Ce n’est pas un parti comme les autres. Il n’aspire pas au pouvoir, ne possède ni agenda, ni siège, mais il est mobile. Ses membres ne comptent pas se présenter aux élections, et n'ont besoin d’une carte d’adhésion non plus. Ils ont juste besoin de déstresseret d’éclater. Telle est la philosophie d’Al-Hezb El- Comedy (le parti comique). Apparu sur la scène depuis 2 ans, ce parti a pour slogan : Fok Yourself (littéralement détends-toi, un mélange d’égyptien et d’anglais) et comme logo un tarbouche rouge et un micro. Son objectif ultime : la dérision.

Hachem Al-Garhi, fondateur du parti comique.
Donc, il n’a aucun rapport avec la politique. « Dans notre parti, nous n’avons qu’un seul objectif : détendre les gens à travers le rire. C’est pour cela que tous ceux qui aiment rire sont appelés à nous rejoindre », lance Hachem Al-Garhi, fondateur du parti comique. Mais pourquoi un parti ? Autant créer une troupe comique. Selon lui, la liste des partis de l’après-révolution ne cesse de s’allonger. De nouveaux partis politiques ont vu le jour : des libéraux laïques aux islamistes, en passant par les communistes, toutes les tendances y sont représentées.
C’est la conséquence du Printemps arabe et des changements politiques que connaît le pays. En assistant à ce foisonnement de nouveaux partis, Al-Garhi a voulu faire comme les autres et créer le sien. « Dessiner un sourire sur les lèvres et essayer de divertir un public qui étouffe sous la discorde et les tensions politiques post-révolutionnaires est une affaire sérieuse, voire obligatoire », expliquet- il, tout en se vantant que son parti soit l’unique et le premier du genre en Egypte.
Selon Al-Garhi, la création d’un parti qui répond au besoin de rire et de la bonne humeur, notamment en ces jours difficiles, a aussi son importance. « Notre parti tombe à point nommé. Nos spectacles font l’effet d’une thérapie et d’un antidépresseur en cette période de crise », rétorque Al-Garhi.
Guérir l’âme et le corps

Charisme, dynamisme et humour, des critères pour devenir membre du parti.
Il est 20h. Au centre Makan (l’endroit), dans le quartier de Saad Zaghloul, réservé à l’art et la culture, la salle est déjà archicomble. L’endroit est exigu et vétuste. Il n’y a pas de tables, seulement des chaises occupées par des spectateurs, dont la majorité sont jeunes. Environ 50 personnes sont là. Les uns ont pris place sur les chaises, d’autres sont assis sur les marches d’escalier. D’autres vont assister au spectacle en restant debout. L’ambiance est conviviale, et tout le monde attend le début du show.
Soudain, un jeune homme avance sur la scène. Sourire facétieux jusqu’aux oreilles, yeux rieurs et tenue décontractée, il se présente en disant : « Bonsoir, je m’appelle Mohamad Farouq ». Il annonce le thème de la soirée tout en faisant rire le public et en l’apostrophant. Seul sur une scène dépouillée, sans jeu de lumières, un micro à la main, sans accessoires, ni effets spéciaux, Farouq embarque le public dans son univers. Ses répliques n’épargnent personne. Des salafistes en passant par les personnalités politiques célèbres sans oublier le président Morsi.
Il a trouvé de la matière pour faire des monologues comiques, tout en évoquant le harcèlement dont les femmes sont victimes, les embouteillages dans les rues et enfin le procès de Moubarak, tout en faisant allusion à son état de santé qui s’est nettement amélioré depuis 2 ans. Un foisonnement de jeux de mots, vannes et autres galipettes verbales. Farouq ne rate rien. Il passe au peigne fin la politique, l’actualité et tout ce qui se passe dans la société. Cela ne dure que 5 à 7 minutes.
Et on entend résonner des rires dans toute la salle. « Savoir rire de tout et de soi-même avec intelligence est la recette pour que notre message passe », explique-t-il. Et d’ajouter : « Apaiser les autres est ma vraie passion ». Farouq, qui est médecin, confie qu’après avoir rejoint Al-Hezb El-Comedy, il sent qu’il est en train d’accomplir sa vraie mission, à savoir : guérir le corps et l’âme des gens. Autrement dit, soigner ses patients, mais aussi son public en le faisant sortir de son désarroi émotionnel.

