Dimanche, 10 décembre 2023
Enquête > Enquéte >

Micro-projets : Coup de pouce à l’exportation

Manar Attiya, Mardi, 30 juillet 2019

Lancée il y a deux ans auprès des jeunes porteurs de micro-projets, l’initiative « Produisons et exportons » commence à donner ses fruits. 630 jeunes hommes et femmes exportent aujourd’hui leurs articles aux quatre coins du monde. Reportage.

Micro-projets : Coup de pouce à l’exportation
(Photo : Mohamad Moustapha)

« Quand vous affichez vos produits sur Facebook, n’oubliez pas de mentionner vos coordonnées pour que l’importateur puisse vous contacter ». « Nous avons besoin d’ustensiles de cuisine pour les expédier en Ouganda ». « Félicitations Asmaa, tes articles seront exportés aux Etats-Unis ». « Prépare-toi Tareq pour exporter au Liban, deux entreprises désirent acheter des câbles électriques ». « Nous avons besoin de jolis tapis pour les exporter en Afrique ». « Où sont les fabricants de abayas et djellabas ? Plusieurs entreprises en Arabie saoudite sont intéressées et désirent en commander ». Telles sont les annonces postées sur la page Facebook créée par Dr Hana Al-Hosseiny, une femme d’affaires qui a lancé, il y a deux ans, l’initiative Hansannaa We Nessaddar (produisons et exportons). L’objectif est d’aider les jeunes chômeurs, les femmes aux revenus instables ainsi que les petites entreprises à écouler leurs produits fabriqués en Egypte en leur trouvant des marchés à l’étranger.

Micro-projets : Coup de pouce à l’exportation
Asmaa dans son atelier de couture. (Photo : Mohamad Moustapha)

L’initiative Hansannaa We Nessaddar, la première du genre en Egypte, commence à porter ses fruits. « Mon ambition est de faire connaître nos produits à travers le monde entier », dit Dr Hana Al-Hosseiny qui ne cesse d’encourager les jeunes producteurs. « En 2017, la page comptait environ 2 300 membres. Aujourd’hui, on dénombre 160 000 et ce chiffre va sûrement tripler d’ici 2020 », prévoit Dr Hana Al-Hosseiny. Les membres de cette page sont non seulement des entrepreneurs égyptiens qui résident en Egypte mais aussi des hommes et femmes d’affaires qui vivent aux Etats-Unis, au Canada, en France, dans les pays du Golfe, au Liban et en Afrique. « J’ai contacté les Egyptiens qui vivent à l’étranger pour leur demander de soutenir cette initiative et prêter main forte aux jeunes entrepreneurs qui exportent les produits qu’ils ont fabriqués », poursuit Dr Hana Al-Hosseiny.

Cette page Facebook a incité les petits producteurs à se lancer dans l’aventure. Aujourd’hui, nombreux sont ceux qui exportent de la lingerie, de la literie, des vêtements en coton, des articles faits à la main ou d’artisanat (sacs en cuir, sacs en tissu, accessoires, portefeuilles pharaoniques, etc.), ou encore des câbles électriques. Tous ces jeunes entrepreneurs déploient des efforts consentis en vue de parfaire la qualité de leurs produits. Du travail assidu, de la concurrence positive et un résultat satisfaisant, surtout que la plupart d’entre eux n’avaient aucune expérience en matière d’exportation.

Micro-projets prometteurs

Micro-projets : Coup de pouce à l’exportation
Les 160 000 membres de la page sont satisfaits de l'initiative de l'espoir. (Photo : Mohamad Moustapha)

