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Zamalkawi et fier de l’être !

Hanaa Al-Mekkawi, Lundi, 02 avril 2018

Après la récente élimination de Zamalek de la Coupe de la confédération africaine, les fans du club sont une fois de plus déçus. Habitués à cette contrariété en raison des mauvais résultats du club, les supporters prennent leur mal en patience en attendant de meilleurs lendemains. Et surtout en soutenant corps et âme leur équipe.

Zamalkawi et fier de l’être  !

Le match Ahli-Zamalek est sur le point de commencer. Les supporters des deux clubs sont là depuis plusieurs heures déjà, drapeaux en main. Au bout des 90 minutes de jeu, la Citadelle blanche, comme on appelle Zamalek, perd le match, mais aussi le derby. Pour la quatrième année. Pour les supporters de l’équipe, la déception est grande. C’était en janvier dernier. Et les Zamalkawis ne sont pas au bout de leur peine. Il y a quelques semaines, le club a été éliminé de la Coupe de la confédération africaine. « On sentait d’avance qu’on allait perdre », lance un des supporters très contrarié. « Cela ne nous empêche pas d’encourager notre équipe. Entre nous, c’est une histoire d’amour qui date depuis longtemps », ajoute-t-il.

Cela fait des années que ces supporters sont frustrés par la piètre performance de leur équipe. Et pourtant, avec Ahli, Zamalek demeure l’un des deux pôles du foot égyptien.

En Egypte, on est soit zamalkawi, soit ahlawi. Autrement dit, les autres clubs jouent le rôle de comparse et leurs joueurs font preuve de prouesses techniques pour se faire remarquer en espérant rejoindre un de ces deux grands clubs.

Une bipolarité normale, à l’instar du Real Madrid et du FC de Barcelone en Espagne, ou de la Juventus Turin et du Milan AC en Italie. « Cependant, en Egypte, encourager une équipe de foot est un phénomène plus social que sportif », explique la psychologue Safinaz Abdel-Ghaffar. Si le foot est le sport le plus populaire à travers le monde, il prend ici une place particulière. Les Egyptiens vivent dans des conditions difficiles, ils ont besoin de cette passion pour délivrer leur trop-plein d’énergie, leur trop-plein de frustrations. « Les Egyptiens en ont assez des discours politiques et religieux, ils préfèrent exprimer leurs émotions dans un stade où ils peuvent vivre le suspense, encourager les joueurs et exploser de joie en cas de victoire. Une façon pour eux d’exister; l’important, c’est l’état d’âme et l’ambiance que crée un match de foot », dit Safinaz Abdel-Ghaffar.

Plaisanteries de mauvais goût

Chaque match entre les deux équipes phare est donc un duel. Un duel sur le terrain, entre les joueurs, un autre entre les supporters. « Mon cauchemar commence avant chaque match quand l’équipe joue contre Ahli. D’avance, c’est le sentiment de défaite », lance Mohamad, professeur de 44 ans. Comme de nombreux fans des Blancs, ce dernier ne cache pas qu’il déteste Ahli plus qu’il n’aime Zamalek. Qui plus est, Mohamad, et d’autres Zamalkawis, croient fermement qu’il y a un complot contre Zamalek. « Ahli, c’est le club de l’Etat », lance Ayman Ahmad, propriétaire d’un restaurant. Et d’ajouter: « Les hommes d’affaires proches de l’Etat soutiennent Ahli. Ils le sponsorisent, mettent le paquet pour que l’équipe achète les meilleurs joueurs. Et l’argent, ça compte. Nous, à Zamalek, n’avons pas ce soutien, c’est pour ça qu’on n’arrive pas à obtenir de meilleurs scores ».

Théorie du complot ou non, problèmes d’argent ou non, peu importe les raisons, le résultat est le même : un sentiment de déception continuel chez les Zamalkawis. Un désappointement d’autant plus grand que la performance du club est devenue source de railleries. Et en Egypte, un pays où presque tout le peuple a un sens de l’humour poussé, on se moque de tout et de n’importe quoi, et l’on tourne même en dérision le plus grand des malheurs; les plaisanteries à l’égard de Zamalek ne manquent pas. Que ce soit dans les médias, les réseaux sociaux, entre amis, à chaque match perdu par Zamalek, c’est la série de moqueries et de risées qui explose. De quoi frustrer les supporters de Zamalek qui tentent de les ignorer, affichant un soutien sans faille à leur club, gagnant soit-il ou perdant.

Zamalkawi et fier de l’être  !
Des fans toujours présents pour soutenir et encourager leur équipe.

