La daroua sert de remède pour les rhumatismes, l’arthrose, l’asthme et la chute de cheveux, et elle sert également à traiter les problèmes respiratoires. Pour masquer la forte odeur du lait de chamelle et de la daroua, j’ajoute quelques gouttes d’huile essentielle, ce qui lui confère un parfum légèrement oriental », explique, pleine d’entrain, celle qui vend aujourd’hui ses produits dans les hôtels 5 étoiles à Siwa. Elle se sert également des réseaux sociaux pour écouler ses produits 100 % naturels.
Depuis la nuit des temps
La daroua du chameau est utilisée contre le rhumatisme, l’arthrose, l’asthme, les problèmes respiratoires et la chute desw cheveux. (Photo : Manar Attiya)
Les cosmétiques bio sont en vogue, et Siwa n’est pas en reste. Ce marché est là aussi en pleine expansion et attire beaucoup de femmes et de jeunes entrepreneurs. Le chômage et la hausse des prix ont poussé les habitants à se lancer dans ce type de projet, prometteur, puisque pratiquement toutes les femmes utilisent des produits de beauté. De plus, beaucoup d’entre elles ont commencé à utiliser des produits bio, car elles se sont rendu compte que les produits traditionnels — surtout le maquillage — contiennent des substances chimiques. Celles-ci peuvent assécher la peau et avoir des effets secondaires. Certaines peuvent provoquer des maladies. Ce sujet fait l’objet d’un grand débat sur Internet, notamment sur Instagram, la grande vitrine des adeptes du bio. Ces dernières années, beaucoup de blogs sont aussi apparus sur les réseaux sociaux et nombreux sont les amateurs de bio qui demandent conseil pour préparer leurs recettes. Aujourd’hui, Siwa compte 4 ateliers cosmétiques bio.
« Je me suis mise aux produits bio lors de ma première grossesse, en 2017. Cela a été le début du changement. Evidemment, pour protéger mon bébé, mais aussi du fait que ces produits respectent l’environnement, ce qui est très important pour moi », dit Mona Atef, 32 ans, qui va souvent à Siwa. Durant ses visites, elle ne manque jamais l’occasion d’acheter des produits naturels et quand elle termine son stock, elle téléphone à l’atelier pour se faire envoyer tout ce dont elle a besoin par la poste. « Enceinte et alitée, j’ai commencé à me documenter sur les produits que je consommais et sur ceux que j’appliquais sur ma peau », raconte Mona. Et d’ajouter : « Je me suis rendu compte que la plupart des produits vendus en grande surface ou en pharmacie contiennent des substances problématiques pour la santé. J’ai donc jeté tous mes produits cosmétiques et j’ai changé ma façon de faire du jour au lendemain ! Depuis, je n’achète plus que du bio ».
En 10 minutes, on obtient un masque pour le visage à base d’argile. (Photo : Manar Attiya)
En réalité, les cosmétiques bio existent depuis très longtemps. Au temps des pharaons, les Anciens Egyptiens faisaient extraire l’huile des graines de nigelle, de balanos, de behen et d’amande douce, très efficaces contre le dessèchement et le vieillissement de la peau. Cléopâtre s’enduisait souvent le corps d’huiles précieuses et elle aurait même utilisé un masque antirides à base d’huile d’abricot et d’avocat mûr pour réduire les cernes.
A Al-Zafériya, situé à l’est de Siwa, se trouve un autre atelier, dont le propriétaire est Mohamad Sami, âgé de 25 ans. Celui-ci commence par montrer les ingrédients d’un produit cosmétique bio fabriqué à base de plantes aromatiques. On s’arrête devant l’arganier, dont il a importé les racines du Maroc pour le cultiver dans son jardin de 2 feddans (l’huile d’argan est tirée des noyaux de ses fruits). C’est un peu amer, mais pas désagréable à goûter. Mohamad détaille les usages des différentes plantes et la façon de les préparer. Une fois la balade terminée, il montre comment il fabrique ses masques. « On fait d’abord réchauffer l’argile noire, puis on la coupe, avant de la faire fondre dans de l’eau chaude. On y ajoute de l’huile d’olive. En 10 minutes, on obtient une pâte argileuse, qui s’applique comme masque sur le visage », explique-t-il. Le jeune bédouin exécute l’opération devant ses petits frères pour les initier au métier. Ceux-ci sont impatients de voir le résultat. « Je suis impatient comme eux. Je dois m’assurer du résultat », dit Mohamad, en appliquant le masque sur le visage de chaque enfant.
En 10 minutes, on obtient un masque pour le visage à base d’argile. (Photo : Manar Attiya)
Mohamad Sami ne fabrique pas seulement des masques pour le visage, mais aussi, et avant tout, des savons. Il accueille les visiteurs dans une pièce mitoyenne à sa maison. Elle est équipée d’un évier pour le mélange des ingrédients et d’une armoire pour entreposer les savons. Il y passe la plus grande partie de son temps, la tête plongée dans les bulles de savon. « Ma spécialité, ce sont les plantes, les fruits et les légumes. J’ai fabriqué des savons pour tous les types de peaux. Là, vous avez un savon à base de carottes. En voici un autre, à base de lait de chamelle, qui réduit les taches sur le visage, régénère les cellules et nourrit profondément la peau et la rend plus douce », explique Mohamad, tout en indiquant que ses produits sont vendus à des prix qui sont à la portée de tout le monde.
A l’ouverture de son atelier, en 2016, Mohamad fabriquait 100 pièces par mois. Aujourd’hui, il est en mesure d’en fabriquer 3 000 par mois. Puisque ses savons sont libellés et certifiés par le ministère de la Santé, il vend 80 % de ses produits en gros aux centres commerciaux des forces armées. Les 20 % restants, il les vend à Siwa même, à Marsa Matrouh, à Alexandrie, à Port-Saïd ainsi qu’au Caire.
Vu le succès des nouveaux entrepreneurs de l’oasis de Siwa, on peut s’attendre à ce que la production de cosmétiques bio continuera de s’y développer et à faire des émules.
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