Douée en couture depuis son jeune âge, Asmaa Gamil, la trentaine, vient d’ouvrir un atelier de fabrication de linge de lit au quartier populaire d’Al-Marg. Femme de caractère, Asmaa s’est servie de la couture pour réaliser ses rêves. Aujourd’hui, elle exporte aux quatre coins du monde des parures de draps brodés, unis ou imprimés, des couvre-lits, des draps plats, des draps housses et des taies d’oreillers. Détenant une licence de commerce, Asmaa n’espérait guère trouver du travail dans une entreprise publique ou privée. Mère de deux enfants, elle est arrivée à lancer son projet dans son propre appartement. En 2015, Asmaa a acheté sa première machine à coudre. L’objectif au départ était de repriser des draps, taies d’oreillers ou couvre-lits déchirés de ses voisines et amies. C’est en 2016 qu’elle a ouvert son atelier de 60 m2 à Al-Marg, tout près de sa maison. N’ayant que 2 000 L.E. d’économie, elle achète deux autres machines à coudre, une mécanique et une électrique et embauche deux de ses voisines dont les conditions de vie sont difficiles. « Une veuve et une femme divorcée qui subviennent seules aux besoins de leurs enfants. Je leur ai appris à coudre et depuis, elles sont devenues très compétentes et elles travaillent de façon assidue », dit la jeune entrepreneure. Huit mois plus tard, ayant gagné un peu d’argent, Asmaa s’est offert deux autres machines à coudre. Aujourd’hui, elle en possède cinq. Juste après le lancement de son projet, il y a deux ans, Asmaa est devenue membre de l’initiative Hansannaa We Nessaddar sur Facebook. Pour elle, c’est le début d’une vraie carrière. Elle a commencé à exporter ses articles Made in Egypt en Jordanie, au Koweït, à Dubaï et dernièrement aux Etats-Unis. « Sans l’initiative et les encouragements de Dr Hana Al-Hosseiny, je n’en serais pas là. Elle m’a résolu un des plus grands problèmes qu’affrontent les jeunes qui ont monté des micro-projets, à savoir, la commercialisation. Grâce à la page Facebook, j’ai réussi à avoir accès à un marché plus vaste et j’ai pu vendre mes articles », confie Asmaa Gamil, qui vient de s’installer dans un atelier plus grand (200 m2) dans la zone industrielle d’Al-Marg.

Asmaa est la première femme d’affaires à s’être lancée dans l’exportation grâce à cette initiative. « Je n’oublierai jamais cette date du 15 avril 2017. Asmaa pleurait de joie, car pour la première fois, elle avait exporté ses articles en Jordanie », relate Dr Hana Al-Hosseiny, qui se considère comme « la maman » de tous les jeunes et futurs entrepreneurs.

Miser sur les jeunes

En fait, l’idée de lancer l’initiative Hansannaa We Nessaddar taraudait l’esprit de Dr Hana Al-Hosseiny depuis 2008, à l’époque où elle était directrice générale dans un bureau commercial dans un pays africain. « En tant que directrice commerciale, je devais faire une étude sur des marchés et j’ai constaté que les produits égyptiens n’étaient pas présents sur le marché africain », explique Dr Hana Al-Hosseiny. Compte tenu de ses bonnes relations avec des hommes d’affaires étrangers, Hana Al-Hosseiny a invité certains d’entre eux à visiter des usines en Egypte en vue de les séduire. Ensuite, elle leur a demandé de découvrir les petits ateliers qui occupent les rez-de-chaussée des immeubles, tout en leur expliquant qu’avec de la persévérance, ces jeunes entrepreneurs pourraient réaliser des exploits. Comme première étape, Hana Al-Hosseiny a pris contact avec les Egyptiens qui vivent à l’étranger en leur demandant de lui donner un coup de main. « Et pour mieux écouler nos produits égyptiens, nous avons créé un site Web, le 10 juin 2019, www.egymetalz.com », précise-t-elle. Quant à la seconde étape, elle s’est évertuée à prodiguer des conseils pour que les jeunes fabricants améliorent la qualité de leurs produits. Dr Hana a remarqué que dans plusieurs ateliers, la productivité était élevée mais que les finitions laissaient à désirer. Il fallait donc améliorer la qualité. « J’achetais des articles de bonne qualité, fabriqués en Chine ou en Turquie et je demandais aux jeunes de les imiter mais en y ajoutant une touche d’originalité ou d’audace, tout en insistant sur le fait que le travail doit être impeccable et donc fabriqué à la perfection car ce sont des produits qui porteront le label Made in Egypt », poursuit Dr Hana.

Micro-projets : Coup de pouce à l’exportation
Les 160 000 membres de la page sont satisfaits de l'initiative de l'espoir. (Photo : Mohamad Moustapha)

Autre exemple de réussite, celui de Tareq Ibrahim, âgé de 32 ans, détenant un diplôme technique moyen. Il est propriétaire d’un atelier de « pinces à linge ». Lui et son ami Rami ont décidé de se lancer dans la fabrication de pinces à linge en plastique et en bois. Le capital d’un tel projet n’étant pas énorme, soit 40 000 L.E., chacun a mis 20 000 L.E. Ils ont loué un terrain de 50 m2 pour lancer leur petit projet à Massaken Al-Khossous, région industrielle dépendant de Choubra Al-Kheima. Dans cette région, il y a des centaines d’ateliers, juxtaposés les uns aux autres : des ferronneries, des menuiseries, des teintureries, des briqueteries, de petites cimenteries, ainsi que des ateliers de mécanique, de soudure, de réparation d’appareils électroménagers et des vulcanisateurs. Et c’est dans cette région que Tareq a passé son enfance.

