Une palmeraie de plus de 6 000 arbres s’étend sur 70 feddans. On y trouve plusieurs variétés de palmiers garnis de grands régimes remplis de dattes de couleur ambrée, jaune clair, marron clair et foncé, brun noir et acajou, soutenues par de fines branches de couleur jaune ressemblant à des bâtons en plastique. Chaque année, suivant les mêmes rituels ancestraux, de septembre jusqu’à fin novembre, des centaines de villageois se donnent rendez-vous au pied des palmiers pour récolter les régimes qui pendent aux arbres au village Maraqi, situé à Siwa (environ 720 km du Caire).
Comme tous les villages siwis, ce village est en effervescence. Hadj Hamed, appelé hazzaz (secoueur) et propriétaire de la palmeraie, secoue les palmiers aidé de quelques hommes de son âge. « Le secouement est une tâche réservée aux plus vieux qui n’ont plus la force de faire grand-chose », dit hadj Hamed, 70 ans, les pieds solidement plantés au sol. Quant aux enfants et adolescents, appelés tallaeïnes ou grimpeurs, ils sont chargés de la tâche la plus difficile, qui est celle de grimper sur les arbres pour couper les régimes de dattes. Assises à même le sol, les femmes et les jeunes filles font le tri des dattes puis les disposent dans des caisses en plastique.
En fait, c’est la saison de la cueillette des dattes à Siwa et toute la population semble affairée pour récolter ces beaux fruits, exerçant chacun une tâche précise. En effet, le palmier-dattier est la principale richesse de Siwa dont la superficie des plantations s’élève à 1 088 km2. Cette région située à l’ouest de l’Egypte, à 302 km de Marsa Matrouh et à proximité de la frontière libyenne, compte environ 750 000 palmiers-dattiers, selon le président de la ville de Siwa. Chaque siwi possède une plantation de 50, 30 ou 20 feddans, et les plus pauvres 15, 10 ou 5 feddans. « A la cueillette, la vente de la production de dattes suffit aux besoins de la famille durant toute l’année », poursuit-il.
Un festival annuel

Un festival regroupant les plus grands importateurs et distributeurs de dattes dans le monde
(Photo : Mohamad Abdou)
Vu que le secteur des dattes est un pilier-clé pour la promotion de l’économie égyptienne, l’Etat a vu la nécessité d’encourager la culture des palmiers-dattiers visant à augmenter l’exportation des dattes à travers le monde. Et c’est la raison pour laquelle que le ministère du Commerce et de l’Industrie a décidé d’organiser chaque année, en novembre, un festival, en coopération avec le Prix international Khalifa des palmiers-dattiers aux Emirats arabes unis. « L’idée du festival a été accueillie chaleureusement. Les dattes de Siwa ont bonne réputation », dit Dr Abdel-Wahab Zayed, secrétaire général du comité qui décerne le prix. D’autres partenaires stratégiques participent également à l’organisation du festival : l’Organisation des Nations-Unies pour le Développement Industriel (ONUDI), l’Organisation des Nations-Unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO), le ministère de l’Agriculture et de la Bonification des terres, le conseil d’exportation pour les industries alimentaires, le conseil d’exportation des produits agricoles et d’autres sociétés privées.
« Pour encourager les propriétaires, les agriculteurs, les fermiers de Siwa, ainsi que les exportateurs et les importateurs du monde entier, nous avons décidé d’organiser à nouveau ce festival après le grand succès des deux précédents qui ont eu lieu en 2015 et 2016. Ce festival, qui rassemble les plus grands importateurs et distributeurs de dattes dans le monde, constitue un grand soutien aux cultivateurs. C’est aussi une façon de faire de la propagande et du marketing pour les dattes de Siwa et pour que les parties concernées aient une idée sur la qualité des dattes égyptiennes. Aujourd’hui, l’Etat soutient cette culture dont la production s’élève à 1,5 million de tonnes par an à travers toute l’Egypte, considérée comme le pays producteur numéro 1 au niveau mondial », note avec précision Dr Amgad Al-Qadi, directeur du Centre de technologie industrielle ali mentaire auprès du ministère du Commerce et de l’Industrie. Ce genre d’événement vise à exploiter les ressources disponibles en Egypte, améliorer la productivité, la qualité et renforcer la capacité concurrentielle des producteurs, afin de cibler les marchés à l’exportation. « Certainement, la production des dattes augmente d’une année à l’autre. L’Egypte, qui comptait 6 millions de palmiers dattiers en 1980, a atteint le chiffre de 15 millions en 2015, conformément aux dernières statistiques. Considéré comme étant le premier producteur de dattes sur le plan mondial, l’Egypte est considérée comme le berceau historique d’une des meilleures variétés de dattes », poursuit Dr Ezz Al-Dine Gadallah, travaillant auprès du laboratoire central des dattes au Centre des recherches agricoles.
30 000 tonnes par an