« Si je soutiens un club, ce n’est pas parce qu’il est toujours en tête, c’est une appartenance inconditionnelle, un acte de fidélité et de loyauté. Je ne vais pas changer de club au gré des résultats de la coupe ou du derby ! », lance Adel Ahmad, qui reconnaît cependant qu’il préfère regarder les matchs Ahli-Zamalek seul, pour éviter les commentaires de ses amis, en majorité ahlawis. « Je suis de la génération qui a connu les moments de gloire de ce club et j’ai eu l’occasion de voir de grands joueurs à l’exemple de Taha Besri, Al-Khawaga, Farouq Gaafar, Al-Chichini et d’autres. Et, dans les années 1990, on a connu la génération de Hazem Emam, Mido et Hossam et Ibrahim Hassan. Par la suite, le club a commencé à régresser », dit-il.

Des sphères 100 % zamalkawies

La roue tourne. Et les Zamalkawis espèrent toujours revivre les gloires d’antan. « On ne peut goûter à la victoire sans avoir connu l’échec », dit la psychologue Safinaz Abdel-Ghaffar. Les Zamalkawis en sont conscients, et en attendant, ils prennent leur mal en patience. Et se créent leurs propres espaces pro-Zamalek. Sur les pages Facebook des fans du club, ils se livrent sans réserve. Le défendent et le dénoncent. Racontent leur passion et leur rancoeur. Analysent et justifient ses résultats. Sur l’une de ces pages, Galal explique à sa manière les origines d’une déchéance. Trois raisons, selon lui, l’expliquent : d’abord, les joueurs de Zamalek n’ont pas été formés dès leur jeune âge au sein du club et donc n’éprouvent pas l’attachement qu’il faut à leur t-shirt blanc. Ensuite, le club ne recrute jamais de bons entraîneurs. Ajoutons enfin à cela la direction qui manque de compétence et s’ingère dans les affaires du foot sans aucune logique. « La preuve : au cours des quatre dernières années, l’équipe a changé 22 fois d’entraîneur, ce qui est excessif », dit Galal, 76 ans, qui soutient son équipe depuis l’âge de 12 ans, et qui avoue fermer son portable après chaque match pour éviter d’être tourné en dérision par ses enfants, ses proches et ses amis.

Le club de l’élite

Et les Zamalkawis de se consoler mutuellement aussi, de rappeler les gloires d’antan et d’insister sur le fait que ce n’est qu’une une période passagère. « Zamalek est la première équipe égyptienne à avoir participé à la Coupe du monde des clubs en Espagne en 2001. Un passé glorieux. Même si notre club connaît actuellement quelques difficultés, aujourd’hui, c’est à nous de le booster », dit Lotfi, âgé de 38 ans. Des propos qui s’échangent surtout entre les supporters les plus âgés. Les « nouveaux venus », eux, insistent sur le fait d'être aux côtés des anciens fans, convaincus que c’est un grand club qui mérite d’être encouragé. « Zamalek, c’est l’équipe de l’élite, alors pourquoi ne pas l’encourager ? », lance Mohamad Safti, 16 ans. Et d’ajouter que des célébrités comme Amr Diab, Mohamad Mounir et Hani Chaker sont des fans du club. Ce jeune adolescent connaît le nombre de championnats auxquels son club a participé et les noms des joueurs de plusieurs générations. Il affirme qu’il est un membre très actif sur les différentes pages de fans de ce club et ne rate aucun des matchs, quelles que soient les circonstances. « On soutient notre équipe pour gagner, pas parce qu’elle gagne », dit Mohamad.

En effet, Zamalek a longtemps été le club de l’élite. Fondé en 1911, sous le nom du club de Qasr Al-Nil, Zamalek a changé de sièges et d’appellations plusieurs fois. C’est durant la Révolution de 1952 que le club reçoit son nom actuel. Les joueurs de Zamalek se distinguent par leur t-shirt blanc, symbole de la pureté et de la paix. Les deux rayures rouges symbolisent la lutte pour la victoire. Le logo du club illustre un pharaon tirant des flèches, symbole de l’identité égyptienne et de la persévérance pour atteindre ses objectifs. La Citadelle blanche, l’école de l’art et de l’ingéniosité, ce sont les surnoms que l’on a donnés à ce grand club.

Un club auquel on s’attache envers et contre tout, comme l’estime le critique sportif Hassan Al-Méstékawi. Quand on est fan, c’est pour la vie. « Il est inimaginable de voir des Zamalkawis soutenir un autre club. Zamalek, c’est comme une nation, une religion, une identité dont on ne peut pas se séparer ».

Et des fans d’attendre de meilleurs lendemains à tel point de se fier à l’astrologie : l’astrologue Ahmad Chahine a mentionné que la date de naissance du club coïncidait avec le signe du taureau, ce qui signifie que cette année, l’équipe n’aura pas beaucoup de chances en début d’année, mais que la situation pourrait ensuite se renverser et que le club pourrait remporter le derby. Une lueur d’espoir pour les fans les plus férus ....

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