34 caméras de vidéosurveillance viennent d’être installées au sein du village Al-Sarakna (dépendant de la ville Al-Koussiya) en Haute-Egypte, à 380 km du Caire. L’initiative vient d’une vingtaine de jeunes habitants pour faire face à la délinquance. « Comme les portes des habitations restent ouvertes toute la journée à la campagne, tout se vole en ce moment : de la volaille aux tracteurs en passant par les voitures, tout est cambriolé. Les voleurs font leur marché à la campagne. En plus, le kidnapping des enfants et le viol des petites et jeunes filles sont devenus courants », se plaint l’un des habitants. Au sein du village Al-Sarakna, l’installation des caméras de surveillance a été favorablement accueillie par la majorité de la population. Les quelque 9 000 habitants ont salué l’idée et ont décidé d’en installer chez eux. Les 200 jeunes hommes du village, qui vivent à l’étranger (Etats-Unis, France, Italie, Grèce, Koweït et les pays du Golfe …), ont financé le projet. La directrice de la ville Al-Koussiya, Howaïda Al-Chafeï, encourage l’achat de ces équipements. Avec son centre de contrôle composé de 8 opérateurs, le père Ephraïm s’est engagé pour visionner les images qui défilent en direct. Dans le référendum organisé par le maire Ramez Ekram, 95 % de la population ont répondu « oui » à la question posée : « Etes-vous favorable à l’installation de caméras ? ».
L’objectif était clair : Passer à l’attaque, être réactif et se protéger, afin d’enrayer cette délinquance qui augmente de jour en jour. « Sans doute, les avantages de la mise en place d’un système de vidéosurveillance sont multiples, en premier lieu la sécurité des individus et des biens », confie Mme Hanane, directrice de l’établissement scolaire Salaheddine, situé dans le village Al-Sarakna. Cette dernière se souvient d’un kidnappeur de filles qui avait pris la fuite, la semaine dernière, mais n’a pu échapper à la vidéosurveillance implantée au-dessus de la porte de l’école. « La police a déployé aussitôt un vaste dispositif de recherche afin de retrouver la trace du ravisseur. Quelques heures plus tard, une patrouille repère un homme au volant qui réside dans un village avoisinant », relate Mme Hanane. La présence du kidnappeur dans ce secteur avait été signalée aux policiers grâce aux images de la vidéosurveillance dûment exploitées. C’est un véritable cas d’école pour les partisans de la vidéo-protection qui mesurent chaque jour l’importance de cet outil dans la résolution de ce genre d’affaires.
Un coût de 150 000 L.E.

(Photo: Mohamad Abdou)
Les travaux d’installation des caméras de surveillance, dont le coût est estimé à 150 000 L.E., ont commencé au début de mars 2017, et se sont achevés à la fin du mois de mai et vont balayer environ 50 zones plus ou moins sensibles, dont les entrées et les sorties du village, sur les portes des églises et des mosquées, en face de l’unité sanitaire, devant la mairie et le commissariat, autour des établissements scolaires, dans les marchés et à proximité des lieux de vie. « C’est vrai que l’installation du réseau de vidéosurveillance nous a coûté énormément d’argent, mais il nous permet d’économiser désormais chaque année entre 150 000 et 250 000 L.E., coût des objets volés », déclare le père Ephraïm.
Quelques semaines plus tard, les habitants qui ne comprenaient pas leur utilité ont constaté l’importance d’en installer chez eux. Guirguis, habitant du village Al-Sarakna, a acheté une caméra capable de filmer et de prendre des photos en même temps, y compris la nuit, sans éclairage ni rayon particulier. La caméra est équipée d’un détecteur de mouvement et se déclenche automatiquement. Cela lui a coûté 1 500 L.E., ajoutés à cela quelques équipements supplémentaires pour la faire fonctionner : un récepteur, un chargeur, un adaptateur, des supports de fixation, une antenne, un câble Internet à raccorder sur le moniteur et une carte mémoire de 1 000 gigas. En tout, il a dépensé une somme de 3 000 L.E. « A chaque mouvement détecté, j’ai des photos et des images filmées qui me sont envoyées directement sur mon téléphone portable par MMS », note-t-il avec satisfaction. Guirguis a été obligé de doter sa maison de cette caméra car il a été volé une quinzaine de fois en 7 ans, et délesté de plus d’un million de L.E. « Une fois, on m’a volé un tracteur, une autre, mon véhicule et même des animaux de ma ferme. Les animaux visés sont les poules, les dindons et les canards. Et la dernière fois, c’était toutes mes vaches qui pâturaient dans les champs. Aujourd’hui, avec la hausse des prix, une vache coûte 30 000 L.E. Les cambrioleurs sont généralement des professionnels. A chaque fois, je déposais une plainte, mais on n’a jamais retrouvé les voleurs », raconte Guirguis. Et d’ajouter : « Maintenant, avec l’utilisation des caméras de surveillance, je dors tranquillement la nuit gardant devant moi l’écran pour surveiller ce qui se passe à l’intérieur de ma ferme. Et ce, sans être exposé au danger ».