La production de dattes s’élève à 1,5 million de tonnes par an en Egypte.
(Photo : Mohamad Abdou)
Le palmier dattier cultivé à Siwa, depuis la nuit des temps, est un arbre qui mesure entre 15 et 30 mètres de haut. « Le palmier vit les pieds dans l’eau et la tête au soleil, comme on dit », précise Eleiwa, cultivateur de 45 ans qui travaille dans une grande palmeraie à Siwa. Comme n’importe quel villageois, il a hérité du métier de son père et possède 5 feddans. Il apprend à ses 7 enfants comment cultiver ces arbres. Un métier qui se perpétue de père en fils. Tous ses enfants rêvent d’avoir leurs propres palmiers dattiers, même le plus jeune de 10 ans, Zeinhom, qui a acquis une expérience incomparable en matière de culture. « Un arbre peut produire chaque année jusqu’à 100 kg de dattes. Deux conditions sont essentielles pour la culture d’un palmier : l’eau et la chaleur. Le palmier a besoin d’un climat sec et chaud et d’une température qui varie entre 40° et 50° », note le petit fermier Zeinhom.
En fait, l’Etat élabore une stratégie nationale de développement du secteur des dattes en Egypte. Cette production n’est pas uniquement l’apanage de Siwa qui produit 30 000 tonnes par an. C’est l’oasis Bahariya dans le gouvernorat de la Nouvelle Vallée qui produit la plus grande quantité de dattes, soit 60 000 tonnes par an, néanmoins, celles de Siwa restent les meilleures.
A Siwa, il existe plus de 20 variétés de dattes. Et si les espèces et les noms diffèrent, le facteur commun c’est leur bon goût. « Al-Féreihi au léger voile blanc est consommée durant le mois sacré du Ramadan et se mange accompagnée de lait chaud ; Al-Keëbi de couleur acajou et dure, peut être dégustée fraîche ou sèche ; Karama, datte ronde de couleur jaune, est la plus chère, environ 30 L.E. le kilo ; Tatgatte est un fruit de couleur jaune doré, au goût très sucré et dont le kilo coûte 30 L.E., mais la plus réputée des espèces est la datte siwie saïdie. Elle porte le titre de la reine des dattes et elle est de couleur marron clair ou jaune. Délicieuse, elle se consomme comme un fruit frais », explique Am Bilal, qui a une grande expérience dans le domaine des dattes.
Riches en calories, en vitamines, en minéraux et en valeur nutritive, les dattes fournissent un apport énergétique appréciable. « Ce fruit renferme l’essentiel dont notre corps a besoin : du calcium, du sodium, du magnésium, du phosphore, du fer et des vitamines A et B … », dit hadj Abdel-Fattah Saleh, un vieux du métier et qui parle comme un médecin qui conseille à ses patients de consommer des dattes pour garder une bonne santé. « Nos ancêtres se nourrissaient de dattes durant leurs longs voyages à travers le désert, pour combler leurs besoins calorifiques durant la journée », poursuit hadj Abdel-Fattah Saleh, en se souvenant des histoires que lui racontaient ses grands-parents. Agé de 72 ans, hadj Abdel-Fattah s’est lancé dans la production des dattes en 1979. Il est un expert dans ce domaine : culture, séchage, emballage, vente locale et internationale.
Hadj Abdel-Fattah commence à raconter son histoire de lutte et de succès. Pas très instruit, il sait à peine lire et écrire. Ayant six enfants à charge, hadj Abdel-Fattah n’avait pas les moyens de subvenir à leurs besoins. Il a commencé à travailler dans le commerce des dattes. Il achetait le kilo à 20 piastres pour le vendre à 50 piastres. Plus tard, il a décidé de se lancer dans la fabrication de produits à base de dattes en occupant une pièce chez lui. Avec le temps, il a fini par posséder la plus grande industrie de dattes à Siwa et aussi à travers l’Egypte.
Une industrie aussi

Toute la population participe à la cueillette des dattes.
(Photo : Mohamad Abdou)
A quelques kilomètres de l’oasis de Siwa, dans la région Salam, l’usine de hadj Abdel-Fattah, d’une superficie de 1 750 m2, se dresse tel un immense cube de couleur blanc-saumon dans ce désert. Une usine gérée par ses deux fils, et dont l’objectif est de développer ses produits et parfaire la qualité de ses dattes fourrées aux amandes, aux noisettes, aux pistaches et aux noix de cajou.
A l’intérieur de l’usine, une dizaine de femmes en blouse bleue trient et calibrent les dattes qui défilent sur un tapis roulant avant de les peser, les ranger dans des boîtes, puis les stocker dans une chambre frigorifique. Les fruits traités viennent des palmeraies des alentours amenés en motos ou camionnettes. « Jadis, les dattes étaient transportées à dos d’âne ou sur une charrette tirée par un cheval », se souvient hadj Abdel-Fattah.
C’est à travers ce travail collectif, regroupant tout le secteur des dattes, que l’exportation des dattes a augmenté en Egypte. « Nous avons ouvert de nouveaux marchés englobant 11 pays en 2015, importateurs de dattes. Ce nombre a quadruplé en 2016 pour devenir 52 pays, dont le Maroc, l’Indonésie, la Malaisie, la Thaïlande, le Sri Lanka et Singapour. L’exportation des dattes était évaluée à 36 000 tonnes en 2015. Ce chiffre a augmenté pour devenir 39 600 tonnes en 2016 », précise Dr Amgad Al-Qadi, directeur du Centre de technologie industrielle alimentaire auprès du ministère du Commerce et de l’Industrie. Et d’ajouter : « On prévoit atteindre les 120 000 tonnes au cours des cinq années à venir. Le prix de la tonne en 2015 était estimé à 1 000 dollars. On compte atteindre les 1 500 dollars en 2020. Ce qui pourrait augmenter les entrées en devises de 40 millions à 180 millions de dollars », poursuit Dr Mohamad Al-Ansary, responsable du projet auprès de la FAO.
Et pour encourager les habitants siwis et tous ceux qui s’intéressent à la culture des dattes à Siwa, un projet va être élaboré à l’intérieur de la ville de Taziri, dans les quelques mois à venir. « C’est un diplôme d’études agricoles qui couvrirait quelques thèmes essentiels : l’économie durable des écosystèmes, le développement des industries respectueuses de l’environnement, les systèmes socioéconomiques des mécanismes, les systèmes financiers écologiques et le développement du patrimoine agricole », espère Hoda Al-Chaëbi, responsable du projet l
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