A l’âge de 10 ans, Tareq avait pour habitude de travailler dans ces ateliers durant les vacances d’été. Dès le mois de mai et jusqu’à septembre, Tareq passait d’un atelier à l’autre. Il écoutait attentivement ses maîtres. A cette époque, il gagnait 20 L.E. par semaine. Tareq a toujours rêvé d’avoir son propre atelier. Aujourd’hui, il jouit d’une grande renommée et ses clients viennent de tous les gouvernorats pour acheter ses pinces à linge. En plus, grâce à l’initiative, il a réussi à exporter ses articles dans deux pays arabes.

Une expansion remarquable

Satisfaits par l’initiative, les 160 000 membres de la page Facebook l’ont surnommé « L’initiative de l’espoir ». Par le biais de Hansannaa We Nessaddar, 10 jeunes entrepreneurs ont réussi à exporter leurs produits durant l’année 2017. En 2018, ce chiffre a augmenté, soit 230 producteurs-exportateurs. Et les prévisions pour 2019 s’attendent à ce que le chiffre double. « Aujourd’hui, ces jeunes exportent vers des pays européens et aux Etats-Unis tout ce qui est fait à la main (nappes, sacs, broderies, crochets, etc.), produits en coton. Alors que tous les produits industriels, pétroliers, électriques et électroniques sont acheminés vers l’Afrique, il faudra inonder les marchés africains des produits égyptiens et profiter du moment que l’Egypte est à la tête de l’Union africaine », note Dr Hana Al-Hosseiny.

Micro-projets : Coup de pouce à l’exportation
Les membres de la page Facebook ne sont pas de jeunes entrepreneurs égyptiens qui vivent seulement en Egypte, mais aussi à l’étranger. (Photo : Mohamad Moustapha)

Parmi ces jeunes entrepreneurs qui ont réussi à exporter vers l’Afrique, Tareq Al-Chérif. Détenant un diplôme polytechnique datant de 2002, Tareq, très ambitieux, a réussi à réaliser son rêve. Aujourd’hui, Tareq possède une entreprise qui fabrique des éclairages de sécurité qui vont de pair avec les normes européennes et américaines (Iso 9001 et Iso 1400). « On utilise ce genre d’éclairage lorsque le courant électrique est coupé. Ce genre d’éclairage s’allume automatiquement quand l’éclairage principal tombe en cas d’incendie. Ce qui permet d’évacuer les gens en toute sécurité », explique-t-il. Le capital de son projet atteint aujourd’hui 1,5 million de livres. « Quand j’ai obtenu mon diplôme, je n’avais aucun sou en poche », dit-il. Et d’ajouter : « Cette initiative a permis de créer des registres industriels temporaires pour tous ceux qui ont lancé des micro-projets dont je fais partie moi-même ». Tareq a commencé à exporter ses produits en 2018, et ce, après avoir assisté à la Foire commerciale intra-africaine. « Exposer ses articles à l’intérieur d’une telle foire coûte très cher, l’équivalent de 9 000 L.E. pour 7 jours. Mais je n’ai rien payé grâce à l’intervention des responsables de l’initiative », dit Tareq Al-Chérif. Cette foire représentait une plateforme de partage d’informations sur le commerce, l’investissement, les marchés … « C’est dans cette foire que j’ai fait la connaissance des importateurs qui ont acheté, par la suite, les produits de mon entreprise. J’ai exporté au Maroc, en Sierra Leone, en Ouganda, au Mali, aux Emirats, et prochainement, je dois exporter vers l’Arabie saoudite », précise Tareq avec fierté.

Et pour mieux écouler les articles fabriqués par ces micro-entreprises, les membres importants de cette initiative se rendent en Afrique (Sierra Leone, Ghana, Sénégal, Guinée, Tanzanie, Ouganda et Rwanda) pour trouver des importateurs intéressés par les articles égyptiens, tout en montrant des échantillons aux Egyptiens qui vivent à l’étranger. « Nous avons besoin de créer un ministère spécialisé pour les micro-projets et les petites entreprises pour contrôler la qualité des produits conformément aux différents marchés », résume Dr Hana Al-Hosseiny.

Pour avoir accès plus facilement aux clients étrangers, il est prévu de créer une plateforme en ligne ou une application mobile dans les jours qui viennent pour montrer que l’Egypte possède diverses micro-entreprises. Cette initiative non seulement encourage à l’exportation, mais aussi incite les citoyens égyptiens à acheter les produits fabriqués par ces petites entreprises, pour qui on a facilité les choses en leur cédant des échoppes durant l’été pour écouler plus facilement leurs articles, et ce, à titre gratuit.

Lien court:

 

En Kiosque
Abonnez-vous
Journal papier / édition numérique