En fait, Al-Sarakna n’est pas le seul village à Assiout à équiper les points sensibles ou les maisons de télésurveillance. D’autres ont suivi l’exemple à l’instar de Rezket Al-Deir (12 211 habitants) qui s’est doté de 75 caméras de surveillance. En juillet 2016, le village Al-Mir a suivi le pas avec 50 caméras. Sans aucun doute, les habitants de ces villages ont vu la nécessité de doter leur douar (maison) de caméras pour se protéger contre les vols qui ont augmenté tant dans ces milieux ruraux que dans les grandes villes.
« Dans le village Al-Sarakna, 49 délits de délinquance (crimes, attentats, vols de véhicules, d’argent, de bijoux, de portables, de maisons, viols et autres …) ont été recensés chez les agriculteurs en 2011. Entre 2012 et 2013, ce nombre a sensiblement augmenté, soit 140 par an, c’est-à-dire entre 6 et 8 délits par mois », témoigne un agent de police qui a requis l’anonymat. Ce dernier commence à lister le nombre d’attentats qui ont eu lieu entre 2011 et 2017 dans les villages d’Egypte, surtout dans les gouvernorats de la Haute-Egypte.
Dans les campagnes, la pleine lune inspire les délinquants. Ils cherchent leur cible, procèdent au vol en début de nuit et le lendemain matin, ils ne sont plus là. Ils sont déjà très loin. « Aujourd’hui, le système de vidéosurveillance protège tout le monde. On peut reconnaître facilement les voleurs », note le père Ephraïm avec satisfaction.
Deux voleurs ont été arrêtés le mois dernier grâce à une caméra de surveillance. Am Hanna Ayad, villageois, raconte qu’il a reçu des alertes sur son téléphone portable, sous forme de SMS avec photos et vidéos à 2h du matin. Aussitôt réveillé, il a distingué des silhouettes humaines sur l’écran de son téléphone portable. Il s’est dirigé sur place, avec son fusil, a tiré des balles en l’air en hurlant bien fort : « Vous voulez de l’aide ? », relate Am Hanna en gloussant de rire. Puis, il dit avoir appelé la police qui a simplement téléchargé chez elle les images de télésurveillance et a réussi à arrêter les voleurs.
Faire baisser la délinquance

Le système de vidéo-protection a fait ses preuves dans les zones rurales.
(Photo: Mohamad Abdou)
Aujourd’hui, les policiers bénéficient d’un outil de travail qui fait ses preuves. Les caméras sont devenues une aide à l’enquête et complètent les actions traditionnelles de la police basées sur le renseignement, l’enquête et les patrouilles. « Les images sont enregistrées et peuvent être utilisées par les forces de l’ordre, notamment pour lutter contre les vols, les viols, les kidnappings et les cambriolages des maisons ... », confie Abanob Hanna.
Or, une question qui s’impose. Dans les milieux ruraux, la vidéosurveillance a-t-elle fait ses preuves ? La réponse est « oui ». De nombreux vols ont été recensés ces trois derniers mois, grâce à la vidéosurveillance. Aujourd’hui, ce système n’est plus un luxe, mais est devenu un outil indispensable dans différents domaines. « Ceci pourrait permettre de faire baisser les chiffres de la délinquance au sein du village d’un taux de 70 %. Tous les visiteurs qui rentrent et sortent et tous ceux qui viennent avec de mauvaises intentions se disent : On va être filmé, et donc, ils vont hésiter à commettre leurs délits », dit Ramez Ekram, maire du village Al-Sarakna.
Le système de télé-protection est utilisé aussi pour signaler des individus suspects. Son efficacité a été prouvée le soir de Noël. « Un voisin avait prévenu la police qu’il voyait des gens se balader ce soir-là avec une torche. Cette vigilance a permis de déjouer trois cambriolages », note le père Ephraïm.
Quant aux habitants des autres villages et bourgs d’Assiout, ils souhaiteraient voir l’expérience s’étendre à leurs zones. La question de l’avenir de la vidéosurveillance est à l’ordre du jour dans les autres villages .
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