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Le calvaire d'une mère d'un activiste

Hanna Al-Mekkawi, Lundi, 13 mai 2013

Le calvaire d
Amira Tewfiq

« Hassan est toute ma vie. Même lorsqu’il n’est pas là, il fait partie de moi. C’est la pru­nelle de mes yeux. Je ne peux lui reprocher ce qu’il a fait, bien au contraire, je le sou­tiens de toutes mes forces », dit Amira Tewfiq, la maman de l’activiste alexandrin Hassan Moustapha, arrêté depuis le mois de janvier 2013.

Accusé d’avoir provoqué le chaos et agressé un substitut du Parquet, Hassan Moustapha est en prison depuis cinq mois et sa mère passe son temps à guetter les détails de son procès. « Ils ont peur de lui à tel point qu’on ne nous dit jamais le nom du tribunal dans lequel il va être jugé. Le jour de son jugement, j’ai passé toute la matinée à le chercher avec les avocats, en fai­sant le tour de tous les tribunaux d’Alexandrie. J’ai compris où il se trouvait en voyant le tribu­nal assiégé d’un nombre impressionnant de blindés et de policiers », relate la maman, en ajoutant que les idées font peur aux autorités, mais elles ont des ailes et ne peuvent pas être capturées.

D’après elle, sa force et celle de son fils, elle la puise dans sa foi. Ce n’est pas la première fois que cette dame reçoit un coup de fil, lui annon­çant l’arrestation de son fils. Cela se répète depuis des années, précisément depuis l’année 2007, lorsqu’il est sorti pour manifester contre la nouvelle Constitution à l’époque de Moubarak.

En tant que maman d’activiste bien connu, elle s’est habituée à vivre constamment en état d’alerte et sait qu’à n’importe quel moment elle pourra ne plus le revoir. « J’accepte cette situa­tion, car c’est moi qui ai appris à mon fils d’être une personne loyale qui doit vivre pour les autres et avoir un objectif à défendre », dit Amira, tout en avalant ses larmes, mais en gar­dant toujours ce sourire qui ne quitte jamais ses lèvres. Cette dernière remercie Dieu à chaque fois qu’on lui apprend l’arrestation de son fils, car elle sait qu’il est encore en vie. En tant que mère d’un activiste souvent en prison, Amira est devenue une véritable militante. Elle croit dur comme fer que sa mission est d’aider son fils. Hassan, qui a terminé ses études en tou­risme et hôtellerie, a décidé de faire des études de droit en s’inscrivant à la faculté de droit. Et puisqu’il est souvent absent parce qu’il est en prison, c’est sa mère qui s’en occupe pour orga­niser les dates des examens.

Le bon moral dont fait preuve son fils la rend plus forte et plus courageuse. « Mon fils est libre et ce sont ses gardiens qui sont en capti­vité », dit cette maman. Et si son fils n’est pas tout le temps avec elle, elle est constamment entourée de ses amis, ses camarades et des gens qu’il a aidés, à l’exemple d’un ex-prisonnier, ou d’un ouvrier de Mahalla.

Entouré de toutes ces personnes, des livres que son fils lui a remis pour la lecture et des longues discussions qu’elle a entretenues avec lui, une fois sorti de prison, elle ne ressent plus ni cette solitude ni cette tristesse qu’une maman éprouve en l’absence de son fils. « Mon fils fait quelque chose de très important. En le soute­nant, je fais moi-même quelque chose qui n’est pas de moindre importance », achève la maman qui se prépare à lire un livre sur les pays de l’Amérique du Sud et comment les peuples de cette région ont réussi à se libérer.

Etude

Sur un échantillon de 400 prison­niers, une étude faite récemment par Mohamed Zaree, directeur de l’Or­ganisation d’aide des prisonniers en Egypte, montre que 82 % des familles des prisonniers souffrent à cause de l’isolement social et du harcèlement de la police. Concernant l’impact social et moral de l’incarcération, l’étude a affirmé que les prisonniers et leurs familles avaient tendance à devenir obsédés par les sentiments de haine et de vengeance à l’égard de la société. 40 % sont exposés à des humiliations ou maltraitance. Ils sont menacés par la police, et leurs mai­sons font l’objet de fouilles systéma­tiques. 62 % d’entre eux ont eu des relations perturbées avec leurs familles, leurs voisins et leurs collè­gues. On a arrêté un autre membre de la famille dans 13 % des cas de l’échantillon et 80 % des familles ne peuvent plus mener une vie normale à cause des problèmes financiers dus à l’arrestation de l’un de leurs membres.

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