Al-Ahram Hebdo : L’Egypte sera à la tête de l’Union Africaine (UA) à partir de février 2019, succédant au Rwanda. Quelles sont les grandes lignes de son agenda ?
Tareq Radwan : L’Egypte possède un agenda de réformes bien défini et très ambitieux pour sa présidence de l’UA. Au cours des quatre dernières années, l’Egypte a réussi à renforcer sa présence dans le continent noir. La preuve en est que le président Abdel-Fattah Al-Sissi a consacré 35 % de ses visites à l’étranger à l’Afrique, portant un message clair que la coopération avec l’Afrique figure à la tête des priorités de la diplomatie égyptienne. L’Egypte travaillera sur plusieurs dossiers, comme l’unification des visions africaines, la création de canaux de communication et l’augmentation des échanges commerciaux intra-africains, ainsi que l’élaboration d’une stratégie continentale permettant de créer des opportunités pour les jeunes du continent qui représentent plus de 65 % de sa population. Lors de la dernière conférence du COMESA, organisée à Charm Al-Cheikh, le langage adopté par le président de la République était celui du président de l’UA lorsqu’il s’adressait à la Banque africaine, à la Banque mondiale, aux autres banques régionales ou aux pays ayant des intérêts en Afrique.
— Quels seront les axes prioritaires de l’Egypte ?
— La coopération économique figure à la tête des priorités de l’Egypte. Il s’agit de créer des routes et d’ouvrir des voies maritimes et aériennes ainsi que d’améliorer les infrastructures de transport en Afrique. Outre le volet économique, l’extermination du terrorisme, la lutte contre les virus et l’assurance de soins médicaux de qualité représentent d’autres axes fondamentaux. Sans oublier la coopération culturelle et sociale entre l’Afrique et l’Egypte qui est une partie intégrale du continent noir. La présidence égyptienne de l’UA est arrivée à un moment où l’attention du monde entier se tourne vers l’Afrique. La présidence égyptienne de l’UA n’est que le début d’une longue série de succès et de coopération avec les pays du continent.
— Quelle est la vision égyptienne concernant la lutte contre le terrorisme en Afrique ?
— L’Egypte possède une stratégie bien définie concernant ce dossier. La guerre que l’Egypte a menée contre le terrorisme, durant les quatre dernières années, lui a permis d’être l’un des leaders dans ce domaine. De plus, elle a une vision claire et nette concernant la lutte contre les groupes organisés, tel Boko Haram qui prédomine l’Afrique de l’Ouest. L’Egypte a pris à sa charge de former les forces armées dans ces pays pour combattre les groupes terroristes.
— Et quel est le plan d’action de l’Etat au niveau ministériel envers le continent ?
— Des réunions intensives ont été organisées entre les membres de la commission des affaires africaines, les responsables du pouvoir exécutif représenté par des ministères, des organisations, Al-Azhar, le pape Tawadros, des différents organes de la presse et des médias, ainsi que la Chambre de l’industrie de l’information. L’objectif de ces rencontres est d’élaborer une étude comparative pour chaque pays, de lister les opportunités prometteuses en Afrique, de déterminer les pays où la présence de l’Egypte est faible, mais aussi de déterminer les risques éventuels que l’Egypte pourrait affronter. Un travail que nous avons commencé et que nous poursuivrons.
— Vos récentes rencontres avec des ambassadeurs africains ont-elles été fructueuses ?
— J’ai reçu plusieurs ambassadeurs africains afin de tisser des liens avec leurs pays, ce qui représente un premier pas sur la voie de la coopération.
Durant ces réunions, les ambassadeurs ont mis l’accent sur les besoins de leurs pays dans plusieurs domaines, à l’instar de bourses d’études, d’investissements, d’échanges commerciaux ou d’amélioration de la coopération bilatérale dans les domaines économique, touristique et agricole, outre la création d’instituts éducatifs et religieux affiliés à Al-Azhar ainsi que des lieux de culte copte.
— Qu’en est-il de la coopération entre le parlement égyptien et les autres parlements africains ?
— Le comité envisage de créer des canaux de communication directs entre le parlement égyptien et le parlement de chaque pays pour que les relations entre les parlements africains ne se limitent pas à l’Union des parlements africains. Des relations au niveau législatif devraient, en fait, précéder les relations au niveau exécutif.
— Quels seront les défis de la présidence de l’UA ?
— L’un des défis majeurs est dans le domaine de la santé, vu que 75 % des personnes atteintes du sida dans le monde résident en Afrique et que plus de 90 millions d’Africains sont atteints du virus C. Un tel défi exige une vision et une expérience. A mon avis, nous les possédons et nous sommes capables de surmonter ce défi et de lutter contre ces maladies.
— Quelle est la vision de l’Egypte en ce qui concerne la réforme de l’UA ?
— L’UA ne pourra être effective que si elle possède une vision et un plan unifiés. Nous travaillons sur deux volets, le premier est la création de contacts directs entre les Etats africains, alors que le deuxième est le développement des échanges économiques sur le continent noir. En fait, l’agenda 2063 de l’Union africaine et la vision de l’Egypte 2030 sont sur la même longueur d’onde.
Ne pas permettre à l’Occident d’usurper les ressources naturelles du continent et accroître les bénéfices des pays africains de ces richesses sont des principes indispensables dans le cadre de cette réforme. Une réforme qui ne sera possible que par le renforcement des relations interafricaines.
— En général, comment l’Egypte pourra-t-elle profiter de sa présidence de l’UA ?
— L’UA est la porte d’entrée vers le continent. Le retour de l’Egypte au bercail africain a plusieurs avantages qui se reflètent surtout sur la sécurité nationale. L’Egypte pourra également réaliser de grands gains économiques vu que c’est un pays de transit pour le commerce et l’industrialisation dans le continent noir.
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