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Un conflit complexe et une multitude d’acteurs

Maha Salem avec agences, Mardi, 01 janvier 2019

Trouver un terrain d’entente, un défi monumental dans un pays où plusieurs autorités politiques se disputent le pouvoir et où de multiples groupes et groupuscules armés de tendances différentes sont actifs. Retour sur les forces en présence en Libye.

La Libye est déchirée entre plusieurs camps, et la situation est plus que jamais compliquée, puisque c’est la divergence d’intérêts qui empêche, pour l’instant, d’espérer une résolution imminente de la crise. Il existe, en effet, beaucoup de tribus et de petits groupes et factions armés. Et il faut les intégrer tous dans le processus de paix, car ils ont la capacité de le saboter. Mais avant d’intégrer ces parties, il convient d’unifier les forces au pouvoir. Car en Libye, il existe actuellement deux gouvernements : un gouvernement reconnu par la communauté internationale, le GNA, dirigé par Fayez el-Sarraj et basé à Tripoli avec son parlement ; le second, non reconnu par la communauté internationale, exerce son pouvoir dans l’est libyen partagé entre Tobrouk (siège du Parlement) et Baïda (siège du gouvernement) et a été formé par les députés dissidents du parlement (Chambre des représentants) et présidé par Aguila Salah. A ces deux gouvernements s’ajoutent deux autres acteurs : Khaled Al-Mechri, président du Conseil d’Etat qui siège à Tripoli au côté du GNA, et le maréchal Khalifa Haftar, qui domine l’est du pays avec son « Armée Nationale Libyenne » (ANL) qui soutient le parlement. Quant au GNA, il est protégé par une coalition de milices dénommée « Fajr Libya » (aube de Libye).

Dans une tentative d’unifier les forces politiques, la médiation onusienne a poussé les deux autorités à signer l’accord interlibyen de Skhirat (Maroc) le 17 décembre 2015. Cet accord a donné naissance à un Conseil Présidentiel (CP) de neuf membres dirigé par le premier ministre Fayez Al-Sarraj, et chargé de constituer un gouvernement d’union nationale GNA. Mais un an après la signature de cet accord, le maréchal Khalifa Haftar, qui soutient le deuxième gouvernement et joue un rôle important, a annoncé en décembre 2017 son refus de reconnaître toute décision issue du GNA de Tripoli.

Parallèlement, Khalifa Haftar — qui affirme avoir plus de 75 000 hommes contrôlant le sud du pays et les frontières libyennes (chiffre non confirmé) et qui se donne comme image celle de celui qui a su combattre avec succès les terroristes — a fait ces derniers mois des alliances et des accords avec plusieurs tribus et factions dans le sud et l’ouest du pays. Il est soutenu par plusieurs milices, dont celles, réputées, de Zenten. Grâce à ces alliances, il a pu détruire les milices djihadistes et prendre le contrôle d’une grande surface des territoires libyens.

Face à l’ANL, il existe aussi l’armée libyenne officielle, considérée comme l’armée de l’ex-président Mouammar Kadhafi. Elle est aujourd’hui non seulement affaiblie, mais également marginalisée. Elle comprendrait à peu près 130 000 soldats et officiers, chiffre aussi non affirmé, mais le plus important est qu’ils n’ont aujourd’hui aucun rôle officiel. Et une grande partie des casernes et des armes ont été récupérées par diverses milices au fil des années.

Pour nombre d’observateurs, une armée nationale officielle forte et bien gérée représente la seule solution au problème des milices innombrables auquel fait face le pays aujourd’hui, morcelé entre diverses tendances. L’intégration des milices au sein de l’armée officielle est un problème régulièrement mis en avant par les diverses instances gouvernementales depuis le début du processus de transition fin 2011. « Si les généraux de cette armée acceptent de s’unifier avec leur rival Haftar et son armée, cela donnera lieu à une forte puissance militaire. Il est erroné de négliger la présence de l’armée officielle et la neutraliser », explique Dr Mona Solimane, professeure de sciences politiques à l’Université du Caire.

Mais ce n’est pas tout. Une autre force est apparue. Connue par Radaa, Forces de Dissuasion Spéciale (FDS), elle est dirigée par Abdel-Raouf Kara. Elle est de tendance salafiste et est composée de quelque 1 500 hommes, majoritairement d’anciens officiers de police pré-2011. Elle est soumise aux ordres du ministère de l’Intérieur et combat Daech et d’autres groupes extré­mistes. Principalement basés à Tripoli, il arrive aux FDS d’opérer à l’extérieur de la capitale libyenne, dans les grandes villes comme Benghazi, Sabratha, Syrte, Derna, etc. Mais la tendance salafiste de Radaa pose problème : le groupe est régulièrement accusé de vouloir imposer la charia.

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