Parodies, vannes, sketchs et chansons, tel est le programme d'Al-Hezb El-Comedy.
En effet, le rire est l’unique langage universel qui a le pouvoir de purifier physiquement et psychologiquement l’être humain de sa négativité et de son agressivité. Selon lui, faire rire malgré les difficiles situations que vit le pays actuellement s’avère un challenge à relever.
« Le message transmis par notre parti donne une bonne bouffée d’oxygène, une aide précieuse en cette période sombre. De plus, des études ont déjà démontré que l’humour aurait le même effet euphorisant qu’une drogue. Il n’y a rien de mieux que de se défouler par le rire et de se sentir bien par la suite que de recourir au hachich ou à l’héroïne pour fuir la réalité », souligne Farouq, qui se rend régulièrement à la place Tahrir en tant que manifestant et médecin en même temps, et le soir, il joue son rôle de thérapeute à travers son parti.
La banque centrale du rire
Cette forme de Stand-Up Comedy, qui est le one man show, est apparue au XIXe siècle aux Etats-Unis. En anglais, l’expression signifie littéralement « se tenir debout ». Autrement dit, la forme d’humour la plus pure dans le sens où l’artiste n’a en théorie besoin de rien d’autre que d’un micro et d’un m2 pour s’exprimer, s’adresser directement à son public et le faire rire avec ses vannes en se servant des détails du quotidien. C’est ce que Hachem Al- Garhi fait avec brio avec les membres de son parti. Ces derniers, qui sont à présent une vingtaine de jeunes dont l’âge ne dépasse pas la trentaine d’années, ne sont que des amateurs du Stand-Up Comedy.
Partageant tous, charisme, dynamisme et humour, ils ont réussi à présenter, durant 2 ans, 15 shows enchaînant parodies, sketchs et chansons. Et bien qu’ils n’aient pas les moyens, rien n’est compliqué pour eux, puisque toutes les rencontres et tous les spectacles se font dans différents salons culturels et centres artistiques, tels que Saqiet Al-Sawi, Bikia, Darb et Makan. Des endroits où les billets d’entrée ne coûtent pas cher. « Dans notre parti, tout est basé sur le rire. Je ne traite pas avec la banque, j’ai plutôt la mienne que j’ai surnommée : la banque centrale du rire. J’ai aussi créé la carte d’identité du rire. Le programme du parti s’articule autour de spectacles hilarants. Et si j’étais au pouvoir, je changerais les billets de banque en billets de rire ! », lance Al-Garhi en rigolant.
« Si vous ressentez en vous le talent d’un showman et que vous rêvez de tester vos sketchs face à un public, ou tout simplement découvrir les humoristes de demain, n’hésitez pas à vous adresser à notre parti », telle est la publicité faite par Al-Hezb El-Comedy sur sa page Facebook.
En effet, à chaque rencontre, de nouveaux talents sont mis en évidence. « Depuis la création du parti, il y a toujours plus de monde. La foule est dense et la tendance est forte. C’est surprenant. Les gens veulent s’exprimer et surtout, rire », explique Marwan Imam, humoriste et partisan du Hezb.
Le parti a le mérite d’offrir du rire

Des spectacles hilarants qui font ofce d'antidépresseur en cette période de crise.
Un avis partagé par les spectateurs qui ne sont, en fait, que des membres ou des partisans du parti. Tel est le cas de Samir, étudiant à l’Université américaine, qui a eu l’idée de jouer une partie du show en anglais. « Quoi de plus plaisant que de se détendre et d’oublier le lot de stress accumulé la journée, face à des gens qui savent vous faire rire », dit-il, tout en ajoutant que ce parti est bien plus utile que les autres partis
politiques qui n’ont présenté aux citoyens que du blabla, alors qu’Al-Hezb El-Comedy, lui, fait rire et plaisir.
Quant à Gamila, comptable, celle-ci affirme que depuis qu’elle a assisté à un spectacle d’Al-Hezb El-Comedy, elle n’en rate plus aucun. Elle insiste pour que son père, souvent tendu à cause des problèmes, l’accompagne. « Je sais que le fait d’assister à un tel spectacle hilarant ne va pas résoudre mes problèmes, mais au moins cela me permet de me détendre », affirme Gamila, impressionnée par un jeune comédien, un génie de l’imitation et qui cache dans ses cordes vocales des dizaines de voix de chanteurs, d’acteurs, d’humoristes ou d’hommes politiques.
Et que le rire coule à flot. Même dans les coulisses, on rigole, on lance des vannes, des plaisanteries et des blagues. On raconte des histoires drôles ou on tourne en dérision les copains …
A la merci de son public

Des spectacles hilarants qui font ofce d'antidépresseur en cette période de crise.
Monter seul sur scène et vivre sa toute première expérience d’humoriste est un rêve qui caressent beaucoup de gens. Les participants ou les nouveaux membres qui débutent ne comprennent probablement pas ce qu’il faut faire. Le Stand-Up ressemble à une cérémonie qui se donne avant tout pour soi. Ce soir, 3 amateurs vont se présenter pour la première fois en public.
Chute libre, saut à l’élastique, les moyens de se dépasser et de vivre le grand frisson ne manquent pas. Retenir 5 minutes de texte, le jouer pour la première fois, dans un endroit que l’on ne connaît pas, devant des gens que l’on ne connaît pas … et faire rire, c’est un beau challenge au début.
Micro en main, en tee-shirt portant le nom du parti, Mohamad répète de nouveau son sketch avant d’entrer en sc&`ne. A ses côtés, Rami Boraï, un ancien membre, lui prodigue des conseils : « Pendant le spectacle, l’humoriste est à la merci de son public. Son succès dépend en particulier de ses talents en matière de spontanéité, mais aussi de ses capacités à faire face à l’audience et à savoir réagir. Il faut que tu connaisses ton texte sur le bout des doigts.
Quand tu arrives sur scène, tu regardes au loin et tu lèves la tête. Essaie d’évoquer le quotidien de manière décalée, avec un sens de l’observation qui permet au spectateur de s’identifier à toi. Et surtout, bouge beaucoup sur la scène ! ».
Aujourd’hui, les membres d’Al-Hezb El-Comedy tentent de concurrencer les autres partis politiques, en essayant de faire sortir les Egyptiens de ce traquenard de la politique, en utilisant le rire comme substitut. Pendant plus d’une heure et demie, les rires fusent. Les jeunes se succèdent au micro. Chacun propose un thème bien particulier à lui, riche d’idées, avec un regard débridé sur la société. Et grâce à leur jeu de scène, ils ont su embarquer, tour à tour, le public dans leur délire, pour qu’il reparte content et avec cette impression d’avoir passé une belle soirée.
raquo;, dit-il, tout en ajoutant que ce parti est bien plus utile que les autres partis`
Guraquo;, affirme Gamila, impressionn Chute libre, saut
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